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EAU

La soif de sobri été de l'agriculture

LA RÉDACTION, LE 1er MAI 2009
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Printemps 2008. Des émeutes de la faim éclatent un peu partout dans le monde, en Indonésie, aux Philippines, mais aussi en Égypte et au Maroc. En cause, une mauvaise campagne 2007 qui a frappé les récoltes et les stocks. Ces émeutes sont bien sûr la conséquence de mauvaises conditions climatiques, mais elles traduisent aussi la fragilité des systèmes agricoles des pays du Sud, qui doivent répondre à une demande de plus en plus importante. Avec des ressources limitées. Dans les pays arabes (Maghreb et Moyen-Orient), les besoins en eau pour l'agriculture représentent entre 60 et 80 % des prélèvements d'eau. Ce taux est de 81 % dans les pays des rives sud et est de la Méditerranée. Et il n'a cessé d'augmenter dans les dernières décennies, avec un développement agricole sans précédent : entre 1981 et 2001, la Syrie, la Libye, la Jordanie et l'Algérie ont ainsi doublé leurs surfaces agricoles irriguées. DES TENSIONS À L'HORIZON Certains pays, comme le Maroc, l'Égypte et la Syrie, sont déjà en situation de tension, ce qui signifie qu'ils ne peuvent mettre à disposition que 500 à 1 000 m3 d'eau par habitant et par an. La Libye, Israël, les territoires palestiniens, la Jordanie et l'Algérie sont même déjà en pénurie (moins de 500 m3 par an et par personne). « La situation est tellement contrainte aujourd'hui dans certaines parties de la vallée du Jourdain que les agriculteurs jordaniens ne reçoivent que 50 % de leurs besoins pour irriguer les surfaces agricoles allouées il y a vingt ans », souligne Olivier Girard, de l'Agence française de développement (AFD). Cette situation va s'étendre. Selon le scénario tendanciel du plan Bleu, un groupe de travail placé sous l'égide de l'ONU, qui réunit les pays riverains de la mer Méditerranée, tous les pays du sud et de l'est de la Méditerranée pourraient voir en 2025 leur dotation sous les 1 000 m3 par habitant et par an. Et en 2050, ils auront franchi le seuil des 500 m3 par habitant et par an. Les besoins en eau pourraient dépasser les ressources disponibles dans certains pays, comme c'est déjà le cas en Arabie Saoudite. Bien sûr, des projets de dessalement de l'eau de mer, et de recherche de nouvelles ressources sont en cours, mais face à la croissance démographique, à l'urbanisation, et au développement du tourisme (135 millions de touristes nationaux et internationaux supplémentaires sont attendus en Méditerranée d'ici à 2025, selon les prévisions du Plan Bleu), il est essentiel de maîtriser la gestion de l'eau, et en particulier de l'eau utilisée pour l'agriculture. « Tous ces pays ont en commun le même contexte climatique : ce sont des régions arides, dans lesquelles les précipitations ne sont pas très abondantes et pas très réparties sur l'année, confirme Olivier Girard. Il est effectivement très important de maîtriser l'utilisation des ressources en eau sur les surfaces agricoles. » Et de la maîtriser dès maintenant ! LE RÉCHAUFFEMENT BOULEVERSE LA DONNE En effet, la demande, elle, ne cesse de croître : les États de l'est et du sud de la Méditerranée sont encore en pleine transition démographique et devraient gagner 3,7 millions chaque année d'ici à 2025. Selon Pierre Blanc, chercheur à l'Institut agronomique méditerranéen de Montpellier, cela va obligatoirement s'accompagner d'une intensification de l'agriculture dans ces régions. Or, l'agriculture est très aquavore. Pour mémoire, la production d'un kilogramme de céréales demande quelque 1 000 litres d'eau tandis que la production d'un kilogramme de viande en exige 13 500 litres. Des besoins qui vont se confronter à la dure loi qu'imposent dès aujourd'hui les changements climatiques. Selon un bulletin de la FAO (Food and Agriculture Organization) publié l'an dernier, l'agriculture du Proche-Orient va probablement souffrir de pertes dues à l'élévation des températures, de sécheresses plus intenses, d'inondations plus fréquentes, et de dégradation des sols qui vont mettre en péril la sécurité alimentaire de nombreux pays. Le Moyen-Orient et le Maghreb sont particulièrement exposés à des pénuries d'eau. Une élévation des températures annuelles de 3 °C pourrait faire