De nombreuses collectivités sont engagées dans un processus de séparation des eaux pluviales et des eaux usées pour soulager les stations d'épuration et se mettre en conformité avec la loi sur l'eau pour la protection du milieu naturel. La voirie est au centre de ces problématiques, soit parce qu'elle devient un outil de gestion des eaux pluviales, soit parce que des travaux sont nécessaires pour modifier les réseaux existants. Les fournisseurs d'équipements de voirie proposent de nouveaux produits et les collectivités font évoluer leurs services à l'interface entre voirie et assainissement.
RÉSEAUX COMPLETS
« L'évolution la plus marquante, dans notre domaine, c'est la construction des réseaux d'eaux pluviales, alors qu'elle a longtemps été délaissée », rappelle Jean-Pascal Déparrois, directeur général chez Blard, qui propose une gamme d'ouvrages préfabriqués à assembler pour former des réseaux complets. « Cette approche vient se substituer à l'habitude de couler les ouvrages en place qui ne sont parfois pas suffisamment fiables lorsque les pentes des réseaux sont très faibles ou lorsque les réseaux se placent à cheval sous la bordure du caniveau, créant des problèmes d'étanchéité, désormais inacceptables », poursuit-il. Pour répondre aux nouvelles exigences des collectivités, la firme propose depuis 2004 une bouche préfabriquée complète, modulable dans tous les plans de l'espace. Le nouvel équipement a été conçu pour être une solution universelle, adaptable à toutes les situations. Elle peut se placer en plein centre de la voirie, sur le côté, à cheval entre la voirie et le trottoir ou encore sur un rond-point où les efforts sont plus importants. « Les entreprises et les collectivités sont séduites par sa grande modularité. Elle peut s'adapter à tous les types de réseaux, à tous les types de voiries et surtout à toutes les contraintes sur la dimension des fermetures en fonte », souligne Philippe Louet, chef des ventes région Est. Si les fermetures sont normalisées pour les eaux usées, elles ne le sont en effet pas pour les eaux pluviales.
L'installation des équipements doit donc se faire en respectant les indications des fournisseurs, ce qui nécessite une bonne préparation en amont. L'étanchéité ne peut être assurée que si les éléments sont posés avec précision et les constructeurs proposent le plus souvent d'être présents sur les chantiers, afin d'accompagner les entreprises de travaux. « Nous fournissons des notices de montage détaillées et proposons une assistance à la mise en oeuvre car nos interlocuteurs sont habitués à couler en place », indique Betty Barabé, commerciale responsable de l'étude technique et logistique des chantiers chez Blard. Même si des ajustements sont possibles, il est important d'avoir bien réfléchi à l'avance sur le circuit complet du réseau. Le choix des équipements doit également avoir été réfléchi en amont afin de savoir quel type de grille est nécessaire, s'il faut prévoir un décanteur et s'il doit comporter une cloison siphoïde. « On passe beaucoup de temps à réfléchir avant, mais une fois le chantier lancé, tout se passe très rapidement car il n'est pas nécessaire de prévoir des temps de pause pour que le béton prenne », souligne Jean-Pascal Déparrois. D'autres préoccupations peuvent également conduire les collectivités à faire ce type de choix. Depuis la loi sur l'eau, la ville de Compiègne prête ainsi une attention particulière à l'étanchéité de ses réseaux, qui restent majoritairement unitaires. « La question des odeurs est également entrée en jeu car les anciens avaloirs, reliés directement au réseau unitaire, étaient une source de nuisances olfactives importantes », indique Frédéric Minetto, contrôleur de travaux à la ville de Compiègne. La collectivité a donc choisi la nouvelle bouche Delta de chez Blard équipée d'une cloison siphoïde pour bloquer les odeurs et dont les joints assurent l'étanchéité du réseau. La compacité du système s'est aussi révélée utile dans un environnement où le bâti est très dense.
SÉPARATION
La tendance actuelle repose donc essentiellement sur la simple séparation des réseaux, même si les techniques alternatives, visant à restituer l'eau de pluie au milieu naturel au plus près de sa source, se développent peu à peu. « La séparation des eaux pluviales et des eaux usées n'a pas eu d'impact notable sur les équipements de voirie comme les avaloirs, mais a évidemment multiplié le nombre de regards de visite au niveau des collecteurs et leur emprise sur la voirie », souligne Lionel Monfront, responsable du pôle réseau et ville durable au Centre d'études et de recherches de l'industrie du béton ( Cerib).
L'utilisation d'enrobés poreux au-dessus de chaussées réservoirs est une solution pour réduire le nombre d'annexes de voirie : il n'y a plus de bouches d'égout et, si l'infiltration directe est possible, pas de réseau pluvial non plus.
