Les stations d'épuration de Strasbourg, Bordeaux et Grenoble vont bientôt injecter le biométhane issu de leurs boues. Pour se lancer, elles attendaient l'autorisation, enfin parue en juin 2014. D'autres Step pourront-elles les suivre ? Quel est le potentiel de développement de cette filière ? Pour le savoir, l'Ademe et le gestionnaire du réseau de gaz GrDF ont décidé en 2013 de commander une étude. Conduite en 2014 par le cabinet Greenbirdie et le centre de recherches de GDF Suez (Crigen), elle a été présentée en décembre dernier au salon Pollutec. Ses conclusions : le potentiel d'injection du biométhane issu de stations d'épuration pourrait atteindre 0,54 TWh par an à l'horizon 2020 et 1,41 TWh en 2050. Les auteurs sont partis du gisement total qui serait produit si les 19 521 stations d'épuration urbaines de France métropolitaine injectaient du biométhane. Ce gisement était de 2,13 TWh par an en 2014. Il passera à 2,19 TWh par an en 2020, puis à 2,40 GWh par an en 2050.
L'étude a ensuite sélectionné les stations d'épuration aptes à traiter les boues par méthanisation in situ ou par codigestion. Sont concernées celles d'une capacité supérieure à 5 000 équivalents-habitants (EH), qui représentaient un gisement de 1,82 TWh en 2014. Enfin, l'étude a pris en compte de multiples paramètres, comme la réglementation, l'accessibilité au réseau de gaz, l'autoconsommation et les autres valorisations pour obtenir le potentiel injectable. Il est donc compris entre 0,06 et 0,54 TWh par an à l'horizon 2020 et entre 0,6 et 1,41 TWh par an en 2050.
Lorsque les stations d'épuration sont trop petites pour que l'opération soit rentable, les boues peuvent être traitées dans des unités de méthanisation territoriales. Néanmoins, le potentiel de développement de cette solution reste faible (0,2 à 0,45 TWh par an en 2050) au vu de « ses coûts de transport, les boues étant assez liquides, l'interdiction d'épandage sur certains champs, par exemple en bio ou pour Bonduelle, et le classement automatique en ICPE soumise à autorisation, une procédure très contraignante », détaille Nathalie Camus, chef de projet à Greenbirdie. Concrètement, 0,06 TWh par an de potentiel en 2020 correspond à l'injection du biométhane qui sera produit par les stations de Grenoble, Strasbourg et Bordeaux . La fourchette haute de 0,54 TWh par an comprend, parmi les 85 installations d'épuration possédant déjà un méthaniseur, celles desservies par le réseau de gaz et dont la capacité nominale est supérieure à 60 000 EH.
Pourquoi cette limite ?
Les auteurs ont calculé que la mise en place de la filière d'injection de biométhane dans une station est pertinente sur le plan économique à partir de cette capacité nominale. À l'horizon 2050, la fourchette haute intégrera donc toutes les stations d'épurations de plus de 60 000 EH. Comment accélérer le développement ? « Les acteurs regrettent le manque de communication sur la filière. Lorsque des appels d'offres sont lancés par les Step, par exemple pour le traitement des boues, les réponses n'intègrent pas la méthanisation », souligne Nathalie Camus. Même en prenant la fourchette haute, ce potentiel paraît faible comparé aux 500 TWh de gaz consommés chaque année en France. Mais, au-delà des Step, l'injection du biométhane fait ses premiers pas. La tendance devrait s'accélérer : en effet, l'Ademe prévoit qu'en 2050, 10 à 15 % du gaz circulant dans le réseau seront issus de la méthanisation. l