basculer 155 à 600 millions de personnes supplémentaires en stress hydrique en Afrique du Nord, selon le document. Diminution des jours pluvieux, des jours de gel, augmentation de la fréquence des vagues de chaleur dans les régions continentales... Les indicateurs sont au rouge ! Et dans certains pays, comme le Liban, les conséquences sont déjà là (voir interview de Fadi Comair, directeur général des ressources hydrauliques du Liban, p. 34). Au Maroc, où la filière sucrière fait vivre 80 000 familles d'agriculteurs dans le pays, selon le quotidien marocain l'Économiste, la betterave à sucre est menacée : elle est cultivée en automne, saison frappée de plus en plus par un stress hydrique préoccupant. Même en Égypte, un pays qui dispose de 65 milliards de m3 d'eau, dont 55,5 milliards proviennent des eaux du Nil, la situation est alarmante. Certes, les eaux sont domestiquées, et même réutilisées... Et pourtant le pays souffre déjà de stress hydrique. Et en souffrira encore plus dans l'avenir. De fait, l'agriculture, qui absorbe 80 % de la ressource dans ce pays, est très aquavore puisqu'elle repose sur la technique de l'inondation à la parcelle, très coûteuse, et privilégie des cultures à forts besoins en eau : coton, riz, trèfle d'Alexandrie. Partout, les saisons agricoles vont être de plus en plus courtes, et certaines cultures pourraient régresser. Les experts de la FAO pensent ainsi que la culture des céréales en Afrique du Nord pourrait régresser de 15 à 25 % avec une augmentation des températures de 3 °C, et de 25 à 35 % au Moyen-Orient. De fait, certains États ont déjà pris la mesure du problème et ont fortement investi sur l'irrigation, afin de développer leurs surfaces agricoles. Plus de 200 millions de dollars ont ainsi été investis au Maroc entre 1980 et 2003 dans sept projets d'irrigation soutenus, notamment par la Banque mondiale, selon un document de la FAO. Dans la même période, près de 300 millions de dollars ont été investis en Égypte. UN ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE ET ORGANISATIONNEL SUR LE TERRAIN « En effet, tous les États ont mis en place par le passé des politiques de développement d'infrastructures (barrages, stations de pompage), en finançant des réseaux d'irrigation collectifs, et des politiques de subventions des agriculteurs, confirme Pierre Blanc. Mais ce qui a failli jusqu'à présent, c'est l'accompagnement technique et organisationnel sur le terrain », ajoute-t-il. Selon lui, l'irrigation et les technologies mises en oeuvre ne représentent qu'une partie du problème. « Il faut faire prendre conscience aux maîtres d'ouvrage de la nécessité d'un dialogue plus approfondi avec les agriculteurs. Ne pas se contenter d'un apport technique : l'aide doit aller autant à la gestion de l'eau qu'à l'organisation des filières de distribution agricoles », conclut Pierre Blanc. De la même façon, on ne peut pas traiter l'irrigation de façon isolée. « Quand on s'attaque à la gestion de l'eau, on ne peut pas dissocier ce qui se passe au niveau de la parcelle de ce qui se passe au niveau du réseau. C'est le réseau qui impose ses contraintes » rappelle Olivier Girard, de l'AFD. De manière systématique, dans nos interventions et nos partenariats, nous essayons d'agir aux deux bouts de la chaîne afin de trouver des compromis acceptables », ajoute-t-il. En Jordanie, l'Agence française de développement soutient ainsi un programme d'extension de la zone d'irrigation dans la vallée du Jourdain, qui vise à améliorer, non seulement les techniques d'irrigation, mais aussi les filières de distribution des produits agricoles. MOBILISER DE NOUVELLES RESSOURCES OU GÉRER LA DEMANDE ? Au Liban, l'AVSI, une ONG italienne qui travaille dans le développement rural dans quarante pays du monde, a choisi d'intégrer plusieurs paramètres dans ses actions. Cette ONG, présente au Liban depuis 1996, se concentre surtout sur des actions situées au sud du pays, sur les problèmes d'eau et d'agriculture. Selon Marco Perini, responsable des projets au Liban pour cette association, « l'eau peut être une source de cohabitation, un médiateur social. Ainsi, nous avons récemment mené une très belle expérience dans le sud du pays, reposant sur les trois piliers de l'association : la réduction des prélèvements, l'éducation et la