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EAU

Le génie écologique en pleine effervescence

LA RÉDACTION, LE 1er AVRIL 2011
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La directive-cadre sur l'eau a mis en évidence l'importance de la structure physique des rivières : c'est de notre capacité collective à engager des chantiers significatifs de restauration d'habitats, de retour à une hydromorphologie plus naturelle des cours d'eau, de restitution de zones de mobilité, de suppression d'obstacles à la circulation, que dépendra l'atteinte de l'objectif de bon état écologique. Avec les premiers retours d'expérience, on a pu mesurer à quel point ces modes de fonctionnement naturel des écosystèmes aquatiques sont vertueux. Un milieu qui fonctionne bien, ce n'est en effet pas seulement des diatomées ou des poissons : c'est une meilleure qualité de l'eau (restauration de mécanismes autoépuratoires), une régulation hydraulique naturelle (réduction des impacts des crues par la restauration de capacités de rétention des eaux), des services culturels, patrimoniaux, récréatifs et d'agrément dont la valeur économique est mesurable. UNE LENTE PRISE DE CONSCIENCE Après avoir constaté que, faute de maîtres d'ouvrage volontaires, elles n'arrivaient pas à consommer les lignes budgétaires dédiées à la restauration physique des milieux aquatiques, les agences de l'eau ont choisi de s'appuyer sur ces « services écologiques » pour convaincre. L'amélioration du compartiment biologique, et en particulier piscicole, de la rivière réjouit en effet les pêcheurs et les naturalistes, mais a du mal à rencontrer les préoccupations des élus. Les agences se sont donc efforcées de rendre lisibles les enjeux de territoire et les opportunités socio-économiques qui se cachent derrière les opérations de restauration des milieux. En 2011, ce travail de fond mené auprès des chargés de mission rivières et des élus, paie enfin : le nombre de projets de restauration est en sensible augmentation. « Il est clair que l'on n'a jamais eu autant de sollicitations sur les sujets de restauration physique, reméandrage de cours d'eau, arasement d'ouvrages, etc. Biotec en reçoit au moins trois par mois, ce qui est considérable », témoigne Nicolas Debiais, gérant associé du cabinet Biotec. Il faut dire que d'autres éléments contribuent à rendre le contexte favorable. Il en est ainsi du renouvellement des concessions hydroélectriques (les candidats, jugés sur la qualité environnementale du projet, doivent soigner la protection des milieux aquatiques et la compensation écologique), et des nouveaux projets d'infrastructures autoroutières (autorisés sous conditions dans le cadre du Grenelle). De plus, dans la perspective de la trame bleue, des objectifs clairs ont été fixés en matière de restauration de la libre circulation des espèces migratrices et des sédiments. Le Plan national de continuité écologique des cours d'eau a conduit à définir une liste de priorités d'intervention sur les quelque 60 000 ouvrages faisant obstacle à l'écoulement : 1 200 doivent être aménagés ou effacés d'ici à 2012. LA DYNAMIQUE POSITIVE EN ACTION « Les acteurs, collectivités, syndicats de rivière, producteurs d'énergie hydroélectrique se mettent en mouvement », témoigne Laurent Bourdin, expert milieux aquatiques à l'Unité de la ressource en eau et des pollutions diffuses de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse (RM&C). Sur le bassin RM&C, cette année, l'agence aide à restaurer la continuité écologique autour de 53 ouvrages, soit une augmentation faramineuse au regard des années précédentes. L'essentiel de ces opérations concerne des passes à poissons, mais il y a 20 % d'effacement d'ouvrages. « La dynamique positive que l'on constate aujourd'hui sur ces thématiques de restauration peut être rapprochée de ce qui s'est passé au début des années 1980 pour l'assainissement, estime l'expert. La tendance ne s'infléchira pas : dans les nouveaux contrats de rivière, de très belles opérations se préparent. » Certes, seule la première marche a été franchie : les opérations réalisées, ou sur le point de s'engager, ne se comptent pas par centaines. « Mais il ne fait aucun doute que la demande s'emballe, en nombre de projets et en termes d'interlocuteurs. Il y a quelques années, Biotec ne travaillait que pour des collectivités, alors qu'aujourd'hui 50 % de notre activité est effectuée auprès d'EDF, de grands entreprises comme Lyonnaise des eaux et des sociétés autoroutières », souligne Nicolas Debiais.La question est de savoir si tous ces maîtres d'ouvrage vont pouvoir trouver, en face d'eux, des professionnels compétents et expérimentés sur lesquels s'appuyer pour mener à bien leur projet. Les opérations de restauration des milieux aquatiques s'appuient en effet sur des principes de synergie avec les processus naturels, qu'il s'agit de reconstituer, de favoriser ou d'amplifier : elles nécessitent la réunion de disciplines et de techniques pointues et hétérogènes. Pour bien comprendre, on peut reprendre les