Dans les Bouches-du-Rhône, lorsqu'on évoque la commune de Fos-sur-Mer, on a plutôt tendance à penser port industriel, complexe pétrochimique et pollution. Mais cela pourrait bien changer grâce à un projet de réhabilitation des salins qui conjugue aquaculture durable, captation de CO2 et éducation à l'environnement. Porté par l'association de protection de l'environnement EVE ( Eau et vie pour l'environnement), le projet a vu le jour en 2006 après le rachat des salins par la communauté d'agglomération Ouest Provence. À ces deux structures, s'est greffé un groupe d'aquaculteurs soucieux d'intégrer le développement durable. « Pour nourrir les poissons d'élevage, deux solutions existent : les poissons pêchés en mer, une pratique peu écologique au vu de la diminution des stocks halieutiques, et les micro-organismes planctoniques élevés en bassins. Or jusqu'alors, pour produire ces micro-organismes qui se nourrissent de dioxyde de carbone, on achetait ce gaz en bonbonnes. Mais du CO2, on en a plein dans l'atmosphère, gratuitement, c'est même un problème. L'idée est donc de l'utiliser pour alimenter nos micro-algues qui nourriront ensuite les poissons. Le gaz carbonique rejeté par les industries phocéennes devient notre matière première », explique Jean-Marie Puff, l'un des aquaculteurs à l'origine du projet. D'une pierre, deux coups : l'aquaculture devient non seulement durable, mais permet aussi de capter une quantité non négligeable des rejets de ce gaz à effet de serre. « Sur une même surface et grâce à un pouvoir de photosynthèse supérieur à celui des arbres, les algues captent jusqu'à dix fois plus de CO2 qu'une forêt. Ainsi, en à peine quelques jours, une tonne de CO2 est transformée en 500 kg d'algues sèches », poursuit Marc Del Corso, attaché de conservation du patrimoine à Ouest Provence.
Le site se voit également pionnier sur les biocarburants. « Alors que la production des biocarburants à partir de plantes terrestres utilise eau et pesticides, les algues pourraient constituer une solution alternative très intéressante », avance Jean-Marie Puff. Et à ceux qui les accusent de surfer opportunément sur la vague du développement durable, Marc Del Corso l'assure : « Le but de ce projet n'est pas de monter une grosse entreprise rentable, mais plutôt de créer un lieu de présentation des écosystèmes et de R et D dans le domaine de l'environnement ». Parce qu'à Fos, si on a du pétrole, on a aussi plein d'idées... pour tenter de s'en passer.
Double dividende
Si la remise en eaux des salins et le comblement de quelques brèches sur les digues devraient se faire cette année, 2008 sera surtout consacrée à l'élaboration d'un projet détaillé. Les travaux commenceront en 2009 et devraient durer entre deux et trois ans. Pour l'heure, l'intercommunalité Ouest Provence a versé 30 000 euros sur un projet estimé à 5 millions, la rénovation du bâtiment représentant plus de la moitié de cette somme. Mais le maire de Fos, René Raimondi, est confiant quant au financement de son « bébé » ; il a prévu de solliciter directement les producteurs de CO2 présents sur la commune afin qu'ils s'investissent dans ce dossier. Un moyen pour les industriels de redorer leur image en termes d'environnement, mais surtout d'appliquer au pied de la lettre le principe pollueur-payeur.