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EAU

Vers des cours d' eau plus naturels

PUBLIÉ LE 1er NOVEMBRE 2008
LA RÉDACTION
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Le magazine des professionnels de l’eau et de l’assainissement.
Des milliers de cours d'eau ont vu depuis des décennies leurs caractéristiques fortement altérées par des interventions lourdes : rectification du tracé, chenalisation, extraction de matériaux, implantation de barrages et de seuils... Ces modifications ont entraîné des altérations des flux, des formes et des habitats qui constituent un frein à l'atteinte du bon état écologique, l'objectif fixé pour 2015 par la directive-cadre sur l'eau. Il est en effet établi que si une mauvaise qualité de l'eau est rédhibitoire pour le développement de la vie biologique, une bonne qualité de l'eau n'est pas suffisante pour garantir ce développement. C'est ce que l'on pourrait appeler le paradoxe de l'aquarium : la vie ne se développe pas d'elle-même dans un bocal d'eau pure. En posant l'atteinte d'objectifs biologiques (à travers des indicateurs tels que les poissons, les macro-invertébrés, les diatomées qui sont des algues microscopiques...) comme critère majeur d'évaluation des politiques de l'eau, la directive-cadre met implicitement en évidence la nécessité d'agir sur l'hydromorphologie. Ce terme désigne tout ce qui se rapporte à la « forme » des cours d'eau : la largeur du lit, sa profondeur, sa pente, la nature des berges et leur pente, la forme des méandres... Dès lors que cette forme est artificialisée, elle agit comme un facteur limitant de la vie biologique et va anéantir les capacités autoépuratoires de la rivière. Pour y remédier, l'objectif est de restaurer au mieux les différents compartiments des cours d'eau : lit mineur, lit majeur, annexes hydrauliques (bras morts, zones humides...), berges et ripisylve (formations boisées sur les rives), ligne d'eau (hauteur, vitesse, turbulences), sans oublier la continuité écologique, qui permet aux organismes aquatiques et aux sédiments d'effectuer des déplacements longitudinaux (amont-aval ou l'inverse) et latéraux (du cours principal vers les annexes et vice versa). S'APPUYER SUR LA TYPOLOGIE DES COURS D'EAU La restauration hydromorphologique des cours d'eau est devenue un axe majeur de l'intervention des agences de bassin, dans le cadre de leur neuvième programme. Les subventions peuvent aller jusqu'à 80 % du montant des travaux, sur les cours d'eau classés comme prioritaires par rapport à l'objectif de bon état écologique en 2015. L'intervention consiste à assister les processus naturels pour permettre au cours d'eau de retrouver un fonctionnement le plus proche possible de son état antérieur : dans l'idéal, une grande diversité de faciès d'écoulement, des berges naturelles, des bancs alluviaux mobiles, une ripisylve variée, des annexes hydrauliques et une dynamique fluviale la plus libre possible. Cette restauration peut être menée de manière passive, en réduisant les forces de dégradation, ou active, par des interventions plus lourdes. Le concept de restauration passive fait référence à une typologie géodynamique des cours d'eau, sur laquelle il faut s'appuyer pour définir le type de travaux à mener. « Le principe de base est que plus un cours d'eau est puissant, plus ses berges sont érodables, plus son transport solide est intense et plus sa restauration sera facile, peu coûteuse et avec des effets rapides. La suppression des forces de dégradation (retrait d'enrochements de berges, effacement de barrage...) suffira généralement dans ce cas pour que le cours d'eau se réajuste rapidement », indique Philippe Adam, gérant du bureau d'études Biotec. L'effacement des barrages est néanmoins un événement rare. On ne peut pas l'envisager, en l'état actuel des choses, pour les grands barrages hydroélectriques. Mais il arrive que, pour certains ouvrages n'ayant plus de vocation économique active, des projets puissent parfois aboutir, moyennant souvent de très longues négociations. Ainsi, en 1998, le barrage de Maisons-Rouges, situé en aval de la confluence entre la Vienne et la Creuse, a pu être effacé. Cette intervention a rétabli le flux migratoire : depuis, les remontées de lamproies ont augmenté de manière spectaculaire sur les deux rivières, et l'opération a permis le retour du saumon atlantique sur la Gartempe et son affluent, l'Anglin. Sur la Meuse, qui compte trente-cinq ouvrages transversaux d'importance sur 130 kilomètres de rivière, l'EPAMA vient d'achever une étude sur les possibilités d'effacement partiel ou total, dans laquelle une dizaine d'ouvrages ont fait l'objet d'investigations poussées. « Il y a aujourd'hui des pistes pour améliorer la situation, mais l'aboutissement sera sans doute long », commente Philippe Russo, chargé d'affaires Interventions rivières à l'agence de l'eau Rhin-Meuse, qui a cofinancé cette étude. BIEN DÉFINIR L'OBJECTIF DE VALORISATION Sur les cours d'eau peu puissants, peu actifs et à faible