«Nous ne voulons plus dépendre des conditions météorologiques pour notre approvisionnement en eau », déclare Kyriacos Kyrou, qui dirige le Water Development Departement (WDD), l'organisme étatique qui gère la délicate question de la ressource en eau dans la République de Chypre (1). L'île ne reçoit que 470 mm d'eau de pluie par an, subit régulièrement des sécheresses, et ne possède ni cours d'eau pérenne ni lac.
Les autorités s'orientent donc vers le dessalement pour fournir l'eau potable, et vers la réutilisation des effluents urbains traités pour l'irrigation agricole.
TRAITEMENTS ASSOCIÉS
Avec la station d'épuration de Vathia Gonia, au centre du pays, les six villes principales de la République sont désormais équipées de stations d'épuration allant jusqu'aux traitements tertiaires.
L'usine de Vathia Gonia recevra les eaux d'une partie de la capitale Nicosie et des villages alentour. Elle a été dimensionnée pour 200 000 EH, extensibles à 400 000 EH. Elle est équipée du procédé AquaRM de Stereau (groupe Saur) : cette entreprise a construit la station et l'exploitera pendant dix ans. AquaRM associe un traitement biologique classique et une filtration par membranes-plaques ; cette étape est suivie d'une désinfection par ultraviolets. Le traitement autorise toutes les formes d'irrigation : goutte-à-goutte ou aspersion, pour les fruits comme pour le fourrage.
STOCKAGE EN HIVER
« L'usine flambant neuve ne fonctionne actuellement qu'à 20 % de sa capacité », explique Bruno Aimard, qui a mené ce projet pour Stereau. Elle reçoit près de 5 000 m3 d'eaux usées par jour : une partie des réseaux doit encore être construite et les particuliers raccordés. L'organisme local responsable de l'assainissement (propriétaire de la nouvelle station), le Sewage Board of Nicosia, est optimiste : il estime que plus de 90 % des particuliers concernés seront raccordés en 2011.
Une fois traitée, l'eau est pour l'instant dirigée vers une lagune proche, qui existait déjà. Elle sert à irriguer les champs alentour - toute l'eau produite sera probablement, à terme, utilisée par les agriculteurs locaux, même si d'autres usages avaient été envisagés. Problème : l'hiver, les agriculteurs n'arrosent pas. Il faudra donc stocker l'eau. Dans des aquifères ? Des risques de colmatage des puits existent à long terme, et les agriculteurs sont réticents, craignant que cela pollue la ressource. Dans de grandes lagunes creusées autour de la station ? Ces options sont explorées par le WDD, qui finance l'investissement et l'exploitation de l'étape tertiaire de traitement, et devient propriétaire de toutes les eaux à la sortie de la station.
Les desseins pour accroître la réutilisation des eaux usées ne s'arrêtent pas là : tous les villages de plus de 2 000 habitants devront d'ici à quelques années s'équiper de stations d'épuration avec traitement tertiaire.
ORGANISME COMMUN
Quant aux eaux du centre-ville de Nicosie, actuellement traitées dans une lagune vieillissante située dans les territoires occupés par les Turcs(1), elles devraient être accueillies dans une nouvelle installation dès 2012. Construite sous l'égide des Nations unies, elle appartiendra aux deux gouvernements de l'île. Les eaux traitées seront réutilisées par les agriculteurs des deux États, les volumes alloués à chaque partie correspondant aux débits d'effluents entrants respectifs. Ce projet pourrait aussi donner vie au premier organisme commun entre les deux gouvernements : un syndicat des eaux.