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Non à la maîtrise d' oeuvre au rabais

LA RÉDACTION, LE 1er NOVEMBRE 2009
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Sous l'effet de la concurrence et de l'évolution du code des marchés publics, les modalités des marchés de travaux dans l'eau et l'assainissement ont changé de nature et fait bouger les frontières traditionnelles entre maître d'ouvrage, bureaux d'études, constructeurs, etc. Alors que la rémunération de la maîtrise d'oeuvre - fonctionnant aujourd'hui par appels d'offres dans le cadre de la loi Mop (2) - était généralement, il y a dix ans, de l'ordre de 8 à 12 % du marché de travaux, on voit aujourd'hui fréquemment des prix de 5 %, voire 2 à 3 %. « Il est impossible d'assurer la mission de manière professionnelle à ce prix : tout est alors standardisé, il n'y a pas de réflexion sur l'acte de construire, ni sur différentes hypothèses optimisant le coût, le fonctionnement et minimisant l'impact environnemental, la conception est faite à la va-vite et il n'y a pratiquement pas de surveillance du chantier. Le succès repose alors essentiellement sur le sérieux de l'entreprise de construction », décrit Bernard Saunier, président de BPR Technologies. Au global, c'est souvent une fausse économie pour le maître d'ouvrage : si l'entreprise retenue pour la construction doit refaire ou compléter certaines études, elle demande à être rémunérée pour cela via des avenants ou des marchés complémentaires. Il y a aussi des surcoûts imprévus s'il faut arrêter les travaux. Récemment, dans le cadre d'un chantier de création de bassins tampons, une grosse collectivité ayant confié les études géotechniques à un bureau d'études qui avait cassé les prix a connu des problèmes d'instabilité de sol et d'intrusion d'eau à des débits considérables. Les ingénieurs-conseils s'efforcent de faire passer le message qu'un travail de qualité correctement rémunéré permet, au contraire, une optimisation financière globale. « Avec une bonne réflexion en amont sur la définition des ouvrages et une construction par allotissements, on peut in fine économiser jusqu'à 10 ou 20 % sur le coût global d'un projet », avance Bernard Saunier. L'ASSISTANCE À LA MAÎTRISE D'OUVRAGE EN QUESTION La maîtrise d'oeuvre est donc en crise et chacun se renvoie un peu la responsabilité. Même les exploitants ont des griefs contre les ingénieurs-conseils. « Compressés par une rémunération très faible, les bureaux d'études se cantonnent à ce qu'ils savent faire : il n'y aucune prise en compte de la dimension exploitation, pas d'ambition ni d'originalité dans les projets, ni d'innovation au plan des technologies proposées », estime un responsable local d'une grande entreprise de l'eau. Par ailleurs, après l'abandon de l'appel d'offres sur performances, les marchés de conception-réalisation (dans lesquels la maîtrise d'oeuvre est assurée au sein du groupement de construction) sont devenus monnaie courante pour les usines de traitement (eau potable ou eaux usées). « En nombre d'affaires, la conception-réalisation doit représenter environ 20 % des marchés, mais, en valeur, c'est plus de 50 %. La conception des usines est en effet intrinsèquement liée au process, lequel est particulièrement maîtrisé par les constructeurs en France », rappelle Didier Haegel, président du Syndicat national des industries du traitement des eaux résiduaires ( Sniter) et également directeur général de Vinci Environnement. Ces modalités cantonnent alors les bureaux d'études dans le rôle d'assistance à la maîtrise d'ouvrage (AMO), une prestation assimilée par certains à une maîtrise d'oeuvre dégradée, sans véritables études de conception ni responsabilité, et peu rémunérée. Cette situation a généré un conflit, puis l'ouverture d'un dialogue entre les représentants des bureaux d'études ( Syntec-Ingénierie et CICF) et des constructeurs (Sniter). Ils ont publié en 2007 un guide à destination des maîtres d'ouvrage, qui dresse en quelque sorte la ligne de séparation « naturelle » entre les deux procédures principales : l'appel d'offres (loi Mop) et la conception-réalisation, la première étant plutôt adaptée au contexte d'ouvrages ou de process dont la conception est presque dans le domaine public (stations de pompage, réservoirs, stations d'épuration à boues activées de taille moyenne, etc.) et la seconde correspondant à de gros ouvrages avec des solutions « propriétaires » et des techniques pointues. « Chaque procédure a un domaine d'application où elle est assez légitime. Nous avons défini dans le guide les précautions à prendre pour chacune », commente François Bruant, directeur du développement Infrastructures de Safege, qui a contribué à l'élaboration de ce document côté Syntec-Ingénierie. ASSURER LA REVALORISATION DES MISSIONS AMONT Les deux professions sont aussi tombées d'accord sur la nécessité de revaloriser les missions amont. « Nous, constructeurs, avons intérêt à ce que la conception en amont soit mieux soignée pour éviter, dans les consultations en conception-réalisation, les