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Assumer l'ambition du zéro phyto

LA RÉDACTION, LE 1er AVRIL 2009
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1 INSUFFLER UNE NOUVELLE CULTURE Qui dit gestion raisonnée des intrants chimiques dans les espaces verts dit évolution du travail des agents municipaux. Étapes clés : l'appui politique, la formation et un plan d'actions. Un nombre croissant de services des espaces verts (SEV) s'engagent dans la voie du zéro phyto. « Mais leurs niveaux d'avancement sont très hétérogènes », pointe d'emblée Thibaut Beauté, président de l'Association des directeurs de jardins et espaces verts. Et pour cause, changer des pratiques ancrées dans un modèle de gestion horticole prend du temps et exige une volonté de fer. Dans les villes où le concept a pris, une personne moteur a généralement porté le changement, qu'il s'agisse d'un élu, d'un adjoint à l'environnement (à Meylan, dans l'Isère), d'un directeur du service des espaces verts (à Saint-Étienne), voire d'un simple agent. Premier levier pour agir, la réglementation. Contraignante sur l'usage des phytos - une appellation derrière laquelle on entend surtout ici les herbicides - elle recouvre les objectifs de la directive-cadre sur l'eau, des plans et arrêtés interministériels, mais aussi des plans régionaux et arrêtés préfectoraux pris en Bretagne ou en Mayenne. Sans oublier le Plan écophyto 2018, issu du Grenelle de l'environnement et pourvu de ses propres objectifs. Second levier, l'appui politique, primordial pour pérenniser l'engagement et susciter l'adhésion du plus grand nombre. « Un changement d'équipe municipale peut faire régresser ou, au contraire, bouger les choses », précise Lucienne Gartner, chargée de mission au conseil régional d'Alsace. Premier conseil : intégrer l'objectif d'abandon progressif de l'usage des herbicides dans un cadre d'actions global. Par exemple un Agenda 21, comme à Juvisy-sur-Orge (91) ou Roubaix (59). Ou bien une charte d'écologie urbaine, à travers laquelle la ville de Bordeaux vise le zéro phyto pour 2012. Plus original, le cas de la ville de Paris : une politique de certification Iso 14001 y encadre à la fois le périmètre d'utilisation des produits phytosanitaires et celui des pratiques de désherbage alternatif. Selon Pierre Veillat, conseiller technique auprès du services des espaces verts (SEV), relier l'effort de réduction d'utilisation des herbicides à une démarche Iso 14001 mobilise plus nettement l'autorité hiérarchique, permet de passer « d'une culture orale à une culture écrite » et de suivre un processus d'amélioration continue. Inconvénient : la difficulté d'établir en milieu urbain un état des lieux initial, et donc de fixer des indicateurs de progrès pertinents. « À Lyon, l'Iso 14001 reste un outil de motivation efficace, tempère Tatiana Soulier, au SEV de Lyon. Cela permet de faire du zéro phyto un point d'entrée dans une approche durable de la ville et d'être cohérent dans le message transmis. » Depuis 2008, la ville a banni les herbicides de son périmètre d'entretien. « C'est le résultat de six années d'efforts, poursuit Tatiana Soulier. Pour insuffler une nouvelle culture de service, on a communiqué en interne et formé les chefs d'équipe à la gestion différenciée. L'erreur étant de lâcher prise, une dizaine de formateurs internes ont pris le relais auprès des agents. » Comme l'ajoute Jean Lemaire, qui a converti le SEV de Lille au désherbage raisonné et tente de faire de même dans le cadre de son nouveau poste de responsable environnement à Bollène, « il y a des hommes et des habitudes en jeu, qu'il faut avant tout connaître, au risque de vite déchanter. Le désherbage chimique étant souvent synonyme pour les agents d'un travail bien fait, on ne peut pas tout remettre en cause d'un jour à l'autre ». Faire évoluer les pratiques et le regard que les agents portent sur leur travail se fait par étapes, avec l'appui des bons outils de formation. Ces outils étant multiples, la ville de Lille a eu l'idée de cumuler ceux d'origine associative (proposés par Nord Nature Chico-Mendès), institutionnelle (formations aux techniques alternatives au désherbage chimique du Centre national de la fonction publique territoriale, CNFPT), mais aussi privée dans le cas du bureau d'études Alfa, qui l'a aidée à former le personnel du SEV. Résultat, le service a presque divisé par deux sa consommation de désherbants en cinq ans. Pour atteindre le zéro phyto en 2012, il a d'autres atouts : un écologue à plein-temps et une entente informelle avec le SEV de Lyon. Si les communes rurales ont moins de moyens, elles ont également prouvé qu'elles pouvaient être exemplaires. Pour bannir les herbicides, la commune de Tréguidel (Côtes-d'Armor) s'est ainsi appuyée sur les services d'un économe de flux mis à disposition par le pays de Guingamp, et sur des formations aux techniques alternatives dispensées par un syndicat mixte et l'association Eau et rivières de Bretagne. Mais c'est surtout dans le