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EAU

Les sous-produits sous surveillance

LA RÉDACTION, LE 1er AVRIL 2009
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Depuis le 25 décembre 2008, conformément à la directive européenne 98/83/CE, de nouvelles teneurs limites sont entrées en vigueur en France concernant la présence des trihalométhanes (THM) et des bromates dans l'eau potable. Ainsi, la concentration en bromates doit être inférieure à 10 microgrammes par litre (µg/l), contre 25 µg/l précédemment. Les ions bromates, qui sont suspectés d'être cancérigènes(1) pour l'homme, sont produits lors de l'oxydation des ions bromures. Ils apparaissent dans l'eau potable essentiellement en raison d'une désinfection à l'ozone mal contrôlée, mais aussi au moment de l'ajout de solutions d'hypochlorite de sodium (eau de Javel) lors de la chloration, car elles peuvent contenir des impuretés telles que des bromates. La nouvelle réglementation a donc obligé les exploitants à trouver des stratégies pour mettre les usines au niveau requis. Première option : abandonner l'ozone. Cette solution extrême n'est pas vraiment séduisante, en raison du montant de l'investissement représenté par les installations mises en service il y a dix, vingt, voire quarante ans, mais surtout de l'efficacité de l'ozone pour oxyder et désinfecter, et qui n'est pas remise en cause. Deuxième voie, suivie par tous les exploitants : améliorer les procédés afin de limiter au maximum la formation de bromates. Les solutions techniques sont nombreuses, mais leur finalité est identique : « Il s'agit de maîtriser au mieux le facteur CT (produit de la concentration en ozone résiduel dissous dans l'eau par le temps de contact) de l'étape d'ozonation », précise Jean-Yves Perrot, responsable des applications industrielles de la division ozone et UV d'ITT Water & Wastewater. Les cuves de contact entre les deux fluides ont été repensées « afin que tous les filets d'eau aient le même temps de parcours dans la cuve, donc reçoivent la même dose d'ozone », note Martine Vullierme, directeur technique adjoint de Veolia Eau. Pour cela, des outils de modélisation hydraulique des cuves ont mis en évidence la nécessité d'ajouter des parois dans les cuves afin de guider les flux et de créer un effet piston : un courant d'eau rencontre un contre-courant de gaz, assurant l'homogénéité du mélange. « Plus il y a de cloisons, plus le système offre de souplesse pour jouer sur les points d'injection en début, en milieu ou en fin de la cuve de contact, détaille Bernard Bechoff, directeur commercial ozone de Degrémont Technologies-Ozonia, la branche Équipements de Degrémont (Suez Environnement). Cela est important pour faire face aux variations du débit de l'eau. Les zones d'injection de l'ozone peuvent donc ainsi être modulées en fonction de ce débit, afin d'éviter un contact trop prolongé entre l'eau et le gaz . Solution complémentaire possible : détruire l'ozone résiduel à la sortie de la tour d'ozonation, pour interrompre le processus d'oxydation par l'ozone lorsque ce dernier a rempli sa fonction de désinfection. Des réactifs qui détruisent l'ozone, comme le bisulfite de sodium ou le dioxyde de soufre (SO2, gaz pur liquifié injecté grâce à un sulfanomètre fonctionnant en dépression), sont souvent ajoutés en sortie de cuve de contact à cet effet. DES RECHERCHES TRÈS CONFIDENTIELLES Des réglages sont aussi effectués en fonction de la température et du pH, ces paramètres influant sur la formation des bromates. Plus la température de l'eau augmente, plus ces composés ont tendance à apparaître. Les doses d'ozone doivent donc être diminuées en été. En ce qui concerne le pH, s'il est inférieur ou égal à 7, la formation de bromates est moindre. Un pH aux environs de 7,5 est cependant nécessaire pour la distribution de l'eau. Ces paramètres illustrent le fait qu'il sera impossible de ne produire aucun bromate lors de la désinfection à l'ozone. C'est pourquoi, au-delà de l'optimisation des techniques d'ozonation pour limiter au maximum la production de bromates, les entreprises travaillent à mettre au point des procédés détruisant ces composés après la désinfection. Ces recherches, très confidentielles, reposent sur « une oxydation couplée, mettant en jeu des catalyseurs particuliers », révèle à demi-mot Philippe Bréant, directeur du département eau potable au sein de la direction de la recherche de Veolia Environnement. Enfin, « notre cahier des charges envers les fournisseurs d'hypochlorite de sodium impose un taux très bas en bromates », précise Martine Vullierme. Cette seconde voie d'apparition de bromates dans l'eau est donc aussi prise en compte par les producteurs d'eau potable. « Les exploitants qui mettent en place une démarche qualité vérifient que leurs fournisseurs travaillent sous assurance qualité. Ensuite, c'est une question de confiance : il n'y a pratiquement jamais de mise en quarantaine des réactifs fournis », note cependant le professeur Yves Levi, de l'université Paris Sud 11. Le chlore gazeux (qui ne contient pas de bromates du fait de son mode de fabrication) et l'hypochlorite de sodium ont été parmi les premiers désinfectants à être mis en cause en raison