niveaux d'ambition des restaurations que Jean-René Malavoi utilise dans son rapport sur les retours d'expérience d'opérations menées sur le bassin RM&C. Le niveau R1 correspond à des aménagements qui ne reconstituent qu'un seul compartiment de l'hydrosystème, en l'occurrence souvent piscicole (reconstitution d'habitats ou diversification des écoulements dans l'emprise du lit mineur). Les techniques requises relèvent principalement du génie biologique, ou du génie mixte. En revanche, les niveaux R2 et R3 visent la restauration plus ou moins complète du fonctionnement autonome de la rivière, en traitant la cause de la dégradation et non ses conséquences visibles. Cela implique de lever les contraintes pesant sur le fonctionnement du cours d'eau, en travaillant notamment à redonner de l'espace de fonctionnalité ou de liberté au cours d'eau. L'objectif est l'amélioration de tous les compartiments aquatiques et rivulaires et la remise en route des processus spontanés de l'écosystème. Pour ces opérations R2 et R3, à côté des experts en génie biologique, il faut d'autres spécialistes : naturalistes, hydraulique fluviale, géomorphologie fluviale, expertise juridique et foncière, etc. « À ce niveau, il faut aussi une approche spatiale des projets. Araser un seuil, travailler sur des espaces de mobilité sont de véritables actes d'aménagement du territoire ayant des conséquences sur tous les riverains et usagers du cours d'eau. Cela implique un couplage de l'ingénierie technique avec une ingénierie de territoire, en prenant même en compte une dimension sociologique, capitale pour l'acceptation et l'appropriation du projet », estime Laurent Bourdin. UN PANORAMA HÉTÉROGÈNE DE PRESTATAIRES Parmi les bureaux d'études spécialisés, plusieurs jouissent d'une excellente réputation dans leur domaine. C'est le cas de Biotec et de Synbio, en matière de génie biologique, du cabinet Dynamique Hydro sur la géomorphologie fluviale (lesquels s'allie souvent à Hydrétudes, spécialiste de l'hydraulique, pour répondre aux appels d'offres)... Problème : le nombre de ces cabinets spécialisés hyperpointus est limité, ils sont une vingtaine à peine à s'être fait une réputation en France, et leur taille est petite. « Nous avons fait le choix de rester un petit effectif, ce qui veut dire que l'on ne répond pas à toutes les sollicitations. On priorise les projets à forte valeur ajoutée », confie Nicolas Debiais. De grands bureaux d'études génériques interviennent également en restauration physique : partant de leur coeur de métier, généralement plutôt hydraulique, ils se sont adjoint des compétences. Sogreah dispose ainsi d'une équipe honorablement connue, très compétente sur les espaces de mobilité, qui commence à intégrer un sociologue dans ses offres. L'équipe Burgeap, qui a travaillé par le passé sur la restauration du Vistre et intervient aujourd'hui sur celle du Guiers, est réputée en matière de transit sédimentaire et pour ses lectures croisées des thématiques. L'équipe Ginger Environnement et Infrastructures est jugée particulièrement forte en matière de conception d'ouvrages de franchissement. Ce petit panorama n'a rien d'exhaustif. Il existe quantité d'autres structures, dont beaucoup bénéficient d'une reconnaissance à échelle locale. En particulier en ce qui concerne les entreprises de travaux. Le savoir-faire existe donc, mais il est morcelé, dispersé, pas organisé et surtout peu identifiable. Autre difficulté : ce marché porteur commence à connaître des phénomènes opportunistes. « Il suffit d'arpenter les couloirs de Pollutec ou d'un salon du paysage pour constater la multiplication des produits et services estampillés "génie biologique ", "génie écologique ", "restauration des milieux aquatiques ", en particulier des produits préfabriqués qu'à titre personnel je réprouve », précise Nicolas Debiais. PLUSIEURS INITIATIVES POUR STRUCTURER LA FILIÈRE Dans ce contexte, les questions fusent sur la structuration de l'activité. Comment démultiplier ces compétences et ce savoir-faire, tout en conservant la qualité ? Comment doit-on faire évoluer les formations pour produire des diplômés capables, demain, de mener les projets ? Plusieurs initiatives sont engagées pour tenter de répondre à ces enjeux. La première vient du ministère de l'Écologie qui, dans le cadre de la promotion des filières de l'économie verte, prépare un plan d'action pour soutenir le développement du « génie écologique ». Il a réuni, dans un groupe de travail, un ensemble hétérogène d'acteurs, scientifiques ou professionnels, mettant en oeuvre des concepts et techniques utilisant le vivant et les processus naturels. Les approches de restauration des milieux aquatiques rentrent dans ce champ. « La priorité du ministère est de faire émerger une terminologie qui permettra de clarifier un peu cette notion de génie écologique, et de mieux repérer qui fait quoi dans cette nébuleuse restant pour l'instant assez peu lisible », note Véronique Nicolas, chargée de mission ingénierie écologique à la direction de l'action