Dans peu de régions du monde, la question du partage de l'eau n'est aussi conflictuelle qu'entre Israël, les territoires palestiniens et Gaza. Selon l'ONG environnementale Friends of the Earth Middle East, 2 milliards de m3 par an reviennent aux Israéliens, tandis que le Palestinian Central Bureau of Statistics évalue à 335 millions de m3/an
la part palestinienne.
Un déséquilibre énorme qui s'inscrit dans un contexte de pénurie grave.
En Israël, plusieurs années de sécheresse font craindre le pire aux responsables de l'autorité nationale de régulation de l'eau, Mekorot. Celle-ci annonçait au printemps dernier son intention de réduire de 40 % l'allocation d'eau attribuée à l'irrigation. En juillet, Uri Shani, son président, décrivait l'état inquiétant du lac de Tibériade, menacé de salinisation alors qu'il fournit un tiers de la consommation du pays. Le déficit en eau d'Israël est évalué à 350 millions de m3 en 2008, pendant que la consommation augmente de 4 % par an.
FAIBLES CAPACITÉS
Côté palestinien, la situation est vraiment critique. L'Organisation mondiale de la santé fixe la satisfaction des besoins fondamentaux à 150 litres par habitant et par jour. Olivier Maes, attaché de la Commission européenne, en poste à Jérusalem, chargé d'assistance aux Palestiniens dans les domaines de l'agriculture, de l'environnement et du microfinancement, observe que ce seuil est ici difficilement atteint : « En Cisjordanie, beaucoup de municipalités sont en dessous ; 200 villages ne sont pas connectés au réseau ; Jénine ne dépasse pas 55 litres par jour. À Gaza, les habitants disposent de 174 litres en moyenne, mais c'est une eau de pauvre qualité, chargée en nitrates et en sel, de moins en moins propre à la consommation humaine. »
Jacques Fontaine, maître de conférence en géographie à l'université de Franche-Comté, président de l'association locale France Palestine Solidarité fait le même constat : « Gaza, 365 km2, est alimentée par une nappe phréatique, surexploitée, parallèle à la côte. Elle est infiltrée, à travers les sables, par la Méditerranée et se salinise. »
« L'usage fait de l'eau, à 50 % pour l'irrigation, à 50 % pour la consommation humaine en zone palestinienne, gagnerait aussi à être réorienté », souligne encore Olivier Maes. Comme en Israël, certaines cultures (fraises, citrons) gourmandes en eau et uniquement destinées à l'exportation ne sont pas adaptées.
Par ailleurs, les faibles capacités d'épuration des eaux usées contribuent à la détérioration de la ressource. La Cisjordanie compte une seule station d'épuration, heureusement en bon état, à Al Bireh, près de Ramallah. À Gaza, l'Agence française de développement (AFD) et un pool de bailleurs emmenés par la Banque mondiale sont intervenus à Beit Lahia (190 000 habitants), pour réaliser des travaux de maintenance et de réhabilitation.
Ce chantier, en cours d'achèvement, précède en principe la construction à Jabalia d'une station de traitement biologique d'une capacité de 35 000 m3/j visant à répondre aux besoins estimés en 2012. L'appel d'offres international, infructueux en septembre 2007, doit être relancé. En mars 2007, le coût de la station a été réévalué à 45,7 ME. L'AFD est prête à contribuer pour 12 ME et l'Union européenne s'est engagée à hauteur de 6 ME.
PETITES INSTALLATIONS
Sur place, la station, conçue pour traiter 5 000 m3/j, est utilisée à trois fois sa capacité. Faute d'exutoire, les effluents se sont répandus et ont formé un lac de 30 ha qui pollue par infiltration la nappe phréatique.
« Ce n'est pas l'argent qui manque, se désole Olivier Maes. Depuis dix ans, en raison du conflit, aucun projet important n'aboutit. Dans ce contexte, nous avons développé de petites installations en milieu rural. » Mais les Israéliens bloquent l'approvisionnement des chantiers, comme l'a constaté Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères en visite, cet été, dans la région. Et les Palestiniens refusent que d'éventuelles nouvelles stations desservent aussi les colonies israéliennes voisines. Cela équivaudrait de leur part à une reconnaissance implicite.