Dans le monde de l'industrie, le débit est l'une des grandeurs de process le plus fréquemment mesurées. Que ce soit pour des applications de comptage, de régulation, de dosage ou de surveillance, la mesure de débit occupe une place prépondérante et primordiale. Dans le passé, les systèmes de comptage mécanique étaient grandement majoritaires dans le traitement des eaux usées ou la production d'eau potable. Désormais, avec les progrès technologiques enregistrés, les fabricants proposent une multitude de débitmètres, reposant sur différents principes de mesure fiables : débitmètres électromagnétiques, à ultrasons, massique, vortex... En plus de ces améliorations, la baisse du prix de certains débitmètres, due à l'augmentation du volume d'équipements produits, a permis, au cours des dernières années, de démocratiser ces nouvelles technologies. Le meilleur exemple reste le débitmètre électromagnétique dont le coût a été divisé par cent en vingt ans.
Parmi les différents systèmes de mesure électronique, le débitmètre électromagnétique s'est véritablement imposé dans le secteur de l'eau, et ce dès la fin des années 1990. Il représente plus des deux tiers des ventes d'instruments. Insérés de manière intrusive, généralement sur des conduites en charge, ces appareils s'utilisent avec tous les fluides conducteurs (supérieurs à 5 µS/cm) avec ou sans particules solides. Le principe de mesure repose sur la loi d'induction de Faraday. Un liquide conducteur est placé dans un tube isolant à travers un champ magnétique. Une tension est induite dans le liquide, proportionnelle à la vitesse d'écoulement de celui-ci.
Indépendante de la densité, de la pression, de la température et de la viscosité, cette technologie, adaptable sur une large gamme de diamètres, présente de nombreux avantages et peu de contraintes pour les diverses applications du domaine de l'eau. Le fabricant Endress+Hauser propose ainsi sa gamme Promag pour des diamètres nominaux DN 2 à 2 000 avec une précision comprise entre 0,2 et 0,5 % de la valeur mesurée. De son côté, Krohne a conçu l'Optiflux pour des DN 2,5 à 3 000 et présentant une précision proche du débitmètre massique Coriolis (0,15 %). L'absence d'éléments en mouvement évite aussi l'usure des pièces et autorise une faible maintenance. De plus, le fait qu'il n'y ait ni restriction dans la section d'écoulement (passage intégral) ni obstacle empêche toute perte de charges et rend l'instrument parfaitement adapté aux eaux chargées. Avec ces atouts techniques et un prix en baisse, cet équipement est devenu un standard dans le secteur de l'eau.
OPTIMISATION DU PROCESS
Dans une station de traitement des eaux usées, même si plusieurs types de débitmètres peuvent être présents (vortex, massique, Venturi ou ultrasons à effet Doppler), les appareils électromagnétiques constituent 80 % des instruments. Placés à différents points de mesure du process, ils vont avoir plusieurs fonctions. « Nécessaires pour effectuer les opérations de régulation, les débitmètres électromagnétiques participent à l'optimisation du process et procurent également un meilleur confort d'exploitation de l'installation », indique Fabrice Balmer, ingénieur commercial chez Vinci Construction France. Par ailleurs, l'autosurveillance des stations d'épuration oblige les exploitants à réaliser des mesures de débit à des endroits précis du process : à l'entrée, en sortie et au niveau du déversoir. Ces points de mesure vont permettre de calculer le flux polluant, défini par une mesure de débit, de réaliser un prélèvement et une analyse de l'échantillon. « La mesure de débit en entrée et en sortie de station est d'une grande importance car, combinée aux analyses des prélèvements, elle permet de calculer la quantité de pollution abattue ainsi que de s'assurer du respect des normes en vigueur », détaille Cédric Fagot, responsable du marché eau et environnement d'Endress+Hauser. Le flux polluant étant à la base de l'établissement des primes à l'épuration, les exploitants de sites utilisent en général les débitmètres électromagnétiques, avec certificat d'étalonnage, pour des critères de précision. Dans le département de la Loire-Atlantique, la nouvelle unité de dépollution des eaux de la ville de Pornic (50 000 EH), est en cours de finalisation par Vinci Construction France. Elle sera dotée de quatre débitmètres électromagnétiques sur les canalisations d'arrivée. À l'inverse, les autorités comme les Drire et les Satese, qui sont plus conservatrices, auront tendance à recommander l'utilisation d'organes déprimogènes de type Venturi, moins précis mais qu'ils estiment plus simples à contrôler.