transport solide, une restauration poussée de la géométrie du lit et des berges, avec recréation des habitats, sera généralement nécessaire. Elle nécessitera des travaux plus coûteux et donnera des résultats moins spectaculaires. Philippe Adam explique : « Un seuil apparaît aux environs de 25 à 35 W/m2, en dessous duquel la puissance naturelle de cours d'eau anciennement chenalisés ne leur permet pas de se réajuster morphologiquement. Des cours d'eau moins puissants peuvent néanmoins présenter une activité géodynamique relativement importante s'ils ont des berges peu cohésives (sables ou graviers) et reçoivent de l'amont une certaine quantité d'alluvions grossières qui, par leur dépôt sous forme de bancs, activent les processus géodynamiques et ont un rôle de support de la diversité biologique. À l'inverse, les cours d'eau plus puissants coulant dans une plaine alluviale composée de limon ou d'argile seront probablement moins actifs, surtout si les apports solides sont modestes. » En se fondant sur ces éléments, Biotec et Jean-René Malavoi proposent, dans un rapport réalisé pour le compte de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse et intitulé « Retours d'expérience d'une vingtaine d'opérations de restauration de cours d'eau », des critères d'évaluation de l'efficience et de la qualité technique d'un projet de restauration. Un manuel de restauration hydromorphologique, des mêmes auteurs, a été publié en début d'année par l'agence de l'eau Seine-Normandie. En pratique, l'essentiel des travaux de restauration réalisés par le passé ont eu pour objectif de valoriser les abords des rivières ou de créer des aménagements favorisant la vie piscicole. La truite, par exemple, qui est une espèce repère des petits cours d'eau frais, doit avoir à disposition des zones peu profondes, rapides et couvertes de graviers pour se reproduire, des caches en bord de cours d'eau pour se reposer, des obstacles pour chasser à l'affût, des zones où le courant est moins fort pour les jeunes. Il y a de nombreuses opérations dans lesquelles toutes ces conditions ont été artificiellement recréées, avec des déflecteurs, des petits seuils, l'installation de blocs dans le cours d'eau, la création de caches, de frayères, la reconstitution d'une alternance de radiers et de mouilles (zones peu profondes rapides et zones plus profondes et plus calmes). Dans la mesure où ces aménagements sont bien intégrés à l'environnement, ils ont un net intérêt en matière de diversification des écoulements, donc de développement de la vie biologique. Mais en ciblant un seul compartiment de l'hydrosystème et en restant cantonnés dans l'emprise du lit mineur, ils restent éloignés d'une véritable restitution des fonctionnalités naturelles du cours d'eau. AMÉLIORER LA BIODIVERSITÉ ET L'HABITAT AQUATIQUE Les actions ayant le maximum d'effet sont celles visant une restauration fonctionnelle plus globale, c'est-à-dire l'amélioration de tous les compartiments aquatiques et rivulaires (transport solide, habitat aquatique, nappe alluviale, ripisylve), voire une restauration fonctionnelle totale de l'hydrosystème dans laquelle le cours d'eau retrouve son espace de mobilité. Les exemples de restauration de ce niveau sont rares en France. On peut citer le Colostre, un affluent du Verdon fortement recalibré qui, après réhabilitation des méandres, a retrouvé une grande diversité écologique. Même succès pour le Drugeon, un affluent du Doubs ayant fait l'objet de lourds travaux de recalibrage et transformé en un canal rectiligne. « L'acquisition de zones humides, la réhabilitation des tourbières et le replacement de la rivière dans son ancien lit ont amélioré de manière spectaculaire la qualité de l'habitat aquatique et la biodiversité. Le Drugeon est en bon état écologique au sens de la directive-cadre, mais l'ambition est de retrouver la situation de référence de 1973, et pour cela il faut améliorer encore la qualité de l'eau », analyse Jean-Noel Resch, chargé de mission à la Communauté de communes Frasnes-Drugeon (Doubs). La restauration du bief de Nanchez, dans le Jura, présente un intérêt du point de vue du paysage, mais illustre une erreur courante : un reméandrement conservant le gabarit du cours d'eau précédemment chenalisé. « Une reprise des anciens méandres avec une section beaucoup plus étroite, plus proche du gabarit naturel, recrée un cours d'eau plus puissant, ce qui favorise à terme l'amélioration de la situation écologique », explique Philippe Adam. Enfin, sur le ruisseau des Vurpillières, dans le Doubs, les travaux ont visé une restauration complète du fonctionnement du cours d'eau préexistant et une amélioration du fonctionnement de la zone humide par une remontée du niveau de la nappe phréatique. Les anciens méandres, encore visibles dans la topographie, ont été repris et l'ancien chenal rectiligne complètement rebouché. Le résultat est très positif, tant sur le plan écologique que du point de vue de la rehausse de la nappe (35 à 40 cm dès la fin des travaux) et