Par nécessité ou par choix, le particulier peut se retrouver à la tête d'un ensemble de dispositifs pour traiter ses eaux usées, récupérer et réutiliser l'eau de pluie, se servir des eaux souterraines via un forage ou une pompe à chaleur. Du simple rôle d'usager d'un service collectif, il passe ainsi à celui d'exploitant.
De plus en plus de citoyens font ce choix, comme le montrent le boom du marché de la récupération des eaux pluviales, des pompes à chaleur ou la hausse des demandes de forage. Et l'actualité réglementaire, particulièrement riche en cette rentrée (voir p. 62), montre que le législateur répond à cet engouement et souhaite encadrer les pratiques.
S'il est techniquement possible de transférer au particulier ce qui est fait habituellement par la collectivité, on peut s'interroger sur la capacité d'un « simple » individu à jouer ce rôle d'exploitant. Par exemple, va-t-il surveiller régulièrement la qualité de l'eau de son forage ou de son eau de pluie stockée ? Maîtrise-t-il les tenants et les aboutissants d'un double réseau à l'intérieur de son bâtiment, et les risques liés à l'utilisation de l'eau de pluie dans un lave-linge ? Comme pour l'ANC, il est important que les services de la collectivité suivent et contrôlent ces installations, avec l'intervention d'entreprises privées qui ne devraient pas tarder à proposer une offre globale pour l'ensemble de ces dispositifs.
Mais le plus important est peut-être que cette logique individuelle, dont l'un des moteurs est le développement durable, remet en cause un système collectif, qui lui aussi oeuvre pour l'environnement. Si cette tendance devait se confirmer, les contraintes qui en découleraient concerneraient tant l'exploitation (retours d'eau, purge du réseau, etc.) que l'équilibre financier (baisse des consommations d'eau, difficulté d'estimer la taxe d'assainissement à partir du volume d'eaux pluviales ou souterraines consommées, etc.).
Le particulier est parfois loin d'imaginer ce que porte le service public de l'eau, et le chemin qu'il a parcouru depuis plus de deux cents ans - notamment en termes de santé publique -, grâce à la mutualisation des infrastructures et la construction de réseaux tentaculaires. Respecter la liberté des citoyens, permettre la mise en place de pratiques respectueuses de l'environnement tout en continuant à garantir un service public de qualité à un coût raisonnable : voilà l'un des défis des prochaines années.