Il n'y a pas de durée de vie moyenne pour une canalisation. L'expérience montre que si certaines, centenaires, remplissent encore parfaitement leur fonction, d'autres beaucoup plus récentes montrent des faiblesses. La corrosion, une augmentation de la pression, un mouvement de terrain et les conditions de pose sont autant de facteurs pouvant accélérer la détérioration d'un tronçon. Or les conséquences ne sont pas anodines : pertes en eau et surtout casses, dont les plus spectaculaires engendrent, outre la coupure d'alimentation, inondations et autres perturbations du trafic routier. Pour le responsable de la maintenance d'un réseau, il est donc primordial d'anticiper ces phénomènes et de programmer les travaux de rénovation en fonction des priorités techniques.
C'est l'objectif poursuivi par l'équipe Netwater du Cemagref de Bordeaux en modélisant ce qui relevait jusqu'alors de l'expertise humaine des exploitants. Le logiciel Casses, commercialisé depuis l'automne dernier, a comme principal atout sa fiabilité. « Nous avons comparé notre modèle avec ce qui s'est réellement passé pendant dix-sept ans et les résultats sont très proches de la réalité, tant en nombre de casses qu'en matière d'identification des tronçons les plus exposés aux risques », explique Eddy Renaud, l'un des chercheurs. Une précision dépendante de la qualité des données de départ. Le modèle est alimenté par au moins quatre éléments : l'identifiant du tronçon, la date de pose, sa longueur et le matériau utilisé. « Nous ne sommes pas limités par le nombre d'informations à exploiter. Le logiciel est ouvert à toute variable significative », poursuit le chercheur.
Ainsi, le type de sol, le caractère corrosif du milieu, le trafic routier, la pression de service, la température de l'eau, voire l'entreprise de pose, pourront venir enrichir l'analyse. C'est le logiciel qui identifiera les corrélations significatives à exploiter. « Il nous faut un historique d'au moins trois ans pour être suffisamment pertinent, mais plus il est long, mieux c'est », précise Eddy Renaud. En revanche, le système est peu exigeant sur le format des données. On peut même envisager de regrouper des petites communes pour constituer une base suffisante : la seule contrainte est alors de recueillir l'information sous la même forme. G2C Environnement, partenaire du Cemagref, a d'ailleurs développé un outil géographique pour cette mutualisation des données.
À moyen terme, Casses devrait être complété d'un module Criticité, encore à l'état de prototype. « Il s'agit de fournir une information complémentaire à l'exploitant pour hiérarchiser les travaux. Le module doit quantifier les perturbations de la distribution lorsqu'un tronçon casse », explique Eddy Renaud. On comprend en effet que la distribution n'est pas perturbée de la même façon si l'avarie se situe à une extrémité du réseau ou quand elle se trouve juste en sortie de réservoir. Ainsi, l'interaction entre la probabilité de casse et son impact renseigne sur l'ampleur du risque et donc sur l'urgence des travaux. Les études se poursuivent pour que Criticité prenne aussi en compte les usagers partiellement privés d'eau et pas seulement les coupures franches.