«Réduire la production de déchets à la source, rechercher à proximité du chantier les filières de valorisation... », telles sont quelques-unes des recommandations de la Fédération nationale des travaux publics ( FNTP). Dans les faits, cela ne se passe pas exactement ainsi. Jugée plus rentable, la mise en décharge ou en centre de stockage de déchets inertes reste encore le débouché le plus simple. Pourtant, d'autres solutions existent.
En 2001, la profession des travaux publics demandait déjà à ce que « le traitement des déchets soit considéré comme une véritable prestation » et que, dans tout dossier d'appel d'offres, apparaisse la charge du traitement des excédents de chantier. En outre, pour faire évoluer l'utilisation de matériaux recyclés sur le site, la FNTP souhaitait « une normalisation spécifique aux matériaux recyclés et le recours à ce type de matériaux dans les appels d'offres », dans le but de développer la filière du recyclage. Mais, aujourd'hui, les critères environnementaux restent encore de l'ordre de la « variante » dans les appels d'offres, reconnaissent les maîtres d'oeuvre. Le secteur du bâtiment semble plus avancé dans ce domaine, même si l'on voit parfois apparaître des projets de chantiers eau Haute qualité environnementale (voir Solution p. 44).
La réutilisation des déblais sur site offre pourtant de nombreux avantages. Elle permet d'éviter les coûts de transport, les nuisances liées à la circulation, les mises en décharge, mais aussi l'apport en matériaux de carrière.
des procédés
à la pelle
Évidemment, tout dépend de la nature des déblais. La terre ou les sédiments fins, par exemple, peuvent être réutilisés pour la constitution de nouveaux sols dans les jardins ou les parcelles agricoles. Les matériaux à plus forte granulométrie peuvent être directement réutilisables en granulats (bétons, couches de chaussées), mais surtout en remblais pour la pose de nouvelles canalisations.
De tels procédés de recyclage ont déjà été présentés dans nos colonnes, comme le Recycan d'Eurovia (cf. Hydroplus, n° 154, p. 36). Une entreprise d'origine finlandaise, Allu, propose également ce type de solution. Les canalisateurs représentent 80 % de ses clients, en France, et elle compte plus de 50 clients utilisateurs. À l'édition 2006 de Pollutec, elle présentait son atelier mobile composé d'un godet cribleur broyeur monté sur pelle, chargeur ou tractopelle, et d'un silo doseur qui assure l'alimentation en chaux.
Cette machine peut traiter
entre 15 et 120 tonnes à l'heure
et de plus permet de réutiliser directement le mélange obtenu sur le site.
Les petites entreprises se lancent elles aussi sur la voie de l'innovation. Récompensée au concours environnement 2007 de la FNTP, la PME Guillermin TP, dans l'Ain, a mis au point une méthode de réutilisation des déblais terreux ou mélangés issus de l'exécution de tranchées ou terrassements sous chaussées revêtues. Le traitement consiste à identifier, cribler, mélanger avec de la chaux vive le matériau avant sa mise en remblais et son compactage.
Les fabricants de canalisations proposent également des solutions. Saint-Gobain Pam préconise, par exemple, le réemploi des matériaux du terrain naturel, « après épierrement des éléments les plus gros, lorsqu'ils sont aptes au compactage visé », précise Pascal Alexandre, responsable marketing adduction d'eau et irrigation. Pour ce faire, le revêtement des canalisations doit garantir une bonne résistance. Parfois, des matériaux d'apport doivent être ajoutés. « Saint-Gobain Pam dispose de nombreuses solutions techniques permettant de réutiliser le terrain naturel, en général avec la gamme Natural, ou si cela est nécessaire avec des revêtements plus spécialisés. Toutefois, les règlements locaux, notamment de voirie, peuvent spécifier l'emploi de matériaux d'apport », confirme-t-il. Même si des solutions existent, la grande disponibilité de granulats naturels, les restrictions au niveau des normes, les bas tarifs des décharges et le réseau de recycleurs à développer sont les différentes raisons pour expliquer le faible taux de recyclage en France. L'Allemagne et le Royaume-Uni produisent par exemple environ six fois plus de granulats de recyclage que l'Hexagone (données 2004), « où il reste de réelles perspectives de développement », précisait l'Institut français de l'environnement (Ifen) dans son numéro spécial « Le recyclage des déchets du bâtiment ».
