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ENERGIE

Bâtiments classés en quête de sobriété

LA RÉDACTION, LE 1er AVRIL 2015
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Au lendemain de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte à l'Assemblée nationale, un collectif d'associations d'architecture dénonçait un « coup fatal porté au patrimoine de notre pays ». En cause, un article levant plusieurs contraintes pour faciliter l'isolation thermique par l'extérieur. « L'emballage d'un bâtiment ancien revient à gommer la spécificité de son architecture et transformer profondément la perception de l'histoire, des diversités urbaines qui se sont exprimées au travers de différents styles caractérisant chacun leur époque », se plaignait un communiqué du collectif. Depuis, les sénateurs ont arrondi les angles. L'épisode est révélateur toutefois du climat de tension qui règne entre deux mondes hermétiques : celui de l'énergie et celui du patrimoine. Si avec un peu de pragmatisme, chacun apprend à connaître l'autre, la balance n'est pas franchement à l'équilibre. Les premiers textes législatifs protégeant le patrimoine sont plus que centenaires. La première réglementation thermique date de 1974. Seules les constructions de plus de 1 000 m² et bâties après 1948 ont une obligation de performance globale dès lors que leur propriétaire engage des travaux de rénovation équivalant à 25 % de la valeur du bien. Les autres peuvent se contenter d'objectifs « élément par élément », ce qui signifie que chaque paroi ou fenêtre remplacée doit respecter des performances précises… Avec des dérogations en cas de risque de dégradation de la valeur patrimoniale du bien. Impossible par exemple d'intervenir sur un monument historique classé sans l'avis conforme d'un architecte des Bâtiments de France (ABF). Dans un périmètre de 500 mètres (un chiffre qui peut être affiné par le plan local d'urbanisme pour une question de cohérence architecturale), les élus reprennent la main s'il n'existe aucun point à partir duquel on peut voir les deux édifices (covisibilité). Sauf que rares sont les services instructeurs osant aller contre l'avis de l'ABF, y compris lorsque celui-ci n'est que consultatif ! Et il y a bien d'autres contraintes réglementaires : dans les périmètres de sauvegarde et de mise en valeur qui remplacent certains PLU, les sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco… Aucun obstacle n'est insurmontable néanmoins. Avec sa cour centrale classée, le centre hospitalier Charles-Perrens de Bordeaux s'est plusieurs fois cassé les dents en lançant des opérations lourdes de rénovation, d'isolation ou de reconstruction. Après un dossier un peu compliqué, « nous avons pris l'habitude de travailler en amont avec l'ABF », explique Alain Mosconi, directeur des ressources matérielles et des affaires financières à Perrens. En lui présentant la nature du projet, l'architecte est à même de comprendre l'enjeu et d'afficher les éventuelles contraintes à prendre en compte. Au moment du concours, il est essentiel, en outre, de préciser que le lauréat devra collaborer avec l'ABF pour peaufiner son projet. Avec cette méthode, l'établissement n'a pas rencontré d'opposition majeure pour construire sa chaufferie à biomasse. C'est d'ailleurs la ville de Bordeaux qui s'est finalement montrée la plus exigeante en demandant quelques aménagements sur la cheminée. Un effort d'intégration a été mené par ailleurs pour que le bâtiment de type industriel ne se démarque pas des habitations du quartier voisin (en termes de couleurs, de façades, d'orientation). Des éléments décoratifs ont été prévus en façade avec un travail sur les lignes et une scénographie lumineuse. Directrice du bureau d'études Tribu énergie, Nathalie Tchang insiste, elle aussi, sur cette nécessité de nouer des liens avec les ABF (comme avec les services chargés de l'urbanisme dans les communes du reste). « Ce ne sont pas des empêcheurs de tourner en rond. Le souci, c'est qu'ils manquent souvent de temps pour évaluer les dossiers. Attention donc aux projets mal montés. » Des aménagements mineurs suffisent souvent à les rendre plus crédibles qu'ils n'en ont l'air. Dans les immeubles dits faubouriens, « on peut restituer une façade en y ajoutant un isolant thermique », illustre Fabrice Fouriaux, conseiller info-énergie à l'Agence parisienne du climat. En revanche, il faut choisir soigneusement ses solutions techniques : du bois et un enduit minéral à la chaux blanche, oui. Un polystyrène qui empêche toute migration de la vapeur d'eau vers l'extérieur, non. « On a abîmé une partie du patrimoine avec des films étanches alors qu'il était important de préserver la circulation d'eau », regrette Éric Aufaure, coordinateur du pôle « bâtiments et énergies renouvelables » à l'Ademe d'Aquitaine… Avec à chaque fois, un risque de mise en péril du bâtiment qui ne sert ni la cause énergétique, ni la cause patrimoniale. L'oubli des caractéristiques hygroscopiques des constructions traditionnelles a beaucoup alimenté les tensions entre les promoteurs de l'efficacité énergétique et les défenseurs du patrimoine. Gare donc aux copier-coller de solutions imaginées pour des bâtiments récents pariant sur l'isolation et la ventilation. D'une manière générale, « on a trop peu étudié la réalité de la performance énergétique du bâti ancien », critique Florence Babics, secrétaire générale des Architectes du patrimoine. « On ne peut pas travailler avec les moteurs de calcul des méthodes réglementaires, qui sont inadaptés », confirme Nicolas Régnier, président du cabinet de conseil et d'ingénierie spécialisé en immobilier durable Green Soluce. Comment évaluer par exemple la conductivité thermique d'un mur dont on ne connaît même pas la composition exacte ? Pour changer la donne, le rapport Batan de février 2011 a