L'industrie chimique française s'est engagée à utiliser 15 % de matières premières d'origine végétale d'ici à 2017, au lieu de 8 % actuellement. Elle sera donc intéressée par le projet Eurobioref. Ce dernier s'est penché sur le raffinage des matières végétales, depuis la culture de la biomasse jusqu'à la commercialisation des produits finaux. L'objectif ? Développer d'ici à 2020 une bioraffinerie durable et intégrée à l'échelle européenne, qui ne rejette aucun déchet.
Vingt-neuf partenaires de quinze pays se sont associés, dont le français Arkema, qui coordonne la partie industrielle. Après quatre ans de recherche et avec un budget de 38 millions d'euros, dont 23,5 millions de subventions européennes, les premiers résultats sont encourageants : 23 brevets ont été déposés et 27 articles scientifiques publiés. Le projet a étudié plusieurs chaînes de valorisation. La transformation de l'huile de ricin, de crambe ou de carthame en différents polyamides, des hydrolysats de cellulose en alcool ou en kérosène pour les avions, de la biomasse des moulins à papier (liqueur noire) en biogaz, etc. « L'objectif est d'atteindre la commerciali sa tion », précise Jean-Luc Dubois, directeur scientifique de la division recherche d'Arkema. Par exemple, un carburant est aujourd'hui expérimenté pour vérifier s'il répond aux normes de l'aéronautique. Il s'agit de valider la faisabilité technique et l'objectif zéro dé chet s, mais surtout la viabilité économique. « Nous avons aussi testé la faisabilité de cultures non alimentaires, en synergie avec les cultures alimentaires », complète Franck Dumeignil, professeur au laboratoire CNRSUCSS à Lille et coordinateur du projet. Dix plantes oléagineuses et cinq lignocellulosiques ont ainsi été testées en rotation, sous différentes latitudes : Europe du Nord, du Sud et centrale. Toutes produisent des quantités satisfaisantes de biomasse ou de graines, consomment moins d'eau et de nitrates, avec de faibles rejets de CO2, et enrichissent les sols.
Des cultures-tests en champs de grande envergure (20 hectares) ont montré un bon ren dement de production de graines de ricin et de carthame dans les zones au climat méditerranéen. Le crambe et la caméline offrent, eux, une bonne production de graines sous le climat continental de la Pologne. Et la production de 10 tonnes de ricin à Madagascar a prouvé la pertinence d'une rotation de culture avec une légumineuse : 40 % de fertilisants y ont été économisés. Au niveau de la transformation, un procédé de pré traitement polyvalent a été expérimenté avec succès pour trois plantes lignocellulosiques sur une unité pilote nommée Bali, chez Borregaard en Norvège. Il sépare efficacement la cellulose de la lignine. La cellulose est dégradée en sucres grâce à des enzymes, avant de fermenter en alcool ou autres produits chimiques. Une usine est maintenant en construction, sur le même site, pour transformer 50 kg de matière lignocellulosique sèche par heure dès 2017. Pour les cultures oléagineuses, un procédé d'hydrolyse enzymatique a été mis au point, en remplacement des traditionnelles méthodes à haute température (distillation ou saponification), pour recueillir des acides gras. Un prototype à l'échelle du laboratoire a permis d'obtenir des produits finaux plus purs, avec un rendement d'hydrolyse de 95 %, une diminution de 70 % de la consommation d'eau et une consommation moindre d'énergie par rapport aux techniques existantes. l