rationalisation ». Ce projet a mis en oeuvre une gestion commune par plusieurs municipalités rurales dans la région de Marjayoun, au sud du Liban. On y a identifié en 2006 une plaine de 1 000 hectares complètement abandonnée. Un territoire délimité au sud par Israël, à l'ouest par des municipalités chiites, à l'est par des municipalités chrétiennes. « Nous y avons organisé plusieurs rencontres. Nous avons commencé par réhabiliter la plaine, c'est-à-dire réparer trois canaux à ciel ouvert qui assuraient l'irrigation de la plaine. » Après étude, l'association a décidé d'installer des tuyaux enterrés avec des dispositifs sur lesquels les paysans peuvent se brancher. Résultat ? Une économie de 50 % d'eau, en évitant les pertes et l'évaporation. Ces économies ont permis de cultiver 40 % de terres supplémentaires, plantées en culture maraîchère. Mais surtout, pour Marco Perini, « les agriculteurs ont dû discuter, gérer en commun les problèmes d'eau... Au-delà de leurs appartenances, ils ont travaillé ensemble pour le bien de leurs terrains. C'est un bon exemple des conséquences sociales qui peuvent résulter d'un choix technique ». Le projet a coûté 400 000 euros pour la partie technique, et 300 000 euros pour les projets sociaux (éducation, cours de gestion...) menés de front, car l'AVSI préconise une approche holistique de ces projets. Car ces projets touchant surtout l'irrigation coûtent beaucoup d'argent. Les ONG participent évidemment, mais ce sont essentiellement les États, la Banque mondiale et les organisations internationales qui soutiennent les plus grands projets. Ainsi, en Tunisie, l'AFD cofinance avec la Banque mondiale un programme sectoriel afin d'améliorer la productivité agricole de l'eau et les réseaux de distribution. DES FINANCEMENTS PARTAGÉS Mais tous le reconnaissent, l'eau, si elle est totalement subventionnée, sera utilisée moins efficacement par les agriculteurs. Quant aux organismes de microcrédit, ils couvrent en réalité une toute petite partie de leurs besoins. « Mieux vaut tomber dans des cercles vertueux, et mieux rémunérer les agriculteurs, afin que leurs emprunts ou leurs investissements deviennent plus faciles », remarque Pierre Blanc. La mission menée en Jordanie par Bruno Molle, animateur pour les laboratoires d'études et de recherche sur le matériel du Cemagref, a impliqué les agriculteurs. Cette mission, menée de 2003 à 2006, présentait à la fois un volet agronomique et un volet matériel. Elle consistait à convertir les agriculteurs de la vallée du Jourdain situés au sud d'Amman à la micro-irrigation. « Mais plutôt que de subventionner ou de fournir du matériel, nous avons fourni aux agriculteurs des filtres de bonne qualité pour protéger le goutte-à-goutte. À condition, évidemment, qu'ils installent le goutte-à-goutte », explique Bruno Molle. Dans cette région, le fait de passer du gravitaire à la micro-irrigation a doublé la productivité de l'irrigation. Les agriculteurs, qui ont disposé de plus de ressources disponibles, ont étendu leurs surfaces irriguées. Seulement le transfert de responsabilité vers l'agriculteur ne peut pas être un transfert total de la charge financière. Il faut éviter le désengagement complet de l'État, qui doit rester un coordinateur. Le Liban, qui a lancé une grande stratégie décennale pour la gestion de ses ressources en eau (voir l'interview ci-dessous) et souhaite s'inscrire dans le cadre de la DCE européenne, vient aussi de réorganiser totalement ses institutions. Les vingt-deux offices des eaux et les trois cents commissions d'irrigation du pays viennent d'être fusionnées en quatre établissements des eaux, qui gèrent chacun tout le cycle de l'eau sur un bassin hydrogéographique. Un code de l'eau libanais inspiré du code français est aussi en train de voir le jour. Ces établissements pourront aussi travailler dans un contexte commercial et développer des partenariats publics privés, comme celui en cours avec Suez Environnement. Ces mesures devraient promouvoir de nouveaux modes de consommation, plus efficaces. Car c'est là que se joue l'avenir de l'eau au Maghreb et au Moyen-Orient. Le potentiel d'économies réalisables a en effet été estimé par le Plan bleu en 2006 à 24 % de la demande actuelle sur le Bassin méditerranéen.


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