C'est une longue route sur laquelle se sont engagés les organisateurs du prochain Forum mondial de l'eau, qui se tiendra en 2012 à Marseille. « Cette route passe, dès maintenant, par des "dialogues grenelliens" locaux, dans les pays volontaires, puis au niveau régional l'année prochaine et au niveau mondial, enfin, en 2012 », a expliqué Chantal Jouanno, secrétaire d'État à l'Écologie, le 3 juin dernier. L'objectif est clair : réussir avec le modèle du Grenelle là où le Conseil mondial de l'eau a échoué, lui qui est régulièrement confronté à des critiques sur la mainmise des entreprises privées ou le manque de liens entre les experts de l'eau, d'une part, et la société civile et les ONG, d'autre part.
QUATRE COMMISSIONS
Après un lancement officiel au palais de l'Élysée le 2 juin, les travaux de réflexion ont commencé. Ils sont menés à de multiples niveaux et animés par un comité international qui gère tant les aspects matériels qu'intellectuels. Ce comité comprend quatre commissions spécifiques, chargées de mener les travaux à quatre niveaux : thématique, politique, local et régional. Chaque commission est animée par un président de nationalité étrangère et par un vice-président français. En tant que pays organisateur, la France a décidé de mettre en place un comité national « miroir », qui reprend la même structure que le comité international. Signe de l'importance que revêt l'organisation de ce forum, ce comité a été placé sous la responsabilité de Christian Frémond, qui n'est autre que le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy. Il est épaulé par un vice-président délégué, Jean-Michel Severino - qui vient d'être élu président du Partenariat français pour l'eau (PFE) - et par un bon connaisseur du secteur de l'eau, Pierre Roussel, qui sera vice-président coordinateur. Grenelle oblige, ce comité comprend 45 personnes représentant toutes les parties prenantes de la gestion de l'eau : ONG, entreprises, usagers de l'eau, scientifiques, société civile...
BRAINSTORMING
Cette organisation a été présentée par Pierre Roussel lors de la réunion plénière annuelle du Partenariat français pour l'eau, le 8 juillet. Cette journée a donné lieu à un grand brainstorming sur les enjeux de cet événement mondial et sur le sens de l'intitulé de l'édition 2012 : « le forum des solutions ». Comme l'a rappelé Viviane Rofort, directrice exécutive du secrétariat du sixième forum mondial de l'eau, « l'objectif de ce forum n'est pas d'avoir des discussions d'experts, mais plutôt de trouver des solutions et de faire des engagements ».
RETOUR SUR ISTANBUL
Et pour éviter de se retrouver avec « une liste à la Prévert », expression employée par Patrice Lavarde, directeur général de l'Onema et vice-président du processus thématique français, un travail d'identification de 80 cibles réunies dans 15 thèmes va être réalisé. Pour cela, nul besoin de réinventer l'eau chaude : tous les intervenants étaient d'accord sur la nécessité de partir des acquis du précédent forum de l'eau d'Istanbul ainsi que des conclusions et recommandations publiées à l'occasion des multiples événements qui ont eu lieu sur le sujet de l'eau.
« Les solutions, on les connaît. Ce sont les engagements qui peuvent faire changer les choses », a pointé Maurice Bernard, responsable de la division eau et assainissement de l'Agence française de développement. Alors, forum des solutions ou forum des engagements ? Pour Patrice Lavarde, peu importent les mots, sachant que « les solutions engagent. Au final, il faut surtout que ça puisse faire avancer les choses ».
D'autres intervenants ont également appelé à la mise en place d'un suivi des engagements pris durant le forum, mais aussi après le forum. Notamment en amenant ces conclusions sur la table des discussions entre chefs d'État lors des sommets du G8, G20, et à l'occasion de la conférence de Rio à venir en 2012 (post-Copenhague). Mais il ne faut pas pour autant que dans ce jeu subtil des relations diplomatiques, le rôle des collectivités locales soit négligé, comme ce fut le cas lors de la précédente édition du forum de l'eau.
Les conclusions des débats des représentants des collectivités locales n'avaient en effet été reprises qu'en partie dans la déclaration ministérielle d'Istanbul. Henri Begorre, qui portait en tant que maire de Maxéville (Meurthe-et-Moselle) la parole des élus locaux, a rappelé qu'il faudrait que « les ministres, parlementaires et élus locaux travaillent mieux ensemble ».
PLUS DE DIALOGUE
Si la thématique « eau et énergie » avait déjà été développée à Istanbul, le forum de Marseille va offrir une ouverture plus grande aux autres secteurs importants qui sont liés à l'eau : l'agriculture, l'alimentation et la santé. Dans le travail de préparation, il est prévu que des liens soient créés avec les représentants de ces secteurs lors des grands événements nationaux et internationaux, et qu'une réflexion se développe sur l'amélioration du dialogue entre les usagers de l'eau.
Par ailleurs, Philippe Lacoste, directeur adjoint des biens publics mondiaux au ministère des Affaires étrangères et européennes, et qui intervenait avec la casquette du pays organisateur, a tenu à souligner que ce forum serait aussi l'occasion de valoriser le savoir-faire français, « pas uniquement les grands opérateurs, mais aussi la recherche, la gestion locale de l'eau, etc. ». Enfin, Pierre-Allain Roche, le nouveau président de l'Astee, a souligné que le forum permettrait également d'améliorer et de partager les connaissances et qu'il faudrait rapidement mettre en place des moyens pour faire tourner cette machinerie créée pour le forum.