Les Services publics d'assainissement non collectif (Spanc) entrent aujourd'hui dans une phase de maturité, après les premières années de mise en place pendant lesquelles ils ont établi leur rôle et leurs missions avec de plus en plus de précision et d'efficacité. Ils rencontrent aujourd'hui de nouvelles difficultés liées à l'inscription dans la durée de leurs actions ou à des situations particulières qui se sont fait jour dans leur zone d'action. Ils se trouvent également confrontés à des modifications réglementaires liées à la mise en application de la Lema et à la réforme du code de l'urbanisme. D'ailleurs, plusieurs Spanc ont spontanément pris contact avec la rédaction d'Hydroplus pour participer à ce nouveau dossier sur l'ANC (voir p. 48), inquiets des évolutions réglementaires qui pourraient encore compliquer leur tâche à l'avenir.
Publication prévue
en fin d'année
Le ministère de l'Écologie, sollicité par les différents acteurs de l'assainissement non collectif, vient d'annoncer que les textes seraient publiés en fin d'année (voir entretien ci-contre).
Les questions portent d'abord sur les textes réglementaires attendus pour la mise en application technique de la Lema et qui semblaient annoncés pour le début de l'été. Les inquiétudes se sont nourries du manque de communication du ministère depuis le mois de janvier. Si des consultations ont bien eu lieu, certains considèrent qu'elles n'ont pas été prises en compte, et les textes qui en ont découlé semblent soulever de nombreuses questions. « Il y avait un certain consensus en janvier, mais les textes qui ont circulé ensuite ont évolué, avec l'introduction d'une démarche d'agrément pour certaines filières, mais sans son contenu ! »
Pour Jean-Pierre Dautais, directeur technique Europe de Premier Tech Environnement, « le lien avec la réglementation européenne est très difficile à saisir. Le filtre à sable horizontal qui n'est même pas dans le DTU réapparaît. Et, enfin, que doit-on penser de l'apparition surprenante dans ce texte des toilettes sèches, sans spécifications techniques précises ? »
Hubert Willig, président de l'Institut français de l'assainissement autonome (Ifaa), rappelle que les filtres à sable horizontaux ont fait la démonstration de leur inefficacité. « C'est ce qui a conduit à ne pas les mettre dans le DTU. Faudra-t-il le réviser ? Sur la question des toilettes sèches, elles ne concernent que les eaux vannes. Que faire alors des autres eaux usées ? Et si des sacs poubelles pleins du contenu des toilettes sèches contaminent les camions de ramassage et les éboueurs ? », se demande-t-il. Les Spanc s'interrogent sur ce que les arrêtés leur apporteront réellement. « Les arrêtés techniques qui vont sortir sont normalement conçus pour nous faciliter la tâche, mais il n'est pas du tout sûr que ce sera plus simple. On va avoir beaucoup de problèmes sur le contrôle de l'existant car il n'y a rien ni dans la loi de 2006 ni dans les nouveaux arrêtés. Par ailleurs, il est désormais prévu qu'un nombre potentiellement infini de filières soit accepté, à condition qu'elles aient été validées par un service qui sera désigné par le ministère de l'Écologie. On ne sait pas quel sera ce service et cela nous inquiète un peu », appuie Cléa Laurent, technicienne du Spanc du SIEVI, dans les Alpes-Maritimes. Elle se réjouit par ailleurs de voir que la situation à propos des vidangeurs est clarifiée par un autre arrêté, mais elle s'inquiète aussi que le service de contrôle des agréments ne soit pas déjà prévu par le texte.La mise en place d'un système d'agrément des vidangeurs est une avancée positive, de l'avis de tous, qui permettra avant tout de créer une véritable transparence sur le devenir des boues, mais le sujet reste sensible pour d'autres raisons. « Jusqu'ici, les maires demandaient un devis à quelques entreprises et indiquaient la meilleure aux propriétaires qui cherchaient un vidangeur. Désormais, on nous demande de mettre en place une procédure, lourde à gérer, d'appel d'offres au niveau de la communauté de communes, avec un volume de prestations très important. Les grands groupes, qui s'occupent déjà de bien des sujets liés à l'eau et l'assainissement, seront en première ligne sur ces marchés. Est-ce que cette concentration est une bonne chose ? », s'interroge Xavier Nicolas, vice-président du conseil général d'Eure-et-Loir et président fondateur de la communauté de communes du
Perche Senonchois.
Sur le plan technique, l'arrivée des nouvelles filières est plutôt une bonne nouvelle pour la plupart des intervenants de l'ANC. Ils sont cependant tous prudents sur les nouvelles technologies et souhaitent que les arrêtés apportent certaines garanties sur leur efficacité à long terme. « Les microstations, par exemple, sont une technologie valide, mais leurs performances varient s'il s'agit de boues activées ou de cultures fixées et suivant les fournisseurs et les modèles. Les vendeurs ne sont également pas toujours de très bon conseil et nous avons ainsi vu un particulier, désireux de pousser plus loin l'épuration, s'équiper d'un traitement tertiaire au chlore qui est toxique pour les poissons du cours d'eau dans lequel il rejette ses eaux traitées. D'autres recommandent, pour espacer les vidanges, de prélever régulièrement un seau de boues à mettre sur les rosiers... », regrette Benoît Mouline, secrétaire de l'Ansatese. Il aimerait que l'arrêté technique encadre les techniques alternatives : garanties sur la fiabilité, l'entretien et la fourniture de pièces détachées. « Il serait regrettable, par exemple, de voir des fournisseurs faire des "coups" de vente et puis disparaître ensuite dans la nature », déplore-t-il.
