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POLLUTIONS

[Tribune] Marché carbone EU-ETS : comment dépasser les limites d’un système basé sur l’offre et la demande ?

PUBLIÉ LE 6 JUILLET 2020
MATHIEU DANCRE, DIRECTEUR CONSEIL SUR LE SECTEUR ENERGIE CHEZ GREENFLEX
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[Tribune] Marché carbone EU-ETS : comment dépasser les limites d’un système basé sur l’offre et la demande ?
Cette semaine, Mathieu Dancre, directeur conseil sur le secteur Energie chez GreenFlex se demande quels facteurs prendre en compte pour que le prix des quotas d’émission de CO2 augmentent.

La baisse du prix des quotas d’émission en cette période de crise sanitaire planétaire interroge. Si elle est une réponse mécanique et incontestable à la loi de l’offre et de la demande, n’en est-elle pas pour autant contestable ? Quels facteurs ont été négligés dans le calcul et quels facteurs devrions-nous prendre en compte pour que la crise que nous traversons aboutisse à une hausse du prix et non une baisse ?

La crise sanitaire : un écran de fumée cautionnant la procrastination ?

Car relancer l’économie à un prix du quota de CO2 en berne, c’est de manière tout aussi incontestable redonner carte blanche aux industriels et aux producteurs d’électricité pour émettre du CO2. La chute de la demande européenne en énergie fossile va générer des quotas non utilisés et par conséquent empêcher le prix du CO2 de repartir à la hausse. Autre dommage collatéral : la remise en question ou à plus tard, des investissements de décarbonation de l’industrie, de la mobilité, de l’habitat et de notre mix de production énergétique. Projets maintes fois déjà retardés par les concernés qu’un prix élevé de la tonne de CO2 devait « motiver » à lancer.

Ainsi, force est de constater, que cette baisse conjoncturelle du prix du CO2 est loin de refléter les équilibres fondamentaux de moyen et long terme qu’il serait pourtant indispensable de considérer pour prendre les décisions d’investissements qui s’imposent dès aujourd’hui. Car ces dernières doivent être prises en considérant l’urgence de la situation écologique. La crise sanitaire, aussi grave soit-elle sur le plan sanitaire, ne doit pas être un écran de fumée cautionnant la procrastination. Ainsi, malgré un contexte économique difficile où un grand nombre d’entreprises tentent tout simplement de survivre, ce serait tout de même une erreur que d’abandonner ou laisser de côté les investissements en faveur d’une économie décarbonée.

Une voie sans issue ?

Comme cela vient d’être évoqué, une première piste serait de concevoir un marché CO2 de long terme, plus stable que la courte vue offerte par les marchés du carbone actuels. Dans le même esprit que l’OPEP pour les prix du pétrole ou la BCE pour les taux directeurs, une organisation européenne pour un prix du carbone objectivé sur des trajectoires carbone et reconsidéré régulièrement serait une option à considérer très sérieusement. Une structuration possible serait d’envisager des prix de quotas à terme par période de 3 à 5 ans, permettant de sécuriser des investissements dont le temps de retour est supérieur à 3 ans. Concrètement, on pourrait avoir pour chaque jour de cotation sur les marchés, un prix de CO2 à x Eur/t pour 2020-2024, un autre prix de CO2 à y Eur/t pour 2025-2029, et ainsi de suite. Bien que séduisante, une telle structuration nécessite suffisamment de liquidités entre acheteurs et vendeurs pour faciliter le portage du risque par des acteurs de marché.

Une deuxième option reposerait sur un mécanisme de type CEE (Certificats d’Economies d’Energie) : des entreprises émettrices de CO2 devraient démontrer auprès de l’Etat sur des périodes de 3 à 5 ans qu’elles incitent des particuliers ou des entreprises à réaliser des opérations de décarbonation. Cette obligation à l’incitation et à l’action se traduirait par la valorisation d’une opération décarbonée, définie au sein d’une liste d’opérations reconnue par l’Etat, en échange d’une quantité de Certificats d’Economies de Carbone déposés par les obligés sur un registre national, quant à lui contrôlé par l’Etat. Nul doute que l’entreprise « contrainte » saurait répercuter sur le prix de ses biens et services produits, le coût d’un tel dispositif. Cependant la force de cette solution repose sur sa dimension incitative liée au versement d’une prime à l’utilisateur final, plus visible (et appréciée) que le coût global dilué dans le prix des biens de consommations, exactement comme dans l’énergie. La prime versée aux particuliers pour des chaudières performantes sur le plan énergétique est répercutée dans le prix de vente de l’énergie par l’obligé.

Enfin, il reste toujours l’option du dispositif de taxation, si impopulaire et contesté par les gilets jaunes. Que l’on adhère ou pas à ce mouvement de contestation, il faut reconnaître à quel point la distorsion de la taxation était forte entre les différents émetteurs de CO2. Sur le blog de l’Institute of Economic Affairs, Kingsmill Bond, un article daté du le 5 avril 2020 indique que 83 % de la taxation carbone repose sur 15 % des émissions de CO2, principalement liés au transport routier et que les 85 % d’émissions restantes ne paient que 3 Eur/t en moyenne. Face à l’inefficacité des dispositifs de taxation en place, le moment est peut-être venu de revoir rapidement et globalement ce principe, sous l’angle d’une meilleure répartition de la taxe ou d’une meilleure justice environnementale : le prix de la tonne de CO2 devrait être identique pour tous quelques en soient les usages.
Mathieu Dancre, directeur conseil sur le secteur Energie chez GreenFlex
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