En milieu industriel, Lyonnaise des eaux (LDE) avait déjà rencontré des cas de contamination au chlorure de vinyle. Mais, en tant que délégataire d'un réseau de distribution d'eau potable, comme à Bischwiller, il s'agit d'un cas pratiquement unique en France. LDE a en effet constaté à trois reprises, entre janvier2004 et janvier2005, des dépassements à 0,6µg/l - contre 0,5µg/l autorisé. Ils résultent d'un pompage plus profond dans la nappe en raison de la canicule de 2003 et ont concerné deux des quatre puits du producteur et transporteur, le Syndicat intercommunal des eaux (SIE) de la Basse-Moder. « Deux priorités nous ont alors guidés: rechercher l'origine de la pollution et continuer à distribuer une eau de qualité », rappelle Pierre Schuster, son président jusqu'en avril dernier.
le mystère demeure
La première de ces priorités a amené la collectivité à se tourner vers l'industriel voisin Hager-Tehalit, alors producteur de goulottes en PVC. Celui-ci a installé treize piézomètres et diligenté des analyses auprès de Burgeap, en parallèle des études que le SIE a confiées au même bureau. « Nous avons pu montrer patte blanche », se félicite Pascal Christmann, responsable environnement chez Hager-Tehalit: le PVC, tel que produit par l'industriel, ne s'est pas dégradé en chlorure de vinyle. Celui-ci pourrait également provenir du tétrachloroéthylène, solvant de dégraissage utilisé par nombre d'industries, dont les teintureries et les métallurgies qui ont précédé Hager. Mais les relevés piézométriques n'ont pu lever ce qui demeure un mystère. Seule certitude pour la collectivité: le principe pollueur-payeur ne peut s'appliquer.
Afin de maintenir la qualité de l'alimentation, le SIE a réorganisé la distribution de façon à ne solliciter les forages ponctuellement contaminés qu'à titre de réserve. De plus, il a recherché une solution d'élimination. L'option d'un forage alternatif a vite été écartée: le risque sanitaire, limité, ne justifiait pas de trouver de nouvelles ressources à tout prix: « Un seul kilomètre de conduite serait revenu aussi cher que l'unité de traitement finalement installée pour 390 000euros hors taxes », souligne Pierre Schuster.
Au stade du choix de la technique, le centre de recherche Cirsee de LDE est entré en jeu. La propriété de haute volatilité du chlorure de vinyle a guidé ses réflexions. Elle a écarté le pompagedans le sol comme l'adsorption au charbon actif: trop chers, trop longs à produire des effets, à l'efficacité non garantie. Quant au traitement chimique, il n'apparaît pas exempt de risques, du fait de la réaction potentielle avec les produits injectés.
La voie « aérienne » s'est imposée comme étant la plus naturelle. « La molécule se détruit de moitié en cinquantejours au contact des UV, au lieu de cinquante ans dans le sol », souligne Nicolas Bockhoff, directeur de l'agence Bas-Rhin
de Lyonnaise des eaux.
Le Cirsee a proposé une solution en deux phases: cascade d'aération naturelle en sortie de l'usine de production et stripping si besoin. Mis en oeuvre en mars2005, le premier mode n'a pas empêché de nouveaux dépassements. D'où la construction du stripping par l'allemand Prantner en 2007. L'unité fait ruisseler l'eau par gravité dans une colonne de 8mètres avec insufflation d'air à contre-
courant, au débit de 300 ou 600m3/h. Elle se substitue à la cascade et intervient en aval de la déferrisation et de la démanganisation déjà pratiquées avant la pollution. « L'unité de stripping est dimensionnée pour supporter une concentration initiale de 12µg/l de chlorure de vinyle dans les eaux brutes, soit dix fois les volumes constatés, et restituer en sortie une eau chargée à seulement 0,3 µg[le probable niveau de la norme dans les prochaines années, NDLR] », expose Nicolas Bockhoff.
31% d'aides
L'investissement de 390 000euros a bénéficié de 31% d'aides de l'agence de l'eau Rhin-Meuse et du département du Bas-Rhin. S'ajoutent 65 000euros par an de maintenance. Le coût d'exploitation pour le SIE sera renchéri de 17%, mais il représente 2centimes d'euro au mètre cube en valeur absolue, à comparer aux 3euros de facture moyenne eau et assainissement de l'usager.