MAINTENANCE
« Tout est géré par la structure réservoir et les enrobés, et il n'y a plus de circulation horizontale de l'eau », rappelle Jean-Jacques Hérin, président de l'Association douaisienne pour la promotion de techniques alternatives ( Adopta). La maintenance se concentre ainsi uniquement sur les enrobés, qui peuvent nécessiter des opérations de décolmatage. À l'heure actuelle, les engins utilisés pour les enrobés poreux sont semblables à ceux qui sont utilisés sur les autoroutes pour nettoyer les enrobés drainants, même si le colmatage y est différent car l'eau y circule horizontalement. « Ils fonctionnent un peu comme une balayeuse de voirie : ils envoient de l'eau chaude à très haute pression, qui est aspirée juste derrière, ce qui permet de déloger les matières coincées dans les pores de l'enrobé », précise Jean-Jacques Hérin. La fréquence de ces opérations dépend de l'usage de la voirie et doit être évaluée pour chaque zone de chaussée. « Dans le Douaisis, nous n'avons été amenés à le faire qu'une seule fois, à la suite d'un chantier qui avait beaucoup sali la chaussée. D'un autre côté, la chaussée absorbante la plus vieille, qui a quinze ans, n'a jamais nécessité de décolmatage », indique-t-il.
PROCÉDURE
Au niveau des travaux éventuels, il est important que, lorsque les concessionnaires interviennent, ils sachent qu'il ne s'agit pas d'une voirie classique. La procédure des DICT permet aux informations de circuler entre les intervenants et les opérateurs doivent pouvoir restituer une chaussée à l'identique après intervention sur les réseaux. « En réalité, il serait trop coûteux et peu pratique de se procurer une toute petite quantité d'enrobé poreux pour quelques mètres carrés, qui ne remettent pas en question la capacité d'absorption de la chaussée. Lorsque la surface n'est pas très importante, nous demandons aux concessionnaires d'utiliser un enrobé normal, que nous remplaçons nous-mêmes lors d'une intervention plus importante avec de l'enrobé poreux », souligne Jean-Jacques Hérin. L'utilisation de pavés poreux permet de contourner cette difficulté. « Ce type de revêtement est souvent utilisé pour une infiltration directe, sur des grandes surfaces comme des parkings, pour éviter de restituer les eaux pluviales au réseau », précise Lionel Monfront. Ces pavés béton, poreux ou perméables, sont le plus souvent posés avec des joints larges, spécialement conçus pour laisser passer l'eau, et qui permettent de moduler leur capacité d'absorption.
Leur mise en oeuvre est semblable à celle des pavés classiques et ne nécessite pas de formation particulière. Ils sont en effet posés sur un simple lit de sable. « Les pavés ont l'avantage de ne pas nécessiter de temps de pause, ce qui est intéressant lors des interventions ponctuelles. Sur la durée de vie d'une voirie, en moyenne de vingt-cinq ans, une surface allant jusqu'à un tiers devra être remplacée et les pavés facilitent ce renouvellement, sans en modifier l'aspect », précise Lionel Monfront.
Les chaussées réservoir avec enrobé classique sont cependant plus répandues. Elles sont destinées à retenir les eaux de pluie là où elles tombent afin de réguler leur passage dans le réseau ou pour les infiltrer directement dans le sol. Les bouches d'injection, qui permettent d'envoyer l'eau sous la chaussée, doivent dans ce cas être équipées d'un système de filtre afin d'éviter que la structure poreuse qui constitue le réservoir ne se colmate trop vite.
Le Douaisis a lancé, il y a quinze ans, des filtres conçus pour cet usage dont l'entretien est semblable à celui des bouches d'égout, sous la responsabilité des services d'assainissement. « Pour les gestionnaires d'accessoires de voirie, il suffit de savoir précisément où se trouvent les bouches d'injection et qu'il ne s'agit pas de bouches d'égout. Deux passages par an suffisent : l'un pour nettoyer le filtre, l'autre pour le changer », souligne Jean-Jacques Hérin.
ÉVOLUTIONS
Pour les interventions sur la chaussée réservoir elle-même, les entreprises remettent simplement en place les matériaux qu'elles ont dû déplacer. Chez Saint-Gobain Pam, des solutions nouvelles peuvent être développées pour répondre aux évolutions de la gestion des eaux pluviales : « On nous a par exemple demandé de concevoir des grilles d'absorption pour récupérer les eaux pluviales, dans des zones de trafic particulièrement lourd », indique Xavier Dubernat, directeur régional.
Lorsque les eaux pluviales sont gérées par des espaces annexes, comme des noues végétalisées, la conception de la voirie elle-même n'est pas modifiée. Lorsque des tranchées drainantes sont mises en place, elles sont parfois alimentées par des ouvrages semblables aux bouches d'injection, qui doivent être entretenues comme celles qui se trouvent sur la voirie.
D'autre part, le renouveau des tramways modifie un peu la conception de la voirie et des structures d'assainissement qui y sont associées. Il n'existe d'ailleurs que peu d'équipements développés spécifiquement pour les voiries permettant le passage des trams : les réseaux, les avaloirs et bouches diverses sont le plus souvent simplement déportés vers l'extérieur de la voie. Le développement des tramways a cependant ouvert des marchés dans le domaine de la voirie avec de nouvelles contraintes. Dans le Douaisis, la volonté de limiter les surfaces imperméabilisées s'est également appliquée pour la mise en place du tram.