Les déblais ne sont pas les seuls matériaux à pouvoir être recyclés sur un chantier, les canalisations ou les regards en fin de vie peuvent aussi être valorisés. Des techniques existent et sont très différentes selon la nature des matériaux.
En 2007, environ 150 000 tonnes de déchets de PVC en fin de vie ont été recyclées au niveau européen - 14 000 tonnes pour la France - au travers des actions menées dans le cadre du programme européen Vinyl 2010. Par rapport à l'année 2006, cela représente une augmentation de 80 % du volume de déchets recyclés. Pour les fabricants de tubes plastiques, le recyclage semble bien en marche. Mais, au niveau des réseaux, il intervient surtout au stade de la fabrication étant donné le relatif jeune âge des canalisations plastiques. Chez le fabricant de canalisations Alphacan, par exemple, chaque site de production possède ses propres machines pour faciliter le recyclage (broyeurs et microniseurs). « Nous recyclons d'abord nos propres chutes de fabrication en usine, explique François Cersosimo, directeur de l'usine de Gaillon. Chaque année, près de 4 000 tonnes de PVC sont recyclées à l'usine. » En outre, le fabricant achète des produits recyclés en provenance de chutes de menuiseries PVC et recycle aussi les rebuts de production de profilés en PVC d'Alphacan. « Les matériaux
plastiques sont trop souvent attaqués sur leurs images polluantes de fabrication. Les professionnels se doivent d'avoir des actions importantes de recyclage, notre image de marque en dépend », défend François Cersosimo.
Pour la fabrication des tubes d'AEP, aucun produit recyclé n'est utilisé.
La coextrusion pour
un recyclage contrôlé
« Le recyclage du PVC fait perdre certaines caractéristiques techniques, ce qui rend impossible leur utilisation pour la fabrication de canalisation d'eau potable sous pression », précise François Cersosimo. Pour les tubes utilisés en assainissement, Alphacan utilise une technique de coextrusion « qui facilite le recyclage contrôlé et garde les caractéristiques mécaniques demandées par la norme NF. Mais un tube 100 % recyclé n'est pas intéressant car, alors, les propriétés du tube ne permettraient plus de répondre aux exigences NF ».
Chez les autres fabricants, les données sont moins précises. Chez Saint-Gobain Pam, au niveau européen, environ 50 % de la production de ses canalisations en fonte serait réalisée à partir de fer recyclé (ferrailles). Au niveau du recyclage des canalisations en fonte en fin de vie, Pascal Alexandre assure que « la filière des ferrailleurs maille de façon très dense le territoire,
ce qui permet une récupération
efficace des matériaux ferreux de toutes origines, dont les canalisations enterrées ». Pour les fabricants de réseaux en béton, la problématique du recyclage est plus compliquée. Ce matériau, quel que soit le produit de construction qu'il compose, peut être recyclé après concassage en granulat secondaire en vue d'une utilisation dans de nouveaux bétons ou comme matériaux de remblais. Le choix du recyclage dépend des caractéristiques techniques et économiques du béton. Aujourd'hui, il s'applique surtout sur les déchets de démolition, sur des gros volumes. « Le granulat à l'état naturel, qui constitue l'élément de base du béton, reste très compétitif par rapport à des matériaux recyclés qui nécessitent traitement et transport. C'est l'une des raisons pour laquelle le recyclage interne en usine de production est encore limité. Les déchets suivent le plus souvent des filières de valorisation externes, même si le recyclage reste techniquement possible », explique Nicolas Decousser, responsable pôle environnement au Cerib. L'organisme mène des études sur le recyclage, surtout sur les produits du bâtiment. « Dans l'assainissement, le recyclage des produits béton armé pose un peu plus de difficultés que dans le cas de produits non armés, comme des blocs ou des pavés, tout en restant réalisables, reconnaît Nicolas Decousser. Leurs caractéristiques techniques limitent cependant les possibilités de recyclage de granulats secondaires. » Enfin, ces filières sont envisageables si la plate-forme de traitement des déchets n'est pas trop éloignée du chantier. « Il faut tenir compte des coûts de transport et, d'un point de vue environnemental, de l'impact de ces trajets », conclut Nicolas Decousser. Le coût de la matière première reste décisif pour le développement du recyclage des réseaux en fin de vie. À moins que les maîtres d'ouvrage acceptent d'y mettre
le prix !