U ne boue déshydratée possède un pourcentage massique de matière sèche (siccité) d'environ 20 ou 30 %. Sous cette forme, la boue issue des eaux usées urbaines est moins volumineuse, moins lourde, plus facile à sto cker, à transporter et à valoriser. Pour extraire l'eau de la matière sèche, différentes techniques existent, des plus rustiques aux plus technologiques. En sortie de filière eau, les boues fraîches dont la siccité varie entre 0,4 et 1 % sont parfois épaissies pour atteindre jusqu'à environ 6 % de siccité. « Cela suffit pour certaines Step de moins de 5 000 EH qui choisissent, par exemple, d'é pandre les boues li quides, malgré les coûts élevés dus au transport », explique Christelle Métral, responsable marketing développement France chez Degrémont . L'épaississement est aussi nécessaire avant d'envoyer les boues vers un digesteur, qui produit du biogaz. C'est ensuite qu'intervient la phase de déshydratation à proprement parler. Plus les boues sont déshydratées, plus elles seront faciles à stocker et à éliminer : en limitant les volumes transportés pour valorisation en épandage agricole et en améliorant l'efficacité du séchage ou de l'incinération. Le type de procédé de déshydratation des boues dépend donc avant tout de leur destination finale. Si elles sont éliminées en centre d'enfouissement technique, un seuil minimal de 30 % de siccité est imposé. « Par contre, dans le cas du compostage, 20 % de siccité suffisent généralement », déclare Valéry Geaugey, responsable traitement des eaux usées et boues chez Stereau.
« Aujourd'hui, les centrifugeuses
sont majoritaires quelle que soit la taille des stations », estime Valéry Geau-gey. Celles-ci sont compo sées d'une vis convoyeuse située à l'intérieur d'un « bol » en rotation, qui assure la séparation de l'eau par force centrifuge. « La centrifugeuse Aldec fonctionne à contrecourant, ce qui permet d'avoir une longueur dédiée à la clarification plus importante et donc d'obtenir un centrat de meilleure qualité », considère Pierre-Yves Melchior, responsable marché chez Alfa Laval. La centrifugeuse fonctionne en continu et, automatique, ne nécessite pas de main-d'œuvre. Mais elle est assez énergivore et le remplacement des pièces peut être coûteux. « Les clients peuvent prendre un contrat de maintenance sur mesure, ajoute-t-il, la centrifugeuse permet d'atteindre des siccités de 35-38 % pour certains types de boues. »
Mais pour Éric Guibelin, expert à la direction technique chez Veolia eau, « les filtres-presse à plateaux permettent généralement d'obtenir les meilleures performances ». Un plateau perforé sur lequel une toile est tendue réceptionne les boues liquides. Une presse vient ensuite compacter la boue pour en extraire l'eau. « Le filtre-presse à plateaux permet d'obtenir des siccités de l'ordre de 36 %, voire plus de 40 %, en ajoutant un plateau à membrane, qui en se gonflant d'air effectue une pression supplémentaire », souligne Gérard Choquenet, président de la société éponyme. L'étape de débâtissage, qui consiste à récupérer la boue déshydratée sous forme de « gâteau » doit généralement être assistée par un technicien. Mais le plateau à membrane, par exemple, en décollant lui-même le « gâteau », permet d'automatiser la machine. « Le filtre-presse à plateaux est plus coûteux à l'achat, mais il est plus intéressant au bout de cinq ou six ans, car il demande peu de maintenance », remarque Gérard Choquenet.
Désireux de proposer une machine alliant les bonnes performances du filtre-presse à plateaux et l'automatisme de la centrifugeuse, Degré-mont commercialise depuis 2011, Dehydris Twist, développé à l'origine par le Suisse Bucher Unipektin. Ce système est composé d'un cylindre dans lequel la boue est pressée à l'aide d'un piston rotatif. L'eau est évacuée au travers de drains situés entre le piston et le fond du cylindre. « Le système Dehydris Twist permet d'obtenir des siccités pouvant atteindre 40 % selon le type de boues, sans ajout de chaux », indique Christelle Métral.
D'autres types de procédés plus rustiques ou plus innovants existent aussi sur le marché. Le filtre-presse à bandes, par exemple, est encore très utilisé, mais de moins en moins vendu en France. Il est composé de deux toiles entre les quelles la boue est déposée. Lorsque les toiles circulent entre des rouleaux, la boue est pressée pour en extraire l'eau. « Cette technologie consomme moins d'énergie, mais nécessite généralement plus de main-d'œuvre », indique Éric Gui-belin. Le système à rotation lente est composé pour sa part d'une vis convoyeuse qui presse la boue en la poussant dans un cylindre, parfois contre des anneaux. « La vis presseuse commercialisée par Huber atteint des performances comparables à la centrifugeuse, mais possède des capacités de quelques petites dizaines de milliers d'EH », ajoute-t-il. Encore plus rustique, la déshydratation par sac ou boudin filtrant. Le principe est simple : remplir des sacs ou tubes en toile de boues fraîches et filtrer l'eau au travers. « Ce type de solution est réservé aux petites step, jusqu'à quelques milliers d'EH », considère Éric Gui-belin. Lorsque la perméabilité du terrain le permet, une solution peut être le lit de séchage ou le filtre planté de roseaux (FPR). « La technique par FPR permet de déshydrater et minéraliser les boues qui seront à évacuer annuellement par curage à partir de la sixième année », explique Stéphane Troesch, res pon-sable re cherche et développement chez Epur Nature.
Enfin, pour améliorer les performances de la déshydratation, les boues peuvent aussi être conditionnées en amont. La société Orège propose pour cela sa technologie SLG pour « Solide Liquide Gaz ». « La boue fraîche est insérée dans un petit réacteur, dans lequel sont introduits des réactifs et de l'air sur-pressé. Le mélange turbulent permet de gagner 5 % de siccité quel que soit le procédé de déshydratation choisi en sortie », observe Armelle Le Boulvais, directrice de projet chez Orège.
La station Seine-Aval du Siaap réfléchit au renouvellement de son système de déshydratation. « Notre système de conditionnement ther mique chauffe les boues sous pression pour séparer les molécules d'eau des matières organiques, avant passage sur des filtres-presse. Mais il arrive en fin de vie », déclare Jean-Pierre Bouvet, directeur adjoint des grands travaux au Siaap. Pour lui, « le choix arrêté en 2015 devrait s'orienter vers un système de déshydratation performant afin de réduire les consommations énergétiques dans les filières de valorisation et l'utilisation de réactifs, coûteux pour le portefeuille et l'environnement ». Les options sont nombreuses.