Comment ne pas mettre en regard ces chiffres. D'un côté, les centaines de milliards de dollars débloqués en urgence par les gouvernements des pays riches pour sauver les banques et un système financier à la dérive. De l'autre, les 10 à 30 milliards de dollars* nécessaires pour atteindre les Objectifs de développement pour le millénaire (ODM) en matière d'accès à l'eau et à l'assainissement. Ils consistent, rappelons-le, à diviser de moitié, d'ici à 2015, la population privée d'accès à l'eau (800 millions de personnes) et à l'assainissement (2,4 milliards d'individus), luttant ainsi contre la première cause de maladie et de mortalité dans le monde (8 millions de morts par an).
Ces faits montrent l'absence de volonté politique, au niveau des pays riches, de mettre fin à ce fléau. Et ce malgré de grands discours. Il a pourtant été rappelé à l'assemblé générale des Nations unies, en septembre dernier, que cette question est fondamentale tant elle est un préalable à la scolarisation, l'éducation, la lutte contre la pauvreté et le développement de l'économie. « L'eau, c'est la vie. L'assainissement, c'est la dignité », rappelait Pierre-Frédéric Ténière-Buchot, gouverneur du Conseil mondial de l'eau, lors du dernier colloque de Re (sources)**. Il y expliqua aussi qu'au lieu d'atteindre les ODM, nous nous en écartions, surtout en Afrique subsaharienne. Et que la crise financière devrait encore aggraver la situation en diminuant une aide publique au développement qui, à la suite de l'annulation partielle de la dette des pays pauvres par les pays riches, est déjà réduite depuis deux ans.
Heureusement, tout n'est pas perdu. Et certains pays comme l'Ouganda, l'Afrique du Sud, le Ghana et le Maroc montrent la voie. Leur réussite s'explique par leur volonté de faire de l'eau et de l'assainissement une priorité, en y consacrant de l'ordre de 1 % du PIB. À cela s'ajoutent une bonne gouvernance, un juste prix de l'eau et du coût du branchement au réseau, ainsi qu'un financement de l'exploitation afin de sortir de la boucle « construction-déshérence-reconstruction », évoquée par Antoine Frérot, directeur général de Veolia Eau, à ce même congrès.
Dans le cadre d'un récent débat au Cercle français de l'eau***, il a aussi été montré que la réussite d'un projet local - souvent porté par des ONG - jouait un rôle de levier en attirant les aides publiques internationales et en incitant les pouvoirs publics à étendre ce type d'initiative. En somme, c'est sur le terrain et au niveau des gouvernements de ces pays qu'existe une fenêtre de sortie.
* Estimations respectives de l'ONU et de l'OMS.
** « Les nouveaux défis pour l'accès à l'eau et à l'assainissement », le 10 septembre à l'Unesco, Paris.
*** Consacré à la loi Oudin-Santini, le 23 septembre.