de la production potentielle de sous-produits dangereux pour l'homme. Tout comme une préozonation, une préchloration peut entraîner la fabrication de sous-produits. Le chlore réagit avec de la matière organique présente dans l'eau pour former notamment des composés halogénés, les trihalométhanes (THM) chlorés et bromés, le plus fréquent en France étant le chloroforme (CHCL3). Depuis le 25 décembre 2008, la teneur en THM ne peut excéder 100 µg/l (parmi les THM, le tétrachloroéthylène et le trichloroéthylène sont limités à 10 µg/l). La pratique de préchloration, encore très présente dans le monde, a donc été totalement abandonnée en France. Pour remplacer le chlore gazeux ou l'hypochlorite de sodium, la chloration par bioxyde de chlore s'est répandue, notamment car elle ne fabrique ni bromates ni THM. Elle a cependant été récemment remise en cause, du moins en France, en raison d'effets de vieillissement prématuré observés sur certains branchements de réseaux en polyéthylène. Autre fait aux conséquences encore peu claires, l'oxydation par bioxyde de chlore peut provoquer l'apparition de chlorites et de chlorates, des sous-produits dont la toxicité est mal connue(1). La chloration est cependant loin d'être abandonnée dans le processus de désinfection. « Elle est incontournable car c'est le seul processus de désinfection qui offre une rémanence », rappelle Luc Derreumaux, président de Cifec. Réalisée en fin de traitement, elle permet d'éviter la contamination de l'eau lors de son transit dans les réseaux. Depuis l'entrée en vigueur du plan Vigipirate en 1993, une mesure de renforcement de la chloration a même été prise. Le chlore libre doit être présent à raison de 0,3 mg/l à la sortie de la station de traitement ou des réservoirs, et 0,1 mg/l en tout point du réseau de distribution. Ce qui permet d'ailleurs de surveiller la qualité de l'eau, en mesurant le résiduel de chlore à différents points du réseau. Troisième procédé classique de désinfection, le traitement par rayonnements ultraviolets (UV) de l'eau offre une solution particulièrement intéressante face aux problématiques posées par les sous-produits nocifs. Il semble n'en produire aucun, du moins aux doses pratiquées depuis 2008 en France : 400 J/m2 (avant 2008, la dose se situait à 250 J/m2). Selon Jean-Yves Perrot, « à cette dose-là, les UV deviennent le seul vrai désinfectant de l'eau, au sens où ils sont le seul traitement qui ne fait que désinfecter, touchant l'ADN des micro-organismes sans toucher au reste de la matière organique ».De nombreuses petites stations installent donc un traitement par UV exclusifs. « La technologie UV sans chloration est très utilisée dans les zones rurales, surtout en montagne, où l'eau provient de captages souterrains et le réseau est court », relate Xavier Bayle, directeur technique de Bio UV. « Dans ce cas, il y a toujours un risque de recontamination sur le réseau, et les directives du plan Vigipirate ne sont pas respectées », nuance pourtant Luc Derreumaux. RECOURS AUX CONCEPTS MULTIBARRIÈRES Les grandes villes, quant à elles, préfèrent recourir aux concepts multibarrières, associant divers traitements successifs pour assurer une désinfection efficace et se prémunir contre tous les risques. Cette stratégie multibarrières permet en outre de diminuer les doses de désinfectants donc les risques d'apparition de sous-produits. Ainsi, l'une des raisons qui a récemment poussé Eau de Paris à acquérir des réacteurs UV pour ses usines d'Orly et de Joinville (voir encadré p. 30) est la problématique bromates. L'ajout de réacteurs UV « permet de diminuer les doses de la postozonation sans perdre en pouvoir de désinfection », précise Céline Durand, ingénieur chez Eau de Paris. Ces contrats ont été remportés par Degrémont à l'issue d'un appel d'offres. Les réacteurs proposés par l'entreprise pour ce contrat disposent d'un agrément Afssa, « qui garantit notamment qu'il n'y a pas de sous-produits générés par nos équipements UV. En effet, nos lampes sont équipées de gaines en quartz qui filtrent toutes les longueurs d'onde autres que celles nécessaires à la désinfection », signale Michel Forgeot, directeur commercial UV de Degrémont Technologies-Ozonia. Les lampes UV moyenne pression émettent sur des spectres plus larges que les lampes UV basse pression, ce qui induit des risques plus importants d'apparition de sous-produits si le rayonnement n'est pas parfaitement maîtrisé - d'où l'importance d'utiliser des réacteurs UV agréés. Les UV apparaissent comme le meilleur procédé pour minimiser la formation de nouveaux sous-produits jusqu'à présent négligés. Ces sous-produits pourraient toutefois eux aussi se voir un jour mis en cause. Il s'agit, par exemple, des nitrosamines, soupçonnées d'être cancérigènes pour l'homme « même à de très faibles concentrations - il y en a d'ailleurs très peu dans l'eau, de l'ordre de quelques nanogrammes par litre (ng/l). Nous cherchons actuellement à comprendre les mécanismes amenant à leur formation, à identifier les procédés qui en produisent. Ils sont peut-être le produit de la dégradation de certains pesticides, mais pourraient aussi provenir de certains procédés de nitrification. En outre, une étude sur