Depuis les années 1990, la plupart des nouvelles usines de traitement de l'eau s'équipent de filtration membranaire. Cette barrière physique efficace présente des pores d'une taille de 5 à 10 nanomètres et doit permettre ainsi de retenir les virus (30 nanomètres) et les bactéries (100 nanomètres). « Ces membranes éliminent aussi les protozoaires (de 10 à 15 microns) qui résistent au chlore et à l'ozone et qui peuvent être responsables de gastro-entérites », précise Corinne Cabassud, chercheuse à l'Insa de Toulouse. Cette technologie membranaire permet aussi de diminuer l'utilisation du chlore.
TESTER LES LIMITES DES MEMBRANES
Cette technologie atteint cependant ses limites en cas d'invasion massive de virus (épidémie), lorsque les installations sont trop vieilles ou lorsque la membrane est abîmée. Cela se produit en cas de dysfonctionnements liés au pH, au chlore ou à des variations de pression trop brutales. « Pour limiter au maximum ce type d'incident, les professionnels testent régulièrement l'efficacité de leurs filtres afin de prendre des mesures correctrices. Mais, jusqu'à présent, les tests existants ne pouvaient être effectués qu'en dehors des systèmes en activité, dans des contextes très simplifiés. Les méthodes actuelles de détection (dénombrement des plages de lyse, PCR quantitative, cytométrie de flux...) sont inadaptées à une application en ligne », explique Corinne Cabassud. En partenariat avec plusieurs laboratoires ( LGC, LAMBI) et des entreprises ( Polymem, Aquasource et Veolia Environnement), l'équipe du Laboratoire d'ingénierie des systèmes biologiques et des procédés ( LISBP, Insa de Toulouse/ Inra/ CNRS) a mis au point de nouveaux tests plus rapides et plus performants pour renforcer cette surveillance.
UN BACTÉRIOPHAGE MS2 COMME TRACEUR
« Nous avons manipulé des virus inoffensifs pour les rendre très réactifs à certains composés chimiques que nous savons mesurer très rapidement. Comme nous sommes certains qu'ils ne présentent pas de danger, nous pouvons les injecter directement dans l'eau et repérer ensuite s'ils traversent ou non les membranes », explique la chercheuse. Ce nouveau substitut, utilisé comme traceur, est un bactériophage MS2 dont les propriétés de surface ont été modifiées. En particulier, ses nouvelles fonctions de surface permettront la détection et la quantification de ce traceur directement en solution. Ces « mimes de virus » permettent de mesurer à quel niveau de détérioration, de température, etc., les virus peuvent traverser la membrane. Ils pourront, à terme, détecter un problème en quelques minutes et comprendre son origine, afin de réagir rapidement et de manière plus adaptée.
Ces travaux ont eu lieu dans le cadre d'un projet ANR Precodd-Pome (protocole de validation objective de procédés membranaires utilisés en production et traitement des eaux) et d'une thèse ANR (2006-2009) soutenue par Laurence Soussan. Ils ont fait l'objet par ailleurs d'un dépôt de brevet international en 2010. Les tests d'essai ont été effectués pour l'instant en laboratoire et sur une installation pilote semi-industrielle qui délivre 100 litres d'eau par heure. Désormais, l'objectif est d'utiliser le système en situation réelle. Pour cela, le LISBP est à la recherche de partenariats industriels.