Le retour en régie du service de l'eau parisien avait été évoqué pour la première fois en novembre 2007 par Bertrand Delanoë, lors de la campagne municipale. Chose promise, chose due : ce changement a été acté le 24 novembre lors du Conseil de Paris. C'est « un tournant majeur dans l'histoire de l'eau à Paris », souligne Anne Le Strat, adjointe au maire en charge de l'eau, de l'assainissement et de la gestion des canaux à la mairie de Paris.
UN OPÉRATEUR UNIQUE
Désormais, c'est un opérateur public unique qui gérera l'ensemble du service de l'eau, de la production à la distribution, alors qu'ils sont actuellement trois à remplir ces missions : Eau de Paris, société d'économie mixte (SEM) détenue à 70 % par la Ville, est chargée de la production, tandis qu'Eau et Force parisienne des eaux (Suez Environnement) et la Compagnie des eaux de Paris (Veolia Eau) sont en charge de la distribution, respectivement pour les rives gauche et droite.
L'une des premières difficultés de l'équipe municipale a consisté à déterminer le type de structure publique. C'est désormais chose faite avec la création annoncée d'un Établissement public industriel et commercial (Épic) sous la forme d'une régie personnalisée et autonome, qui absorbera la Sem Eau de Paris et en reprendra le nom. Cette régie sera créée au premier semestre 2009 (après le rachat pour 6,2 millions d'euros des 30 % de la Sagep non détenus par la Ville de Paris) et fonctionnera pleinement à la fin des contrats avec les deux opérateurs privés, c'est-à-dire le 1er janvier 2010. Elle intégrera également le Crecep (55 personnes), qui deviendra le laboratoire municipal chargé de l'analyse, de la recherche et de l'autosurveillance.
Cette réorganisation complète du service public de l'eau à Paris s'accompagnera d'une reprise des personnels concernés (550 issus de la Sem et 380 emplois à temps plein issus du privé), avec le maintien de leur statut et de leur rémunération. Un audit social est en cours, tandis que d'autres audits concernent, par exemple, les systèmes d'information.
UN CONTEXTE DIFFICILE
Pour Anne Le Strat, la précédente organisation avec une division des missions auprès de trois opérateurs était source de « chevauchements » et « nuisait à l'efficacité du service, par exemple pour la traçabilité ». Elle estime que la régie sera « plus efficace et mieux contrôlée » et sera en mesure de maîtriser le coût de l'eau et de stabiliser à euro courant (hors inflation) la part eau potable de la facture d'eau, alors que depuis vingt ans le prix a continuellement augmenté. Et ce dans un contexte de plus en plus difficile, du fait de la baisse des consommations d'eau (et donc des recettes) et du renforcement des contraintes réglementaires. « Nous souhaitons retrouver le lien avec l'usager parisien, grâce à une clarification du service et des compétences », a-t-elle indiqué. Cette nouvelle structure devrait permettre, selon Anne le Strat, d'avoir une légitimité plus forte pour discuter avec des acteurs tels que les agriculteurs, dans le cadre de la préservation de la ressource.
Pour les deux opérateurs privés, il s'agit d'un revers tant sur le plan économique que pour leur image. Ces contrats constituent en effet un chiffre d'affaires annuel de 132 millions d'euros (61 M€ hors achat d'eau) pour Veolia Eau et 62 M€ (28 M€ hors achat d'eau) pour Suez Environnement (avec une marge de 3,2 %). Mais ils représentent aussi une vitrine au niveau national et international.
La Ville de Paris s'attend à réaliser « un minimum de 30 ME d'économies » (hors coûts de la réorganisation), montant qui s'explique par un régime fiscal plus favorable à la régie (pas de taxe professionnelle), un amortissement des investissements plus long, la suppression de doublons, la synergie sur certains métiers, la récupération de redevances et la récupération de la rente économique des opérateurs privés (estimée à plus de 15 M€ par la Cour des comptes). « Ces marges et profits seront réinvestis », affirme Anne Le Strat. Eau de Paris continuerait à faire appel aux opérateurs privés dans le cadre de missions précises, en passant par des procédures d'appels d'offres. Ont ainsi été évoqués la gestion clientèle, la gestion du personnel, les systèmes de télérelève de compteurs et
l'expertise technique.