cadre des politiques régionales de reconquête de la qualité des eaux que les progrès sont manifestes. « Dès 1998, dans le cadre du programme Bretagne eau pure, on a audité les pratiques et mis au point des plans de désherbage dans des communes pilotes, et ce malgré la réticence de certains élus. Puis on a conçu une charte adaptée à leurs ambitions et accéléré la formation des agents au désherbage raisonné avec l'appui du CNFPT Bretagne », illustre Sylvain Sabatier, technicien environnement au syndicat du bassin du Scorff. Cette collectivité, qui travaille en réseau avec une vingtaine d'autres de la région, est réputée pour avoir su déléguer la réalisation des plans communaux de désherbage aux bons prestataires. Parmi eux, l'incontournable Feredec Bretagne. Membre de la Fédération nationale de lutte contre les organismes nuisibles (FNlon) et toute aussi active en matière de solutions alternatives que ses jumelles des autres régions (généralement dénommées Fredon), la Feredec a la particularité de disposer d'un bureau d'études répondant aux appels d'offres en matière de plans de désherbage. Ces plans classent les surfaces à désherber en fonction du risque de transfert des pesticides dans les eaux. C'est un outil de diagnostic, d'aide à la décision, de sensibilisation des agents et un jalon efficace vers le zéro phyto. Parfois délicat à appliquer à l'échelle d'une grande ville, certaines comme Lille, Grande-Synthe ou Gennevilliers s'en sont passés pour agir. Toutefois, elles y auront prochainement recours sur des zones et quartiers ciblés. 2 SE PASSER DU DÉSHERBAGE CHIMIQUE Une fois décidés à se passer du désherbage chimique, élus et agents doivent résoudre d'inévitables difficultés techniques. À chacun sa méthode pour gérer proprement et efficacement les espaces verts. Alors que la demande d'espaces verts s'accroît dans les villes, il est temps de s'interroger sur la manière dont ils sont gérés. « Tendre vers le zéro phyto impose de remettre à plat les pratiques d'entretien pour redonner du sens aux politiques publiques », suggère Thibaut Beauté, président de l'Association des directeurs de jardins et espaces verts. En la matière, l'expérience rennaise fait figure de modèle. Supprimer l'usage de désherbants (sauf dans les cimetières) y est allé de pair avec une volonté d'expérimenter des techniques alternatives dans des zones pilotes et de repenser la place de la végétation. Comme le définit le paysagiste Gilles Clément, le désherbage a pour sens initial de « libérer un espace pour favoriser la venue d'espèces désirées ». Or les indésirables peuvent être repoussées sainement par la mise en place de plantes couvre-sols (bruyères, vivaces) et de paillages (organiques ou minéraux). Complémentaires et peu gourmandes en eau, ces techniques ont fait leurs preuves et ont la cote pour les pieds d'arbustes et de vivaces de Lorient, Châteauroux ou Angers. En particulier, les paillis (ou mulchs) d'origine recyclée (débris de tailles, sciure) ont un moindre coût et un intérêt écologique évident. Chaque type de paillis ayant des qualités qui lui sont propres, aux gestionnaires d'espaces verts d'évaluer au cas par cas leur pertinence. De même pour le choix des essences locales, à privilégier. « Mais même généralisées et couplées à un binage adapté, ces techniques préventives ne suffisent pas, précise Tatiana Soulier, à la ville de Lyon. On a donc ponctuellement recours au désherbage thermique. Même s'il est coûteux en main-d'oeuvre et en énergie, c'est là une méthode transitoire avant que notre stratégie de gestion globale soit rôdée. » Atteindre cette maturité de gestion prend des années. Et nécessite sans cesse d'expérimenter, d'inventorier scrupuleusement les progrès réalisés, d'encadrer intelligemment ses agents et d'améliorer une transversalité d'approche entre services, qui fait encore trop souvent défaut. Surtout entre les services d'une ville et ceux d'une communauté d'agglomération : si l'une vise le zéro phyto et l'autre non, cela peut devenir gênant. Néanmoins, à l'échelle d'une municipalité, il n'est plus si rare de voir un service études ou aménagement plancher aussi sur les espaces verts. Ni de voir s'associer au changement de pratiques les services achats et propreté, pour coordonner par exemple des interventions ou mutualiser du matériel, tel que des brosses ou balayeuses mécaniques permettant d'éliminer les herbes sur voirie. Cas particulier, l'entretien des gazons fleuris nécessite du matériel approprié, dont les précieux guides réalisés par la Mission gestion différenciée1 détaillent les particularités. Dans les serres municipales, la conversion au zéro phyto s'avère moins compliquée. Sans surcoût exagéré, le recours à la protection biologique intégrée, qui utilise des organismes vivants (insectes, acariens, champignons, bactéries) pour parasiter les ravageurs des plantes, y a pris le pas sur les pesticides dans des villes comme Reims, Grande-Synthe, Chalon-sur-Saône ou Aix-les-Bains. Reste que sur le terrain, même