difficultés liées à des données de base insuffisamment renseignées ; et dans les appels d'offres, celles liées à des solutions techniques inachevées, non optimisées, dont on doit assurer in fine les garanties de bonne fin et de performance », analyse Didier Haegel. « La porte de sortie de la crise actuelle passe par la définition d'un contenu précis, substantiel et qualitatif pour les missions de conception et d'exécution qui, en étant justement rémunérées, permettront aux maîtres d'ouvrage de faire émerger des projets de qualité », ajoute Karine Leverger, déléguée générale de Syntec-Ingénierie. Le guide prône donc un déplacement de valeur de l'aval à l'amont. Des fiches à paraître prolongeront ce travail. L'une d'elle revalorise la mission de l'AMO dans le cadre des marchés de conception-réalisation (voir encadré ci-dessous). « Pour les phases amont, une bonne prestation d'AMO, telle que définie par la fiche, ne vaut pas moins que le coût d'un avant-projet et de l'assistance à la passation des contrats de travaux dans une bonne prestation de maîtrise d'oeuvre », estime François Bruant. En substance, le constat formulé par les professionnels est que les maîtres d'ouvrage publics sélectionnent trop souvent l'ingénieur-conseil sur un prix pour une mission donnée, d'ailleurs assez mal définie. Un meilleur cahier des charges des missions de maîtrise d'oeuvre ou d'AMO, avec le détail et le niveau de la prestation attendue, serait effectivement souhaitable. « Un maître d'ouvrage public doit être capable de définir ce qu'il veut. Pour cela, il faut posséder en interne suffisamment d'expertise, être aussi "sachant". C'est ce qui permet d'être précis et exigeant », témoigne Denis Hodeau, directeur de l'eau au Grand Lyon. DÉFINIR DES CRITÈRES DE PONDÉRATION En ce qui concerne le prix, s'il est indéniable que certains, par méconnaissance ou crainte d'être accusés de favoritisme, retiennent le bureau d'étude le moins disant, il y a aussi beaucoup de collectivités ayant conscience qu'une rémunération très basse de la maîtrise d'oeuvre ou de l'AMO est incompatible avec un projet de qualité. Denis Hodeau remarque : « Certaines offres sont à des niveaux de prix tellement bas qu'un simple calcul en temps/homme montre qu'il est impossible d'assurer la mission. On s'efforce d'introduire d'autres critères que le prix pour écarter de telles offres totalement déraisonnables. Mais dans le cadre de marchés de maîtrise d'oeuvre, c'est parfois difficile. Si nous sommes amenés à retenir des offres basses, nous faisons passer le message que l'intégralité de la prestation sera exigée. Il y a là une véritable piste de travail avec les organisations professionnelles, pour définir des critères de pondération des offres qui soient intelligents et compatibles avec les règles des marchés publics. » Beaucoup de collectivités déclarent attribuer une pondération élevée à la valeur technique. « Lorsqu'il s'agit d'aider à négocier un contrat de concession de plus de 200 millions d'euros, comme celui de la future station Aquaviva (avant-projet, assistance pour l'appel d'offres et la procédure de délégation de service public), c'est la valeur technique qui est prépondérante dans le choix d'un AMO, pas le prix », témoigne Matthieu Galaup, directeur du Syndicat intercommunal unifié d'assainissement du bassin cannois ( SIAUBC). Mais cela ne résout pas tout, car, sur le papier, les offres techniques sont souvent proches les unes des autres. Dans le contexte contraint des règles des marchés publics, il est difficile de s'assurer de la qualité de la réflexion et du travail qui sera fourni derrière. « Tous les candidats sont capables de faire des offres techniques tenant la route. Désormais, pour nous, l'un des points importants d'un marché d'assistance se joue sur les CV de l'équipe projet. Autant que faire se peut, on fige cette équipe projet en se laissant la possibilité d'arrêter le marché s'il n'y a plus, en face, la bonne personne ou son équivalent », ajoute Matthieu Galaup. Il est difficile d'aller plus loin dans le cadre légal. Pourtant, certaines collectivités prennent des libertés avec la procédure en choisissant des bureaux d'études ayant fait la preuve de leur qualité au plan local, ou qu'ils savent dotés de compétences « comportementales ». « Après une expérience sur un projet avec, dans le rôle de l'AMO, un bureau d'études ayant pignon sur rue, mais très en dessous de nos attentes en termes de présence et capacité à s'adapter, notre stratégie sera désormais de fractionner les éléments de mission et de faire travailler des petites structures plus souples. Un petit nombre d'ingénieurs-conseils expérimentés, ayant fait une partie de leur carrière dans de gros bureaux d'études ou chez des constructeurs, se sont mis à leur compte : c'est ce genre de profil, avec un excellent niveau de compétence, et en phase avec notre vision de la conduite d'une mission, que l'on sélectionnera », témoigne le directeur d'une collectivité. INGÉNIEUR-CONSEIL : DES PROFILS TRÈS VARIÉS Les prix très bas constatés