scientifique de l'Onema. La deuxième initiative est un projet de norme Afnor (« Génie écologique en zones humides et cours d'eau ») portant sur une méthodologie de conduite de projet appliquée à la préservation des habitats naturels. Son élaboration a lieu sous la présidence de Patrice Valentin, fondateur de Dervenn, société d'études et de travaux en matière de protection de la biodiversité, et promoteur d'un concept et d'une définition du génie écologique qui n'est pas forcément consensuelle. « L'ambition est de fournir un cadre de référence pour la pratique des métiers du génie écologique, notamment dans le cadre des appels d'offres », analyse Véronique Nicolas. UN PONT ENTRE ACTEURS ET TRAVAUX DE RECHERCHE La dernière initiative, lancée par l'Astee, s'intéresse à une dimension plus opérationnelle de l'ingénierie écologique, et cherche à faire un pont entre acteurs professionnels et travaux de recherche. En cela, elle rejoint le rôle des pôles de compétitivité sur l'eau, deux d'entre eux - Dream en Région Centre et Hydreos en Alsace-Lorraine - étant mobilisés sur ces questions de restauration de milieux aquatiques et d'ingénierie écologique. « Pour aider la filière à avancer, le premier enjeu consiste en une mise en visibilité, confirme Georges Pottecher, directeur d'Hydreos. Les initiatives précitées constituent un premier levier, mais il faudrait une revue professionnelle, des événements, des forums, pour faire vivre une communauté opérationnelle. D'autres enjeux concernent le lien recherche/entreprises, ainsi qu'un déficit d'acteurs sur la fourniture végétale par exemple : ce sont des sujets sur lesquels le pôle se positionne naturellement. Il faudra également arriver à faire émerger un cadre plus adapté : pour les marchés (cahiers des charges types spécifiques à la partie génie écologique d'un chantier), pour le foncier, pour le financement sur le long terme de l'entretien des zones traitées. Et enfin, un gros enjeu de formation se profile, car on va manquer de certaines compétences très ciblées. » L'adéquation de l'offre de formation, et les besoins réels de recrutement des maîtres d'ouvrage et entreprises concernés par la restauration des milieux aquatiques, sont aujourd'hui mal cernés. L'Onema prévoit d'engager d'ici à la fin de l'année une réflexion sur le sujet. « La difficulté est que tant qu'il n'y aura pas de filière d'activité structurée et bien identifiée, il n'y aura pas de formations vraiment adaptées, et inversement. Il faut structurer les deux en parallèle », conclut Daniel Villessot, président du pôle Dream. Bien évidemment, la qualité de la maîtrise d'ouvrage a aussi un rôle important à jouer dans la structuration de la filière. Pour s'entourer de professionnels compétents, le maître d'ouvrage a intérêt à privilégier des marchés allotis pour les aspects exigeant des compétences très spécifiques, à préparer de solides cahiers des charges et des prescriptions techniques claires. Il doit aussi évidemment choisir le mieux-disant. Il s'agira de soigner le choix de l'assistant à maîtrise d'ouvrage (AMO) et du maître d'oeuvre, pièces maîtresses du projet. « Les structures de gestion doivent clairement indiquer dans le cahier des charges la nature de l'accompagnement qu'elles attendent. Un vrai AMO doit faire émerger une vision stratégique multidimensionnelle », note Laurent Bourdin. DES PRESTATAIRES AGUERRIS « Il est important de choisir un bureau d'étude qui a bien compris la question posée, et notamment la finalité du projet (paysagère, DCE, etc.), conseille de son côté Renaud Jalinoux, directeur du Comité intersyndical pour l'assainissement du lac du Bourget ( Cisalb). Il faut aussi souligner qu'en milieu urbain, il s'agira de sélectionner des prestataires, maître d'oeuvre et entreprise, aguerris dans la gestion d'une multitude de problématiques (inondations, réseaux, problèmes d'usages, etc.). En revanche, il n'est pas indispensable que l'entreprise soit expérimentée en matière de techniques de restauration, pourvu qu'elle soit motivée et bien encadrée sur le chantier. » Le rôle d'échanges et de retour d'expérience doit permettre la mutualisation entre maîtres d'ouvrage, sur tous ces aspects de préparation des opérations de restauration. Dernier point, concernant le contenu des projets : il faut changer d'échelle, sortir des opérations expérimentales, aller vers des projets à véritable valeur ajoutée. Cela implique de mieux définir le niveau d'ambition et la finalité des opérations (piscicole, paysagère, touristique...), de dépasser un « seuil d'efficacité technique » entraînant un effet notable sur la qualité morphologique et écologique de la portion de cours d'eau en jeu, et de développer d'une lecture « bassin versant » des opérations. « Il faut aussi bien vérifier le ratio montant investi sur gain écologique attendu avant de se lancer », ajoute Renaud Jalinoux. Bref, privilégier l'efficacité, sans oublier de vérifier a posteriori la bonne réponse du milieu en organisant un suivi.


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