«N ous partions d'une idée fausse, qui a toujours la vie dure, selon laquelle il n'y a pas d'eau dans le sous-sol breton parce qu'il est granitique, explique Michel Leclercq, directeur du BRGM Bretagne. Le programme Silures (Système d'information pour la localisation et l'utilisation des ressources en eau souterraine) a démontré l'inverse. » La Bretagne est la première région de France à s'être lancée dans l'étude des eaux souterraines en milieu granitique et ce n'est pas un hasard. Le contexte hydrogéologique de la région (un chevelu de 30 000 km de rivières et de cours d'eau) explique que l'eau souterraine ne représente que 20 % de l'eau potable consommée, contre 60 % au niveau national. Il n'existe pas en effet de grandes nappes souterraines, mais une multitude d'aquifères. Cependant, comme le souligne Michel Leclercq, « l'exutoire naturel des eaux souterraines est la rivière et, en Bretagne, certaines rivières sont alimentées à 80 % par les eaux souterraines en période d'étiage ». De plus, la Bretagne, première région agroalimentaire, a des besoins élevés en eau. Or les dernières années ont fait apparaître des situations nouvelles de déficit en eau, aggravées par la présence de teneurs non négligeables en nitrates et pesticides. Enfin, c'est un sujet délicat qui motive tous les acteurs.
CONNAÎTRE ET PROTÉGER LES ZONES SENSIBLES
L'étude de l'eau souterraine a fait l'objet de deux programmes. Le premier, Silures, s'est déroulé de 2002 à 2008. Soutenu par neuf partenaires, il était doté d'un budget de 1,8 million d'euros. L'objectif était la création de cartes déterminant, d'une part les secteurs où l'exploitation de l'eau souterraine peut être encouragée (zones productrices), d'autre part les zones où l'inertie du milieu physique est la plus faible et favorise les actions de reconquête de l'eau à court terme. C'est donc un outil d'appui aux décideurs.
Ainsi, 12 000 forages ont été numérisés pour cartographier les grands aquifères afin de connaître leur fonctionnement et leur inertie. Cinq bassins versants ont été étudiés plus spécifiquement (zooms de 50 km2) pour évaluer le volume d'eau souterraine. Enfin, 52 piézomètres situés à 30 mètres de profondeur ont été installés pour suivre le niveau des nappes. Ces mesures sont disponibles en temps réel sur le site Internet ADES (1). Silures a également permis de consolider les hypothèses du schéma conceptuel du sous-sol breton. Dans un second programme, Rapsodi (Recherche d'aquifères profonds dans le socle dans le département d'Ille-et-Vilaine), mené de 2006 à 2008, le BRGM a creusé jusqu'à 300 mètres de profondeur. Un niveau encore jamais atteint dans le socle de l'Ille-et-Vilaine. Sur six forages, cinq ont donné des résultats positifs, l'un d'entre eux présente un débit de 100 m3 par heure et intéresse un syndicat d'eau. Rapsodi sera prolongé par Caspar (Caractérisation des aquifères semi-profonds armoricains), dans le cadre du contrat de projet 2007-2013, car « on connaît très mal le fonctionnement des hydrosystèmes semi-profonds dans le socle », souligne Michel Leclercq.
Cette méthode a pour vocation à être étendue à d'autres régions de socle pour protéger dès à présent les ressources de demain. Selon le BRGM, les Pays de la Loire et le Limousin sont déjà intéressés.