actuellement trouvent en grande partie leur origine dans une concurrence exacerbée. Et pour cause : il n'y a pas de barrière d'entrée à la profession d'ingénieur-conseil. Le système des agréments départementaux qui existait par le passé avait ses défauts, mais il vérifiait au moins l'obtention des diplômes et instaurait une forme de régulation. « La profession n'est effectivement pas réglementée, n'importe qui peut s'installer en tant qu'ingénieur-conseil, reconnaît Thierry Gaxieu, président de CICF Infrastructures et environnement. Un facteur aggravant est la fin de l'ingénierie publique des services de l'État. Jusqu'à récemment, elle venait en appui aux collectivités rurales pour des missions de maîtrise d'oeuvre ou de conseil, à des tarifs extrêmement modérés. Sa disparition a provoqué, par un effet d'opportunité, une génération spontanée de petits bureaux d'études qui cassent les prix pour prendre les marchés, parfois avec des pratiques déontologiques condamnables, comme faire rémunérer certaines prestations, telles que l'émission des dossiers par les entreprises. » LA QUALITÉ TRIBUTAIRE DE LA FORMATION Une question corollaire se pose : y a-t-il globalement un problème de qualité de l'ingénierie en France ? « La formation de base dans les écoles d'ingénieurs est excellente, mais la carrière est plate et la rémunération peu enthousiasmante. Le salaire annuel d'embauche d'un jeune sortant de l'école est exactement le même qu'il y a vingt ans, soit moins de 30 000 euros, et cela malgré l'inflation. C'est le salaire des assistantes qui a le plus progressé dans la profession sur le même laps de temps ! Les meilleurs partent à l'étranger ou s'orientent vers des domaines plus rémunérateurs comme la banque, l'informatique, l'exploitation ou l'entreprise de travaux. Forcément, la qualité des projets pâtit de ce manque de perspectives », décrypte Bernard Saunier. Il met aussi en cause l'accès à la profession de gens dont la formation initiale est très éloignée de l'ingénierie (masters en une année proposés par les écoles d'ingénieurs). « Excellents dans le domaine de l'hydraulique et du traitement de l'eau, ils n'ont aucune capacité à assumer l'acte de construire, qui nécessite des compétences transversales fortes en résistance des matériaux, en béton armé, en électricité, en automatismes, etc. », explique-t-il. S'ORGANISER POUR RÉGULER LA PROFESSION La réponse proposée par les instances représentatives de la profession réside principalement dans la pédagogie auprès des maîtres d'ouvrage, mais ceux-ci sont tenus par des règles limitantes dans le choix de leurs prestataires. Il faudrait peut-être que la profession s'organise pour mettre elle-même de l'ordre dans des pratiques qui nuisent à son image. Une voix dissonante propose une autorégulation via un ordre des ingénieurs-conseils, à l'image de ce qui existe dans les pays anglo-saxons (voir encadré p. 26). « S'il y avait l'obligation de faire travailler un "ingénieur professionnel" qui assume la responsabilité de la construction en son nom propre et qui reçoit la rémunération associée à cette prise de responsabilité, cela tirerait tout le monde vers le haut et aboutirait à des opérations de bien meilleure qualité », énonce Bernard Saunier. Cette idée n'emporte pas l'adhésion de la profession. « Dans le contexte français où la conception de détail se fait plutôt chez les entreprises, on imagine mal que le bureau d'études puisse jouer le même rôle que dans les pays anglo-saxons : la situation est totalement différente et les solutions valables là-bas ne sont pas forcément applicables ici, estime Thierry Gaxieu. En revanche, je crois effectivement qu'il faut mettre en place des systèmes garantissant au maître d'ouvrage la qualité du maître d'oeuvre. Le droit à titre accessoire peut jouer un rôle, car il impose une formation spécifique en droit pour rédiger un dossier de consultation d'entreprises. Cette réglementation est pour l'instant peu respectée et non contrôlée, mais si, demain, les assurances l'exigent, par exemple, ce sera de nature à réguler la profession. » Les assureurs jouent en effet un rôle important dans le problème protéiforme que rencontrent les ingénieurs-conseils. Avec la baisse de la rémunération, la prise de risque des bureaux d'études augmente et aussi, par voie de conséquence, leurs primes d'assurance (parfois plus de 10 % des honoraires payés en prime d'assurance responsabilité). « Si les assureurs connaissaient mieux le rôle du taux de rémunération de la maîtrise d'oeuvre sur le risque qu'ils prennent, cela leur ouvrirait des pistes de réflexion allant dans le sens d'un assainissement des pratiques de la profession : modification du mode de calcul des primes, cotisations de responsabilité civile professionnelle et responsabilité décennale adossées aux montants des travaux et non plus des honoraires, clauses de sauvegarde dans les contrats d'assurance, voire pénalisation des "mauvais élèves" prenant des affaires à perte », souligne Bernard Saunier.


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