Asma El Kasmi se partage entre l'Office national de l'eau potable du Maroc ( ONEP) et l'université d'Ifrane, où elle est en charge de la chaire Eau, femmes et pouvoir de décision, créée avec l'Unesco. À l'université, elle forme ses étudiantes aux sciences et à la gestion de l'eau ; étudiantes qui, à leur tour, iront à la rencontre des femmes rurales des environs d'Ifrane, sur les hauteurs de Fez.
Née dans une famille atypique de médecins et d'ingénieurs, la jeune Asma est encouragée à l'égal de ses trois frères à s'intéresser aux sciences, à pousser ses études et faire carrière. Résultat : deux doctorats, le premier, en 1991, à Paris VII, en électrochimie moléculaire ; le second, en 2002, à l'université d'État de Caroline du Nord (États-Unis) en bio-électrochimie. « À l'époque, j'enseignais déjà depuis 1995 à Ifrane. L'université démarrait et avait repéré mes publications. Je travaillais alors pour de grands laboratoires américains et je m'intéressais aux techniques de traitement des eaux usées. »
Retour au Maroc. Asma El Kasmi a retenu de son enfance que tout est possible aux femmes, pourvu qu'on leur en donne les moyens. Elle va s'y consacrer, ainsi qu'à apporter son expertise scientifique à son pays : « Toutes ces années passées à l'étranger, ce savoir accumulé, ce réseau constitué m'avaient préparée à ma nouvelle tâche : concevoir un modèle de développement original, adapté à nos besoins, en collaboration avec les futurs utilisateurs. L'université, conçue sur un modèle anglo-saxon, ouverte sur son environnement, m'a séduite. C'est une bonne plate-forme pour monter un projet. »
Les femmes marocaines jouent un rôle clé dans la gestion de l'eau domestique ;
en revanche, comme dans bien des pays, elles ne participent pas ou peu aux instances de décision. Dans les villages, les hommes se réservent l'irrigation, soit 80 % de la consommation. De façon très pragmatique, Asma El Kasmi a donc entrepris de faire évoluer la situation : « Soyons clairs, notre but n'est pas de libérer les femmes, mais d'agir pour le bien de la communauté, femmes et enfants compris. Renforcer la capacité des femmes, leur apporter des connaissances scientifiques, se battre pour leur éducation, c'est leur donner leur voix dans les "Imâa", les conseils de village. Elles sont elles-mêmes porteuses de savoirs ancestraux et essentiels à partager. Il faut qu'elles soient compétentes, entendues. »
Les obstacles rencontrés sur les plateaux
du Moyen Atlas se retrouvent ailleurs : la
soumission des femmes, la pauvreté, la baisse et la pollution des ressources en eau. Après les paysannes et les étudiantes, la fusée de l'université d'Ifrane atteint aujourd'hui un troisième niveau : un réseau de femmes scientifiques arabes et africaines, des pays du Maghreb, du Moyen-Orient (MENA/Middle East and North Africa) et d'Afrique subsaharienne s'est constitué en 2007. L'union fait la force.