Un nouveau code
de l'urbanisme
Nicolas Delbos, responsable du service assainissement individuel du syndicat des eaux de Charente-Maritime, espère que l'arrêté technique permettra de faire le tri entre les propositions commerciales pour les nouvelles techniques. « Aujourd'hui, nous sommes très sollicités par les vendeurs, qui font une publicité parfois mensongère aux propriétaires avec des soi-disant labels de qualité, en leur expliquant que leur système est autorisé par l'Europe et que la France doit donc obligatoirement les accepter. Ce n'est pas le cas tant que les textes européens n'ont pas été transcrits au niveau national. Ces méthodes créent souvent des contraintes d'exploitation, j'espère que la fourniture de contrats d'entretien précis sera prévue par la loi. » Un point sur lequel Marie-Caroline Nicolas, responsable du Spanc d'Antibes-Juan-les-Pins, insiste également : « Il est indispensable que la surveillance du fonctionnement soit obligatoire, avec une périodicité fixée par la réglementation. » L'autre sujet d'inquiétude majeur des Spanc a déjà été évoqué lors des 4es assises de l'assainissement non collectif d'octobre 2007. La réforme du code de l'urbanisme, entrée en application en octobre 2007, a en effet bouleversé les pratiques des Spanc. Jusque-là, de nombreuses collectivités avaient organisé l'instruction pour qu'elle soit transversale, entre la mairie, le Spanc et
les services départementaux. « Nous avions mis en place un système d'instruction conjointe avec les services instructeurs de permis, dont la plupart étaient des subdivisions de la DDE. Pour chaque permis, le pétitionnaire devait faire une demande d'avis auprès du Spanc. L'avis était repris dans le permis de construire qui était ensuite signé par le maire. Nous rendions notre avis sous un délai d'un mois et un avis défavorable pouvait signifier le refus du permis par le maire qui pouvait évoquer un manque de conformité au code de
l'urbanisme ou un
risque pour la salubrité publique », explique Nicolas Delbos. Une telle approche permettait de s'assurer que toutes les nouvelles installations étaient conçues en accord avec la réglementation, en correspondance avec les conditions particulières
de chaque parcelle.Le nouveau code est conçu pour simplifier la procédure d'instruction des permis de construire et n'exige plus de documents relatifs à l'installation d'assainissement. Les délais d'instruction ont également été raccourcis, ce qui ne laisse que peu de temps aux Spanc pour émettre un avis technique lorsque celui-ci lui est demandé. Les services départementaux sont désormais centralisés, leur personnel réduit et, avec des délais plus courts, ils respectent le nouveau code à la lettre, sans prendre en compte l'avis des Spanc.
Permis de construire
sous contrôle
Il n'aura pas fallu longtemps pour voir apparaître les premiers problèmes : parcelles trop petites pour prévoir un épandage, divisions
parcellaires séparant traitement primaire et secondaire, sol ne permettant
pas l'infiltration... Ce sujet avait d'ailleurs fait l'objet d'une question au gouvernement par Michel Doublet, sénateur de Charente-Maritime (publiée dans le JO Sénat du 22 novembre 2007), dans laquelle il regrettait que l'avis favorable du Spanc ne soit pas nécessaire pour obtenir un permis de construire ou l'autorisation de lotir. Dans sa réponse du 15 janvier 2008, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'Écologie, bottait en touche, rappelant simplement que, si la loi ne prévoyait pas ce contrôle à priori, le Spanc était fondé à le mettre en oeuvre. Elle signalait qu'un groupe de travail interministériel avait été constitué pour examiner cette proposition. Elle indiquait que « les modalités techniques d'exécution du contrôle des installations d'assainissement non collectif seront précisées dans un arrêté ministériel qui sera publié dans les prochaines semaines ». Et le temps s'est écoulé jusqu'au mois de septembre, sans que l'on voie la couleur d'un de ces textes !
Maires et Spanc ne peuvent donc qu'espérer que le ralentissement du rythme des constructions nouvelles se poursuive et gérer au mieux les problèmes déjà nombreux et les litiges qui se profilent à l'horizon. « L'absence de lien juridique entre l'urbanisme et l'assainissement complique le travail des Spanc. Nous avons eu connaissance de trois cas de permis de lotir en assainissement non collectif où rien n'avait été prévu, ni contrôlé. Une fois les lots vendus et les permis accordés, il est apparu que les parcelles ne permettaient pas d'assainir en individuel à un coût raisonnable. Je peux vous citer également le cas d'un notaire qui ira au contentieux pour un certificat d'urbanisme, car le Spanc a facturé quelques dizaines d'euros le coût de son avis sur l'assainissement », prévient Benoît Mouline.