La démocratisation de la technologie électromagnétique s'est également faite dans le domaine des réseaux de distribution d'eau potable. Sur le réseau contrôlé par Eau de Paris, les débitmètres électromagnétiques à manchette ont progressivement remplacé les organes déprimogènes, encore présents à un très faible pourcentage. Ils assurent des fonctions de régulation, de détection de fuites et de calcul des rendements de réseaux et de sous-réseaux. Afin de répondre aux problématiques posées par le manque d'alimentation électrique pour des conduites isolées, ABB a été le premier fabricant à proposer une version de débitmètre autonome. Alimenté par une batterie, l'AquaMaster transmet ses données via GSM ou SMS, ce qui permet notamment de réduire les coûts associés à la collecte et à l'exploitation traditionnelle des informations.
QUINZE ANS D'AUTONOMIE
Après avoir connu quelques problèmes de fabrication, Krohne commercialise de nouveau le Waterflux, qui se distingue par une grande autonomie (jusqu'à quinze ans). L'appareil présente aussi l'originalité d'être constitué d'un corps en aluminium de forme rectangulaire qui améliore le profil d'écoulement. Cette spécificité facilite la pose de l'appareil, car le nombre de longueurs droites nécessaires en amont n'est plus que de cinq au lieu de trois.
Qu'ils soient alimentés par batterie ou branchés sur le secteur, les débitmètres électromagnétiques sont étalonnés individuellement sur un banc avant leur installation. Ils offrent ainsi une grande précision et une fiabilité de mesure qui peut désormais être compatible avec des applications de comptage et de facturation.
En France, la loi de 1972 imposait pour ce type d'opération l'utilisation de compteurs mécaniques, alors que d'autres pays, comme l'Angleterre ou l'Allemagne, autorisaient l'emploi des technologies électroniques à condition qu'elles soient certifiées OIML. Adoptée en 2006, la réglementation MID (Measurement Instrument Directive) n'est plus centrée sur les principes de mesure, mais sur les résultats ; elle a donc ouvert le champ des transactions commerciales aux débitmètres électromagnétiques. Sur le réseau d'Île-de-France géré par Eau de Paris, 34 débitmètres électromagnétiques servent ainsi à la facturation. Les enjeux financiers étant forts, ces appareils sont réétalonnés chaque année pour éviter les imprécisions de mesure. La facturation concerne également les stations de production d'eau potable. « En sortie de station d'eau potable, l'installation de deux débitmètres électromagnétiques montés en parallèle est généralement conseillée pour un meilleur contrôle de la mesure. De plus, en cas d'étalonnage ou de problèmes techniques, un débitmètre est toujours disponible », précise Eddie Walbrou, ingénieur en instrumentation pour Veolia Water Systems. D'autres dispositifs électroniques de mesure de débit comme l'ultrason sont également certifiés OIML et peuvent offrir une alternative à l'électromagnétique sous certaines conditions.
Adapté à la plupart des applications de l'eau, la technique électromagnétique n'est pourtant pas installée à chaque point de mesure de débit. Certaines conditions et contraintes, comme l'absence de conductivité pour un fluide, poussent les utilisateurs à chercher d'autres solutions. Jouissant d'une bonne croissance depuis cinq ans, la technologie ultrasonique, à effet Doppler ou à temps de transit, se positionne comme la seule véritable alternative. Elle est utilisable sur n'importe quel diamètre de canalisation et couvre une large gamme d'applications. Dans sa version à manchette, elle offre une précision identique, voire supérieure, à la technologie électromagnétique. Tant attendu par certains fabricants, son développement reste freiné par le coût d'acquisition de l'appareil. Mais, grâce à un prix relativement constant et indépendant du diamètre de la conduite, la mesure par ultrasons peut réellement devenir compétitive. En effet, plus le diamètre de la conduite est important, plus le coût du débitmètre électromagnétique sera onéreux en raison des matériaux utilisés comme la bobine ou les brides. « À partir d'un DN 600, le coût est relativement identique entre un débitmètre électromagnétique et un débitmètre ultrasonique intrusif. Il faut donc étudier la question et évaluer les avantages apportés par le second principe de mesure », estime Cédric Fagot.
