E n sortie de méthaniseur, le biogaz a toujours besoin d'un brin de toilette avant de devenir une source d'énergie. Notamment parce qu'il contient du sulfure d'hydrogène (H 2 S), qui risquerait d'endommager les équipements. Plusieurs technologies sont disponibles pour s'en débarrasser, soit directement dans le digesteur, soit à sa sortie. Tour d'horizon.
Dans le digesteur, l'oxydation biologique fait appel à des bactéries qui, en présence d'air, oxydent les composés sulfurés. L'ajout de sels minéraux dans le substrat peut également faire précipiter le soufre. À la sortie du digesteur, des lavages à la soude, particulièrement adaptés au biogaz dont les concentrations en H 2 S varient, ou des passages sur charbons actifs, qui piègent les composés sulfurés, sont couramment utilisés. Les charbons actifs éliminent aussi les siloxanes, des indésirables souvent présents dans le biogaz issu des centres d'en fouis sement technique. Le biogaz est ensuite débarrassé de son humidité, « en général simplement par condensation, note Valérie Borroni, chargée de mission à Rhônalpéner gie-Environnement. Mais le choix des technologies à mettre en œuvre se fait au cas par cas. La pertinence de telle ou telle méthode s'évalue en fonction du volume à traiter, de la concentration en H 2 S, de sa variabilité et du coût des équipements, de leur entretien et des consommables ».
Une fois ce prétraitement réalisé, ce n'est pas terminé ! Le biogaz peut être employé dans une unité de cogénération pour produire de la chaleur et de l'électricité. Mais s'il est destiné à une injection dans le réseau ou à une utilisation comme carburant, il devra encore être débarrassé des quelque 40 % de CO 2 qu'il contient. Et pour cela, pas moins de cinq solutions techniques sont à disposition !
Les lavages d'abord, à l'eau ou aux amines, dont le principe est assez simple : le CO 2 se dissout dans le liquide. Il est ainsi séparé du méthane. Le lavage aux amines présente un avantage : pas besoin de comprimer le gaz. Mais il consomme beaucoup d'énergie thermique pour régénérer les amines. Le lavage à l'eau, lui, s'adapte aux petites unités à des coûts raisonnables. « Mais pour éviter que le gaz relâché ne contienne trop de résidus de méthane, il est intéressant de combiner le lavage à l'eau à une technologie membranaire », estime Jacky Bonnin, gérant du bureau d'études Astrade. C'est une deuxième solution. La troisième regroupe les technologies dites PSA (Pressure Swing Adsorption). Elles consistent à faire passer le biogaz sous pression sur un tamis moléculaire piégeant le CO 2 . Trois variantes existent. « La technique standard laisse échapper un gaz relativement riche en méthane, qui peut alors être brûlé pour les besoins en autoconsommation de l'unité », note Jacky Bonnin. L'alternative « PSA kinetic », mise en œuvre en France par Verdemobil, utilise un média filtrant. Elle sépare non seulement le CO2 du méthane, mais aussi une grande partie de l'oxygène et de l'azote. Un procédé utile, par exemple, lorsqu'une dérogation à 0,2 % d'oxygène n'a pas pu être obtenue pour l'injection dans le réseau, et qu'il faut donc respecter le seuil maximal difficile à atteindre de 0,1 % d'oxygène. La troisième et dernière solution PSA, dite hybride, utilise une membrane. Elle fait repasser le gaz relâché dans le circuit, le reconcentre et limite ainsi les fuites de méthane. Cette technologie membranaire peut aussi fonctionner seule. « On fait passer le gaz sous pression à travers une membrane de polymères. Cela sépare la vapeur d'eau, le CO2 et l'éventuel H2 S du méthane », détaille Xavier Pontone, directeur général d'Air liquide Advanced Business. La société française a équipé de ce système deux des quatre installations raccordées au réseau en France, celle de Forbach et celle de Chaumes-en-Brie (la troisième, à Lille, fonctionne au lavage à l'eau et la dernière, à Mortagne est équipée d'un PSA). Air liquide souhaiterait équiper cinq à dix unités de plus dans l'année à venir.
Enfin, dernière solution : l'épuration par cryogénie, qui sépare les différents composants du biogaz en fonction de leur point de congélation. La technologie est certes plus chère à l'investissement, mais génère d'importantes économies dans le cas où le biométhane doit être transporté, puisqu'il est produit directement sous forme liquide. Elle permet, en outre, de récupérer du CO2 également liquide, et donc valorisable. « Et il n'y a aucune fuite de méthane avec ce procédé, relève Jacky Bonnin. Alors qu'avec les autres, entre 1 et 2 % peuvent être relâchés dans l'atmosphère. » Un rejet encore toléré, ce ne sera peut-être plus le cas bientôt, en tout cas pour les grosses installations. Alors à quoi ressembleront demain les installations de purification du biogaz en France ? « En Europe, on compte environ 200 unités de production de biogaz raccordées au réseau », précise Anthony Mazzenga, délégué stratégie chez GRDF. Environ 45 % feraient appel au lavage à l'eau, 25 % au lavage aux amines et 20 % au PSA. Le reste met en œuvre des technologies comme les membranes et l'épuration par cryogénie.
En France, les intrants qui servent à la méthanisation sont cependant plus variés. « La répartition des technologies sera donc différente, avec plutôt 60 % de solutions membranaires, 30 % de lavage à l'eau et 5 % de PSA », avance l'expert de GRDF. Une estimation qui ne fait pas tout à fait l'unanimité : « La part de PSA sera sans doute plus importante, car c'est une technologie très facilement modulable, tempère Jacky Bonnin. L'avenir sera également à la combinaison de solutions afin d'obtenir le meilleur biométhane. » L'enjeu est crucial. En fonction de la technologie mise en œuvre et de ses réglages, la pureté du méthane obtenu peut varier de 96 à 99,5 %. « Et 2 % de pureté en plus, c'est davantage d'énergie pour un même débit de méthane… C'est donc finalement 2 à 3 % de chiffres d'affaires en plus », souligne le gérant d'Astrade. GRDF prévoit de raccorder au réseau entre dix et quinze installations cette année, puis entre vingt et trente par an à partir de 2015… Nombreux seront donc les porteurs de projets à la recherche des choix les plus judicieux pour épurer leur biogaz. l