On pensait le système des CEE (certificats d'économies d'énergie, ou certificats blancs) réservé aux initiés, comprenez les vendeurs d'énergie que sont EDF, GDF Suez et consorts. Il n'en est rien : malgré la lourdeur administrative, les collectivités locales se le sont approprié. Pour deux raisons : elles recèlent de nombreux gisements d'économies d'énergie, au travers de leurs réseaux d'éclairage public ou de leur patrimoine bâti, et elles sont à l'affût du moindre financement qui pourrait alléger l'investissement. Rappelons que les CEE consistent à inciter les fournisseurs d'énergie, appelés « obligés », à faire exécuter, chez leurs clients particuliers, industriels ou collectivités, des travaux allant dans le sens des économies d'énergie : changement de chaudière, de moteurs, etc.
En contrepartie, ils reçoivent des certificats (un pour 1 kWh économisé) monnayables sur une bourse d'échange (comme pour les quotas de CO 2 ) et déductibles d'un quota triennal individuel. En septembre, le cours du certificat était de 0,42 centime. Sur la période 2011-2013, un total de 345 TWh « cumac » (pour « cumulé-actualisé ») devra être économisé.
Comme leur métier n'est pas de vendre de l'énergie, les collectivités n'ont pas de quota personnel. Mais elles sont « éligibles » au système : en montant un dossier de travaux conduisant à économiser au moins 20 GWh cumac, elles peuvent obtenir des certificats. En les vendant à un obligé qui peine à remplir son quota, elles en tirent des espèces sonnantes et trébuchantes, qui viennent alléger le coût des travaux. « Depuis le début du dispositif, en juillet 2006, leurs dossiers ont représenté 7 TWh, avec un volume moyen de 10 GWh par dossier », a calculé Emmanuel Goy, qui suit le sujet chez Amorce. Soit un peu moins de 2 % de l'enveloppe globale d'économies à faire sur les deux premières périodes (20062009 et 2011-2013). Le Syndicat mixte d'énergies, d'équipements et de e-communication du Jura (Sidec), par exemple, a touché 19 330 euros en vendant pour 4,8 GWh de CEE obtenus au titre d'un programme de rénovation de l'éclairage public (à l'époque, le seuil minimal d'éligibilité était de 1 GWh).
Une centaine de collectivités ont pris part au jeu et, comme le Sidec 39, la majorité d'entre elles sont des syndicats départementaux d'énergie, échelle territoriale la plus pertinente pour profiter de l'effet de seuil : en regroupant les opérations de plusieurs communes, le syndicat cumule les droits aux certificats et franchit la limite des 20 GWh. C'est ce qu'a fait le Sydev de Vendée, c'est ce que font également des syndicats comme le Sigeif ou le Sdec 14.
Le Sigeif, qui est en fait le Syndicat intercommunal pour le gaz et l'électricité en Île-de-France, a choisi de le faire non pas en propre, mais en passant par un obligé. En l'occurrence EDF, choisi pour trois ans au terme d'un appel d'offres.
Ce n'est donc pas le syndicat qui monte le dossier, ouvre un compte sur le registre Emmy et négocie ses CEE, mais l'électricien, qui s'approprie les certificats au titre des travaux d'économies d'énergie effectués sur le territoire de la collectivité. « L'avantage est que nous touchons l'argent tout de suite, sans attendre le délai d'un an entre la fin des travaux et la valorisation des titres. Le prix est fonction du volume de CEE. Le versement a lieu à la date anniversaire, et nous reversons 90 % aux communes adhérentes », explique Audrey Riaux, chargée du sujet au Sigeif. Inconvénient : « le sentiment de brader ses CEE », même si, en les préemptant, EDF prend un risque : plus tard, au moment où ils sont réellement octroyés, leur cours sera peut-être inférieur. Le Sdec du Calvados, lui, joue en propre : il a demandé à ses communes adhérentes de formater leurs travaux de rénovation d'éclairage public dans un chantier-type, éligible aux CEE, dépose le dossier, reçoit et négocie lui-même les certificats. « L'ensemble des travaux coûte 2,6 millions d'euros. Nous en finançons la moitié, et récupérons 5 à 10 % grâce à la vente des certificats », explique Alban Raffray, au Sdec 14.
À l'instar des syndicats départementaux d'énergie, bien d'autres collectivités ont fait ce choix : la communauté urbaine de Nancy (en soutenant les travaux d'isolation et de chauffage des particuliers), la Région Centre (lire encadré 2), les villes de Lyon et Blois, la communauté urbaine de Dunkerque, le Département du Loiret, etc. À Bourges (18) et Soissons (02), une nouvelle chaufferie au bois desservant un réseau de chaleur a donné lieu à respectivement 106 GWh et 19 GWh de CEE, par le biais de l'obligé Cofely. La palme revient à la communauté d'agglomération d'Aix-en-Provence (CPA), qui s'est offert un logiciel de dimensionnement des travaux énergétiques au format des opérations éligibles aux CEE, et a même obtenu des certificats pour opérations non standards, comme l'optimisation du chauffage des piscines. « Pour réussir l'aventure CEE, il faut impliquer tous les services de la collectivité, des agents municipaux à la comptabilité », conclut Catherine Fleurynck, à la CPA. La collectivité a déposé pour 18 GWh de CEE sur la période 2006-2009, pour 36 GWh en 2010 et pour 7,2 GWh sur 2011-2012. l