Il y a deux ans, Benoît Biteau, 40 ans, reprenait l'entreprise agricole de son père à Sablonceaux (Charente-Maritime) : 180 hectares consacrés à la maïsiculture irriguée et à l'activité viticole, dans une région marquée par un partage difficile de l'eau entre agriculture et ostréiculture. C'est à ce moment qu'il a pu constater l'étendue des dégâts. « Depuis plusieurs années, regrette-t-il, le cours d'eau où, enfant, je pêchais avec mon grand-père des anguilles et brochets est à sec. Une telle évolution à l'échelle humaine, c'est grave. »
Pour lui, les responsabilités se partagent entre les chambres d'agriculture et les DDAF, avec comme toile de fond la PAC. « Aujourd'hui, si vous cochez la case irrigation lors de vos déclarations de cultures de maïs, vous bénéficiez d'aides supérieures à celles octroyées aux cultures sèches, ce qui est complètement absurde », dénonce-t-il.
Fort de ce constat, Benoît Biteau a cherché des alternatives. Après avoir épluché différentes études, il a, entre autres, remplacé le maïs par une plante moins gourmande en eau : le sorgho. « Pour un apport en eau de 700 à 900 m3/ha/an
contre 2 500 m3/ha/an pour le maïs, j'obtiens un rapport économique équivalent », soutient-il. Des études de l'institut de recherche Arvalis montrent en effet qu'une même marge brute de 200 euros par hectare nécessite un rendement de 122 quintaux/hectare de maïs, contre seulement 87 quintaux/hectare pour le sorgho. Autre avantage du sorgho : sa production n'oblige pas à modifier la filière avale et donc les pratiques.
L'engagement de Benoît Biteau a porté ses fruits. Il a d'ailleurs reçu en février dernier, des mains du ministre de l'Agriculture, un trophée récompensant les démarches d'agriculture durable. Mais il reconnaît que le combat est rude face aux lobbies des semenciers. Par exemple, dans le bassin versant de la Seudre, où le BRGM a démontré qu'il faudrait diviser par trois les prélèvements d'eau pour retrouver le bon état écologique de la ressource. Un projet de réserves de substitution est cependant à l'étude à l'agence de l'eau pour fournir trois millions de mètres cubes de stockage d'eau - les
besoins réels sont estimés à 7 millions de m3 - pour répondre aux besoins des différents usages. « Ce projet est absurde. Il revient à dépenser 12 millions d'euros d'argent public, alors que des solutions alternatives, telles que la culture du sorgho, apporteraient une réponse simple », défend Benoît Biteau.
Dans sa conception de l'agriculture, l'irrigation s'envisage comme une assurance occasionnelle. Le choix de la culture doit dépendre de la pluviométrie locale et l'apport d'eau ne doit être réalisé que lors d'événements exceptionnels. « L'année dernière, j'ai cultivé de l'orge et des protéagineux sans apporter un seul mètre cube d'eau supplémentaire », explique-t-il. Aujourd'hui, sa démarche reste peu suivie et sa voix peu écoutée. Son engagement à cultiver bio, en plus du choix d'une agriculture raisonnée, y est sans doute pour quelque chose. « Je suis catalogué agriculteur bio. Et dans la profession, cela a encore une connotation
péjorative », conclut-il.