Utiliser le biofilm qui croît naturellement dans les rivières pour caractériser la présence de pesticides, c'est l'objet des recherches d'une équipe du Cemagref de Lyon, dirigée par Bernard Montuelle. Les biofilms sont un agrégat de bactéries, d'algues et de champignons qui se développent sur les supports immergés comme les lits de cours d'eau ou les pierres.
Une contamination du milieu aquatique par des pesticides peut modifier sa structure, sa diversité et son fonctionnement, altérant par exemple son activité photosynthétique ou respiratoire. Mais des variables telles que le courant ou l'intensité lumineuse peuvent avoir des effets comparables. Il est donc indispensable de différencier les effets des facteurs environnementaux de ceux de la pollution. « Grâce à un travail sur le terrain et en laboratoire, où sont étudiés les effets sur le biofilm de différentes molécules, et à des méthodes statistiques, nous pouvons discriminer les causes des modifications observées », raconte Bernard Montuelle.
POLLUTION CHIMIQUE
Cet outil se différencie à plusieurs niveaux des indicateurs normalisés de caractérisation de l'état du milieu comme l'indice diatomées. En premier lieu, il est toujours relatif : « Nous comparons le biofilm présent à l'endroit étudié avec celui situé à l'amont de la rivière, là où la pollution n'est pas présente. Cela pose d'ailleurs un problème dans les grands fleuves où il est difficile d'avoir une station amont relativement proche et non contaminée », précise le chercheur du Cemagref.
En second lieu, il s'intéresse essentiellement à la pollution toxique, alors que les indices normalisés répondent actuellement surtout à la pollution organique. En effet, si les premières recherches de caractérisation de l'état des milieux ont porté sur la pollution liée aux matières organiques et aux nutriments, aujourd'hui la pollution toxique préoccupe de plus en plus les gestionnaires. Les travaux développés au Cemagref sur les biofilms s'y consacrent donc en priorité. D'après Bernard Montuelle, le choix de se pencher plus particulièrement sur les pesticides a été fait pour plusieurs raisons : « Ce sont des molécules qui posent réellement un risque pour l'environnement, et qui agissent sur les organismes à faible dose. En outre, dans certains secteurs, comme en arboriculture et en viticulture, les quantités de produits phytosanitaires appliquées sont très importantes. Notre implantation géographique nous a permis de nous appuyer sur des sites réels, en l'occurrence la région viticole du Beaujolais. » Après les pesticides, les métaux pourraient faire l'objet d'un travail comparable.
DÉGRADATION
Autre priorité du programme de recherche : identifier les bactéries capables de dégrader ces molécules polluantes. Le développement d'outils de type traitement des eaux utilisant ces bactéries resteront cependant du ressort des éventuelles entreprises intéressées par cette connaissance.
Aujourd'hui, le domaine d'application de « l'outil biofilm » est en cours de définition. La mise au point d'outils opérationnels peut demander encore quelques années. Quant à la normalisation de l'indicateur, elle n'est pas à l'ordre du jour : elle exigerait l'acquisition de jeux de données très conséquents, sur de nombreux milieux aquatiques, pour systématiser les résultats.