le risque sanitaire représenté par les nitro-samines, à laquelle nous participons, a été lancée par l'agence de l'eau Seine-Normandie », détaille Zdravka Do Quang, responsable du pôle analyse et santé du Cirsee, le centre de recherche de Suez Environnement. Une étude canadienne(1) publiée en 2008 se penchait sur la présence de N-nitrosamines dans sept échantillons d'eau de surface, avant et après traitement par onze procédés différents : chlore gazeux, eau de Javel, bioxyde de chlore, ozone, UV, AOP (Advanced Oxidation Process, des procédés qui ne sont pas utilisés en France pour traiter l'eau à des fins de potabilisation) et des combinaisons entre ces traitements. SOUS-PRODUITS RÉCURRENTS Elle conclut que la concentration en N-nitrosodimethylamine (NDMA) augmente après la plupart des traitements, allant jusqu'à 118 ng/l(2). Utilisés seuls, les UV dégradaient les NDMA, mais semblaient alors produire un précurseur de cette molécule, qui pouvait renaître en réaction avec du chlore. Les nitrosamines ne sont qu'un exemple des sous-produits aujourd'hui étudiés par la communauté scientifique. Philippe Bréant explicite la démarche de Veolia : « Nous avons sélectionné une dizaine de sous-produits les plus récurrents sur une centaine de sous-produits potentiels. Aujourd'hui, nous cherchons à les quantifier, analysons leur récurrence et faisons l'inventaire de la littérature existante sur leur impact sanitaire. » En avril 2008, la Commission européenne a lancé des consultations pour une révision de la directive européenne de 1998 sur l'eau potable afin de prendre en compte les progrès scientifiques. En effet, les capacités d'analyse de la composition de l'eau et les connaissances sur les effets sanitaires des différents composants ont progressé. La réglementation européenne sur les sous-produits pourrait donc prochainement évoluer, pas forcément sur les nitrosamines encore très peu connues, mais peut-être sur d'autres éléments. Elle pourrait s'inspirer de ce qui se passe aux États-Unis, par exemple, où existent des valeurs limites concernant les THM et les bromates, mais aussi les acides haloacétiques, formés lors de la chloration, dont la concentration ne peut excéder 60 µg/l, ou le pentachlorophénol, lui aussi un résidu de la chloration, dont la teneur doit être inférieure à 10 µg/l. « Le principe de précaution est important, mais il faut savoir l'apprécier avec intelligence. En effet, tous les dix ans, nous divisons les seuils analytiques par 1 000, et de nouvelles molécules sont donc mises au jour, qui touchent tous les modes de désinfection. Je pense donc qu'il faut réhabiliter l'ozone malgré les bromates, car les bienfaits de ce type de traitement vont au-delà de la simple désinfection Il améliore la couleur de l'eau, il élimine les composés odorants, il permet de lutter contre les pesticides et s'attaque à la matière organique qui coagule mieux après ozonation », plaide Zdravka Do Quang. INDISPENSABLE FILTRATION Face à ces menaces émergentes et pour optimiser les traitements, un changement d'approche a été initié, reposant sur une analyse des risques. Ainsi, « il y a encore quelques années, l'ozone était appliqué selon un critère quantitatif : il fallait telle concentration en fonction de tel temps de contact. Aujourd'hui, on adapte le procédé aux risques, donc à la qualité de la ressource, pour définir les doses nécessaires », poursuit Zdravka Do Quang. Cette vision va de pair avec la volonté de « prévenir plutôt que guérir ». L'eau doit être purifiée en amont de la désinfection, pour être débarrassée au maximum des matières organiques, source principale de sous-produits dangereux. Cela est vrai surtout pour les eaux de surface qui en contiennent beaucoup. Cette étape devient alors indispensable, quel que soit le mode de désinfection choisi. Les techniques sont connues. Il s'agit de la décantation, de la coagulation-floculation et de la filtration. « Depuis de nombreuses années, nous travaillons à diminuer la matière organique présente dans l'eau, en particulier la matière organique naturelle, notamment grâce à nos techniques membranaires : microfiltration, ultrafiltration et nanofiltration. L'affinage de la ressource par une membrane est la technique la plus efficace contre la matière organique. C'est pourquoi nous considérons les membranes comme un procédé de désinfection », souligne Philippe Bréant. Cette approche est partagée par Jean-Yves Perrot : « Elle repoussera la chloration finale sur une eau la plus pure possible, ce qui permettra au chlore d'apporter son effet rémanent tout au long du réseau de distribution, jusqu'au robinet du particulier. » Car la chloration semble encore avoir un bel avenir en France, malgré les éventuels risques qu'elle pourrait entraîner en termes de sous-produits. Martine Vullierme est catégorique : « Souvenez-vous, en 1991, l'arrêt de la chloration au Pérou a entraîné une épidémie de choléra. Il ne faut pas que la lutte contre les sous-produits de la désinfection, dont les effets sont à long terme et encore flous, se fasse au détriment de la qualité de la désinfection de l'eau, qui a quant à elle un effet immédiat et connu. »


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