La version non intrusive des débitmètres à ultrasons présente, quant à elle, un avantage notable aux yeux des exploitants : sa facilité d'installation. Au contraire d'un appareil électromagnétique qui est en général inséré de façon intrusive, l'ultrasonique peut être placé à l'extérieur de la conduite. Mis en place à l'aide d'un collier de serrage, ce système de mesure ne nécessite pas l'arrêt du process. Il peut être ainsi directement installé sur une conduite en charge en un peu moins de 30 minutes. De plus, le fait de ne pas couper ou percer la canalisation évite le risque de fuite ou de contamination.
LA CONCURRENCE DES ULTRASONS
D'un point de vue de la précision, la technologie ultrasonique a fait de réels efforts et concurrence désormais l'hégémonie de l'électromagnétique. Désormais, les fabricants proposent des instruments non intrusifs ayant une précision comprise entre 1 et 3 %. Mais cette exactitude de mesure est dépendante de la qualité de la pose de l'appareil. Si le professionnel ne positionne pas bien les capteurs sur la paroi de la conduite, la mesure peut être faussée. Par ailleurs, l'utilisateur, avant de choisir le principe des ultrasons, devra effectuer plus de vérifications au niveau de son process. « Pour pouvoir correctement paramétrer ce type d'instruments, il faut connaître la vitesse du son dans la canalisation. Cette caractéristique étant dépendante de la nature et de l'épaisseur des différentes couches qui constituent les conduites », explique Cédric Fagot. Dans le liquide, la présence de bulles d'air, de mousses ou de particules solides aura également un impact sur l'exactitude de la mesure. L'utilisation d'un débitmètre à ultrasons se révèle donc difficile pour des applications touchant des eaux très chargées, au risque de fausser les valeurs.
Par ailleurs, ce système de fixation non intrusive permet au débitmètre à ultrasons d'être également considéré comme un bon outil de diagnostic. Des versions portables telles que le Prosonic Flow d'Endress+Hauser ou l'UFM 610 de Krohne, offrent la possibilité de réaliser un contrôle ponctuel et de rechercher la présence de fuites sur le process. Lors des campagnes de mesure, ces débitmètres portables aident aussi à vérifier les instruments déjà en place. « Si la mesure de débit d'un appareil électronique se révèle douteuse, l'exploitant peut placer un débitmètre à ultrasons et ainsi comparer le volume qui transite », conclut David Cohen, directeur d'Engineering Mesures. Soumis à des facteurs externes comme les conditions extérieures ou l'amplitude de températures, les capteurs des instruments peuvent dériver au bout de quelques années d'utilisation. L'étalonnage de ces appareils, qui demandent par ailleurs très peu de maintenance, présente un autre avantage non négligeable. Dans sa version non intrusive, la vérification des paramètres se fait en effet directement sur site, par l'exploitant ou par un installateur. Alors que, pour un débitmètre électromagnétique, cette opération nécessite l'usage d'un banc qui certifie sa précision. « L'étalonnage d'un système électromagnétique est une opération très lourde et coûteuse qui oblige l'exploitant à arrêter le process dans certains cas. Pourtant, elle reste peu prise en compte par les utilisateurs dans le choix de leur appareil », appuie David Cohen. Ces avantages font de la technologie ultrasonique une excellente concurrente aux débitmètres électromagnétiques. D'autant que leur développement sur le marché aura pour incidence de baisser leur prix de fabrication et donc leur coût.
TECHNOLOGIES
ALTERNATIVES
D'autres technologies, qui sont de plus en plus précises, arrivent également à se développer ou à se maintenir sur le secteur de l'eau. Peu utilisé pour les liquides, le débitmètre vortex est fréquemment rencontré pour la mesure de vapeur ou de biogaz dans les centres de traitement des boues. Quant à la mesure de concentration des boues, elle peut être faite par le débitmètre Coriolis : en fournissant la mesure du débit et de la masse volumique en une fois, ce dispositif facilite les dosages et contrôle le process en amont. Autre solution toujours utilisée dans les stations de traitement des eaux : les organes déprimogènes de type Venturi. Ils peuvent être livrés en un seul bloc et préétalonnés en usine, ce qui assure la fiabilité de la mesure. Associés à un capteur ultrasonique ou à une sonde piézorésistive, ces organes déprimogènes se développent aussi sur les réseaux d'assainissement, car ils permettent de répondre aux exigences de la législation sur l'autosurveillance.