L
'objectif initial était de créer une norme pour harmoniser les pratiques en choisissant ce qui se faisait de mieux dans chaque pays. Au final, il est difficile d'envisager une uniformisation », résume Nicolas Marq, chef de projet à l'Afnor. Avec ses homo logues européens, l'Association française de normalisation a publié une étude comparant les mécanismes de certificats d'économie d'énergie (CEE) en vigueur en France, au Danemark, en Italie, en Flandres et en Grande-Bretagne. Partout, le but est d'obliger des acteurs énergétiques à financer des actions concrètes d'efficacité. Mais ce travail a mis en évidence des philosophies et des options méthodologiques diverses. Ce qui n'empêche pas ses auteurs de souligner les éléments essentiels à tout dispositif : une obligation claire soutenue par des pénalités en cas de non-respect, un système de surveillance et de contrôle rigoureux, un financement continu, etc.
La directive européenne de 2012 relative à l'efficacité énergétique offre deux choix aux États membres : soit « mettre en place un mécanisme d'obligations en matière d'efficacité énergétique », soit « utiliser d'autres politiques et méthodes afin d'obtenir les mêmes améliorations », rappelle le rapport. Autrement dit, les CEE n'ont aucun caractère obligatoire. Certains États préfèrent attribuer un coût au carbone (comme en Suède), d'autres passer par la voie réglementaire (pour imposer des rénovations par exemple). Quand ils sont privilégiés, les certificats peuvent être utilisés de manière très hétérogène. Illustration avec le choix des obligés : en Italie, ce sont les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité et de gaz ayant plus de 50 000 clients. Comme au Danemark, qui a élargi le périmètre à la chaleur et au pétrole de chauffage. L'obligation britannique concerne les entreprises de vente au détail, tandis que la France voit un peu plus grand. C'est la seule à impliquer les distributeurs de carburants pour le transport routier. Du côté des mesures d'efficacité, les divergences sont encore plus notables. Outre-Manche, la recherche d'efficacité concerne les seules propriétés résidentielles, ce qui n'est pas le cas ailleurs, même si « dans la pratique, la majeure partie des activités a eu lieu dans ce secteur », souligne l'étude. Il représente 87 % des économies d'énergie certifiées en France entre 2006 et 2009, 81 % en Italie en 2009, 42 % au Danemark. Les cibles sont aussi variables. En Grande-Bretagne, presque 80 % des dépenses sont allouées à l'isolation. En France, plus de 70 % concernent le chauffage. En Italie, c'est l'éclairage qui remporte la palme (70 %). Ces dif-férences sont en partie liées au climat et à la culture de chaque pays. Elles résultent aussi de méthodes de calcul différentes. Dans l'Hexagone, l'unité de comptage est le kilowattheure cumac : chaque évaluation prend en compte les économies d'énergie cumulées sur la durée de vie du produit installé (actualisées avec un taux de dépréciation de 4 % à partir de la deuxième année). « Une action permettant d'économiser 1 MWh sur dix ans équivaut à 8,43 MWh cumac », illustre le rapport. Au Danemark, seule l'économie délivrée la première année est prise en compte. Et en Italie, on ne parle pas de kilowattheure, mais de tonne équivalent pétrole… Il est dès lors difficile de comparer le prix des certificats d'un pays à l'autre. Et il est illusoire de croire à l'émergence d'un marché européen.