« Nous avons en outre proposé aux collectivités d'en profiter pour déconnecter une partie du réseau pluvial, avec notre aide », raconte Jean-Jacques Hérin. L'installation des voies de tram nécessite par ailleurs souvent des travaux d'importance et les collectivités attachent une importance particulière à la réduction des nuisances. Les produits modulables Blard ont ainsi trouvé une nouvelle opportunité car leur pose est rapide et qu'ils sont peu encombrants, trouvant plus facilement leur place dans un environnement urbanisé où les conditions sont parfois complexes en sous-sol.
La rapidité de pose fait aussi partie des axes de développement chez Saint-Gobain Pam, avec des systèmes qui, grâce à des innovations techniques et à des produits de scellement rapides, permettent d'améliorer la qualité du scellement. « La première exigence de nos clients entreprises est économique, le temps de pose et le temps d'intervention sont donc des éléments essentiels de la performance de nos produits », rappelle Xavier Dubernat.
EFFORT MINIMAL
Les ouvertures sont désormais conçues pour être aisément manipulées et sécurisées. Il existe des systèmes à barreaux élastiques permettant un verrouillage automatique par une simple pression du pied et s'ouvrant par une simple pioche, nécessitant un effort minimal pour les déverrouiller. Les collectivités et les entreprises qui assurent l'exploitation des réseaux sont en effet de plus en plus exigeantes sur les questions de sécurité, notamment au niveau de la manutention. « Il n'existe pas réellement de norme sur la pénibilité liée à l'entretien, mais nous essayons de suivre les recommandations de la Sécurité sociale, qui indique que l'effort à l'ouverture doit être minimisé au maximum », indique-t-il encore. La firme propose de nombreux systèmes, plus élaborés, pour faciliter la manutention des ouvertures plus grandes - comme celles des trappes télécom sur lesquelles il est possible d'adapter des vérins et des systèmes de verrouillage contre le vol - pour éviter que des personnes non autorisées s'introduisent dans les réseaux.
RÉGLEMENTATION
La sécurité des usagers est également prise en compte avec, par exemple, la mise au point de tampon capable de s'ouvrir légèrement lors de la mise en charge des réseaux sous la pression du flux d'eau remontant dans le regard d'accès, et de se repositionner ensuite dans leur cadre à la fin de l'épisode pluvieux, sans être emporté sur la chaussée par ce flux de l'eau. L'évolution de la réglementation favorisant l'accès aux personnes à mobilité réduite a permis de réduire l'écartement des barreaux des grilles d'absorption, sans perte de performance, et d'améliorer la sécurité des usagers : les barreaux sont désormais plus rapprochés pour éviter que les roues des fauteuils des personnes handicapées ne s'y coincent.
NORMES
« L'essentiel des innovations est porté par l'évolution des normes et des contraintes réglementaires. Les collectivités et les entreprises portent leurs attentes sur ces questions. Les marques de qualité, comme la marque NF, ont permis d'améliorer le niveau d'exigence sur certains critères comme la résistance au trafic ou les coefficients de sécurité », précise Xavier Dubernat.Selon lui, les exigences des directeurs techniques sont, par ordre de priorité, la conformité aux normes et règlements, la sécurisation et les contraintes complémentaires liées à l'exploitation comme l'ergonomie.
Les collectivités tiennent également compte de la pérennité de la voirie : les accessoires de voirie doivent garder la meilleure stabilité possible pour une plus grande longévité. « En milieu urbain, la réduction des nuisances sonores est un critère important. Avec l'usure, les ouvertures peuvent se mettre à claquer lorsqu'un véhicule passe et nous avons donc conçu des ouvertures avec des joints en polyéthylene pour éviter le contact métal/métal et augmenter la pérennité de nos produits », souligne Xavier Dubernat. Pour toutes ces évolutions, la transversalité entre les services semble désormais indispensable car les nouveaux modes de gestion des eaux de pluie se placent à l'interface entre voirie, espaces verts, bâtiment ou encore assainissement. « Il faut changer un certain nombre d'habitudes, ajoute-t-il, ce qui n'est jamais simple. Cela nécessite la présence d'un chef d'orchestre convaincu et tenace, qui revienne encore et toujours sur certaines choses car les équipes changent. »
SOLUTIONS
Rien n'est acquis, regrette donc Jean-Jacques Hérin, qui constate cependant que les choses évoluent dans le bon sens, comme le démontre le bilan sur cinq ans, très positif, que le Douaisis a présenté à Novatech. Les solutions efficaces sont donc celles qui ne coûtent pas plus cher, qui peuvent être entretenues avec des moyens habituels ou très légèrement différents que ce soit sur la voirie ou en dessous de celle-ci.