Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage... Être mécontent de l'abandon par les services de l'État des missions d'ingénierie publique est une chose ; accuser l'ingénierie privée d'incompétence en est une autre. Il n'y a pas de risque de perte de compétence technique ; l'ingénierie privée existe, en nombre et en qualification suffisante. Par contre, il est clair que la commune devra travailler dans le respect du Code des marchés publics. Peut-être que le montant des dépenses envisagées ne sera plus compatible avec leurs moyens ; il faudra probablement privilégier les intercommunalités.
Il est inexact d'écrire que l'ingénierie privée coûte plus cher pour deux raisons :
- L'ingénierie publique est rémunérée par les impôts et n'a pas les mêmes frais.
- Les taux de maîtrise d'oeuvre privée retenus aujourd'hui sont souvent moins élevés que ceux pratiqués par l'ingénierie publique.
La comparaison est choquante et l'exigence de rentabilité de l'ingénierie privée est trop souvent méconnue par les maîtres d'ouvrage qui achètent un prix et sont ensuite surpris d'en avoir pour le prix.
Il faut repenser la mise en concurrence en restant intransigeant sur le but final : un bel ouvrage qui demande à tous les intervenants d'être des bons professionnels rémunérés au juste prix.
La CICF a engagé un tour de France pour expliquer ce qu'est une juste rémunération de l'ingénierie. Nos clients ne peuvent ignorer nos difficultés économiques. Si leur objectif est d'acheter toujours moins cher, s'ils refusent de payer le juste prix, alors ils ouvrent la porte à la baisse de qualité, à des malfaçons futures... L'élu a le devoir du bon usage de l'argent public ; pas de sous-payer sa maîtrise d'oeuvre, ni ses entreprises.
Un bon bureau d'études maîtrise d'oeuvre assure également le conseil amont, même si parfois on lui rétorque qu'il le fait pour obtenir des honoraires supplémentaires...
Peut-on reprocher à la maîtrise d'oeuvre privée de ne pas être "la mémoire des opérations et de tous les chantiers de la collectivité" lorsque, pour des raisons budgétaires, les collectivités ne réalisent plus d'opérations globales et que, pour chaque tranche, il y a consultation de maîtrise d'oeuvre en retenant à chaque fois des bureaux différents (très souvent le moins-disant). De plus, n'accuserait-on pas de favoritisme une collectivité qui prendrait régulièrement le même bureau privé ?
La polémique n'étant pas utile, il est souhaitable de travailler ensemble, dans une réflexion plus large, nous avons tous à y gagner. Nous sommes à votre écoute si vous souhaitez échanger avec nous plus longuement sur ce sujet.
Thierry Gaxieu, président de la Chambre de l'ingénierie et du conseil de France ( CICF) Infrastructures et Environnement, et Edmond Deltour, vice président chargé de la concurrence et président de la commission concurrence de la CICF.