les collectivités les plus avancées rencontrent des obstacles. D'un côté, il y a ceux d'ordre purement technique : couvre-sols retrouvés piétinés, enherbement excessif, aménagement originel des espaces résistant à l'usage de nouvelles techniques, matériel défaillant... Et, de l'autre, des blocages qui relèvent plus du management et du moral des troupes : surcharge de travail qu'inflige l'été le désherbage raisonné en pleine période de sous-effectif, stress à l'approche du concours des villes fleuries, etc. Pour pallier ces obstacles, aucune solution miracle. Mais cela peut aider de coucher clairement sur le papier les seuils d'acceptabilité en matière de végétation spontanée et les critères de gestion à faire valoir auprès des agents, tel que c'est prévu à Lyon. Autre idée, empruntée cette fois-ci à la ville de Rennes : en guise de piqûre de rappel, il peut être judicieux de diffuser aux équipes un guide de maintenance à la gestion différenciée. Enfin, l'appui technique du réseau des Fredon, d'une association comme Plante & cité, d'une plate-forme collaborative régionale comme Echos-Paysage, d'un établissement d'enseignement comme Tecomah (comptez 400 euros par agent pour trois jours de formation) ou d'un centre de formation comme Cléome est chaudement recommandé par les collectivités visant le zéro phyto. 3 FAIRE CONNAÎTRE LES PROGRÈS RÉALISÉS Pour faire évoluer les pratiques et le regard porté sur l'espace public, mieux vaut impliquer les habitants dans l'effort de conversion au zéro phyto. Si l'effort de communication sur les actions de réduction d'utilisation des pesticides existe, il est souvent limité à un public d'initiés. En la matière, même des villes avancées comme Lyon ne cache pas être « petite joueuse ». Bien sûr, il y a des exceptions : ainsi la Semaine sans pesticides, à la fois bien ciblée et grand public. Son programme montre qu'il y a mille manières de communiquer. La plus basique, c'est l'article dans le journal local combiné à des pancartes sur site. Ou encore une page sur le site Internet de la ville. Mais d'autres vont plus loin, décrochent des spots TV et mettent en place des sentiers pédagogiques. La ville de Rennes a ainsi préparé les habitants aux changements visibles qu'induit l'évolution des pratiques (pelouses sèches l'été, herbes spontanées dans les allées). À Pamiers et à Lille, on met l'accent sur la sensibilisation des scolaires. Les écoles sont en effet de bons relais de communication, à impliquer dans les actions de fleurissement raisonné. De même pour les clubs de retraités ou de jardiniers amateurs, souvent oubliés. À Poitiers, on a pensé à associer la Ligue de protection des oiseaux à la gestion différenciée des espaces communaux. Les obstacles persistent souvent par manque de moyens, frilosité des élus ou indifférence des services de communication. Or des aides existent, notamment par le biais de programmes ambitieux, de type Phyt'eaux cités en Ile-de-France, et des outils peu chers. Exemple : les guides conçus par la Maison de la consommation et de l'environnement (MCE) de Rennes coûtent moins d'un euro pièce. Et ceux des Jardiniers de France à peine le double. Gratuitement, à l'initiative de la Mission locale de reconquête de la qualité des eaux, les communes alsaciennes pourront bientôt télécharger une série d'outils déclinés sous forme de livrets, affichettes ou panneaux d'exposition. « Pour passer du changement de mentalités au changement de pratiques, toutes les méthodes sont bonnes, motive Sylvain Sabatier, au syndicat du bassin du Scorff. En déclinant de façon moins coercitive l'exemple de Quimper, qui impose à ses habitants d'entretenir les trottoirs sans recours aux herbicides, on invite avec la ville de Hennebont des habitants à embellir leurs bords de voirie. » Dans le cadre d'un programme d'accompagnement « zéro pesticide », la Fredon Centre et Loiret Nature Environnement vont plus loin en appuyant les communes sur la communication. « On établit avec elles un calendrier d'actions pouvant intégrer l'accueil des expositions que nous réalisons ou d'animations telles que le rallye des mauvaises herbes », ajoute Magali Gal, à la Fredon Centre. Dernier levier à ne pas négliger, la labellisation Espaces verts écologiques (EVE) d'Ecocert. Lille, Paris et Villeurbanne ont des parcs ainsi labellisés. Mérignac tente aussi le coup pour faire reconnaître ses efforts. Enfin, la plupart des collectivités portent une grande attention aux cimetières. « C'est une zone éminemment sensible, où presque toutes les villes butent en matière de zéro phyto et où bien communiquer est primordial. Y stopper d'un jour à l'autre le désherbage, c'est s'assurer à coup sûr une levée de boucliers des familles ! À Lille, le budget a été doublé et porté à 300 000 euros pour végétaliser entre les tombes, aménager différemment les allées et informer les visiteurs des changements », conclut Cécile Schleuniger, directrice du SEV de la ville de Lille.


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