du fonctionnement du marais. Travailler ainsi sur la géométrie générale de la rivière se heurte à un problème d'emprise et d'acquisition foncière car cela peut mobiliser deux à dix fois la largeur du lit mineur. OPÉRATIONS PARFOIS DIFFICILES À METTRE EN oeUVRE Les objectifs de restauration devront naturellement être établis en fonction de cette contrainte. Renaud Jalinoux, directeur du Comité intersyndical pour l'assainissement du lac du Bourget (Cisalb), donne des exemples : « Sur le bassin versant du lac du Bourget, trois chantiers illustrent les différents niveaux d'intervention possibles : la Deysse, où on a pu libérer du foncier pour faire reméandrer la rivière (voir encadré page précédente), à Chambéry où des aménagements sont réalisés en secteur urbain dans le lit et sur les berges de la Leysse et de l'Albanne, enfin à Aix-les-Bains, avec la création de passes à poissons sur le Sierroz et la diversification du lit mineur. » Ces opérations de restauration ne sont pas aisées à mettre en oeuvre car le fonctionnement des milieux, l'énergie du cours d'eau et sa capacité à créer ses propres formes, les processus géodynamiques comme l'érosion et les dépôts, sont des mécanismes complexes. Le reméandrage, notamment, implique une parfaite connaissance de ces mécanismes pour parvenir à dessiner le « juste profil » : un surdimensionnement serait très décevant du point de vue de l'amélioration écologique et un sous-dimensionnement pourrait générer des inondations plus fréquentes sur des secteurs à enjeux. On peut aussi prendre l'exemple de l'édification de seuils, qui est une mesure souvent nécessaire pour limiter les phénomènes d'incision du lit, permettre des diversifications de faciès ou une reconnexion des zones humides sur les cours d'eau peu puissants. Ces seuils peuvent avoir d'importants effets négatifs en bloquant les flux de matériaux et le franchissement des poissons, en créant un effet de retenue à l'amont (faciès d'écoulement lentique et profond au lieu des séquences naturelles variées du type radier, plats, mouilles) et une réduction des processus d'érosion latérale dans l'emprise de la retenue... « Ce type d'ouvrage ne doit être utilisé qu'en tant que remède à un dysfonctionnement bien identifié, de manière à rétablir un profil en long équilibré du cours d'eau. Le dimensionnement des ouvrages doit s'accompagner d'une analyse précise des impacts positifs et négatifs des propositions pour ne pas conduire à remplacer un dysfonctionnement par un autre », met en garde Philippe Adam. CONVAINCRE UNE POPULATION LOCALE SOUVENT RÉTICENTE En outre, le génie végétal mis en oeuvre dans ces programmes est le fruit de longues années d'expériences, de tâtonnements, d'apprentissage. Le choix des espèces, des techniques pour les implanter et la mise en oeuvre de ces méthodes doivent bénéficier du concours de professionnels expérimentés pour éviter de se retrouver avec des végétaux envahissants, ou au contraire non adaptés (acidité des sols), et des aménagements qui ne joueront pas leur rôle (stabilisation de berges par exemple). Au-delà de la technicité de ces opérations, il ne faut pas négliger l'opposition souvent forte des riverains, propriétaires fonciers, exploitants agricoles, qui ne comprennent pas le bien-fondé de projets remettant en question des décennies d'aménagements et craignent le retour des inondations. La communauté de communes de Tulle-Coeur de Corrèze a par exemple expérimenté la difficulté de mener à bien un arasement de seuil. Initié à l'origine par les associations de canoïstes souhaitant développer leur activité (seuls quelques licenciés expérimentés étaient en mesure de franchir ce seuil), ce projet est apparu comme important pour revenir à un cours d'eau plus naturel et retrouver l'équilibre du transport de matériaux. Dans ce but, il a été prévu, outre l'abaissement du seuil, un volet de réaménagement des berges, des épis pour recentrer les écoulements en période de moyennes et basses eaux, du génie végétal pour stabiliser les berges du fait de l'abaissement de la ligne d'eau... « Il y a eu de nombreuses inquiétudes à lever et l'histoire de ce projet a été un long feuilleton entre le lancement des études de faisabilité en 1995 et le début des travaux en octobre 2008 », résume Gregory Moirin, technicien à la cellule opérationnelle rivière de la communauté de communes. Il apparaît que, dans ce type d'opérations, outre la crainte des inondations, une certaine appréciation de ce qui est beau entre en ligne de compte. Les gens trouvent souvent qu'un plan d'eau est plus esthétique qu'une rivière naturelle. On touche là au subjectif, mais pour mener à bien une démarche de restauration écologique, il faut assimiler que le premier objectif est un fonctionnement plus naturel du cours d'eau. Des berges érodées naturellement et une végétation rivulaire piégeant des déchets flottants comme des sacs plastiques ne sont pas toujours synonymes de beau panorama.


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