modélisé le comportement de bâtiments antérieurs à 1948. Il a révélé que certaines constructions considérées comme des passoires énergétiques étaient finalement assez vertueuses. Largement salué, ce travail a toutefois soulevé beaucoup de questions restées depuis sans réponses. « Il faut financer d'autres études de ce type », martèle Florence Babics. En attendant, le concept d'isolation doit être manié avec précaution, en particulier en ce qui concerne les fenêtres. « Comme le bâtiment, les vitrages ont une histoire. Les jeter constitue parfois une vraie perte », note Nathalie Tchang. « Aujourd'hui, les vitrages sont uniformes tandis que les modèles plus anciens créent des effets de lumière », précise François Deborde, spécialiste de la question à La Fraternelle, une entreprise de menuiserie qui a contribué à réhabiliter un couvent classé devenu le siège social de Bayeux Intercom. Conséquences : lorsqu'on en change, il s'avère essentiel de refabriquer les défauts d'origine pour allier performance et respect de l'histoire. Filiale de Saint-Gobain, l'entreprise Saint-Just est aujourd'hui la seule en France à produire des doubles vitrages soufflés ou étirés performants… mais à un coût parfois rédhibitoire pour les maîtres d'ouvrage. L'alternative retenue à Bayeux, et souvent préconisée par les ABF, consiste à ajouter un survitrage intérieur. « Cela améliore le confort thermique sans dénaturer la façade », explique François Deborde. On aurait tort de se focaliser sur les parois et les fenêtres. D'autant que dans l'ancien, leur proportion est faible et le fait qu'elles soient mal isolées n'est pas toujours un inconvénient. Mieux vaut travailler sur les combles, la finesse des isolants permettant désormais de laisser des poutres apparentes si nécessaire. Éric Aufaure souligne un autre sujet récurrent : « Dans de nombreux bâtiments, l'enjeu est plutôt d'apporter de l'inertie, par exemple via des dalles en béton de chaux ou en terre crue sous le plancher ». « Un site classé peut être un laboratoire pour tester de nouvelles techniques à utiliser ensuite ailleurs », estime Fabrice Fouriaux. Sur l'île Saint-Louis, à Paris, le bailleur élogie a ainsi aménagé en 2013 une quinzaine de logements en respectant un seuil de consommation d'énergie primaire de 80 kWh/ m²/ an pour être conforme aux objectifs du plan climat. Et ce, sans toucher à la façade en briques. Il a dû jouer sur la performance des menuiseries et des huisseries, puis remplacer les planchers pour une meilleure continuité du manteau isolant. Si chaque cas est particulier, des acteurs bordelais (ABF, agence locale de l'énergie, collectivité…) se sont réunis pour créer des fiches types reprenant un certain nombre de bonnes pratiques pour les porteurs de projets qui veulent se lancer dans la rénovation. Un propriétaire d' « échoppe », une construction typiquement bordelaise, sait désormais qu'il peut mener une réflexion sur le vitrage, l'intégration de capteurs solaires ou le rehaussement de sa toiture, à condition qu'aucune modification ne soit visible côté rue. Malgré des marges de manœuvre étroites, la ville d'Embrun (Hautes-Alpes) a réduit de 30 % la consommation du couvent, dorénavant occupé par l'office du tourisme, sans recours à l'isolation. Même à l'intérieur, il était impossible de recouvrir la fresque ornant le mur. Quant à la restauration des baies vitrées en ogive au vitrage ancien et en fer forgé, elle aurait été hors de prix. Seule la porte d'entrée a pu être remplacée par un modèle plus performant. Après l'étude des consommations et des températures, des radiateurs à inertie ont succédé aux vieux convecteurs électriques. Surtout, « dans le cadre du programme One (Optimisons nos énergies), nous avons travaillé la domotique », explique Chantal Eymeoud, le maire de la commune. Des outils de programmation et des sondes permettent désormais d'optimiser le chauffage et l'éclairage. « Non seulement le bâtiment est moins énergivore, mais le confort des salariés a été fortement amélioré car jusqu'alors, on chauffait mal », se félicite l'élue. Pour trouver la solution adaptée au besoin, « il faut comprendre le comportement du bâtiment. Puis ne pas oublier que l'on peut agir à plusieurs niveaux : l'enveloppe, les équipements et les systèmes, la gestion, les contrats d'énergie et les comportements », prévient Nicolas Régnier… Une théorie testée, entre autres, au Musée d'Orsay ou à la Grande Halle de la Villette où la situation n'est pas sans rappeler celle des églises : grands volumes et facture énergétique salée (lire encadré). L'intégration des énergies renouvelables dans les bâtiments anciens est tout aussi complexe que la recherche d'une meilleure efficacité. Si les chauffe-eau thermodynamiques ou les raccordements à des réseaux de chaleur à biomasse ne créent pas de problème sur le papier, certaines subtilités incitent à se poser les bonnes questions. Le remplacement de chaudières traditionnelles par des modèles à condensation ne va pas de soi par exemple. Les premières se combinent généralement à des conduits maçonnés dans lesquels circule de l'air tandis que les secondes nécessitent un tubage qui élimine toute ventilation… À moins d'introduire dans les conduits un double tubage : l'un pour la chaleur, l'autre pour la circulation de l'air. Côté toiture, les travaux menés par les professionnels sur la couleur, la taille ou l'intégration des capteurs solaires simplifient leur installation. « Il est plus facile de préconiser du solaire thermique qui ne demande que quelques mètres carrés que du photovoltaïque qui requiert de l'espace pour être rentable », remarque néanmoins Nathalie Tchang. Parfois accusées de dénaturer les bâtiments anciens, les ENR peuvent être un moyen de les protéger. Illustration au Chefresne, une commune de 300 habitants située dans la Manche qui a équipé son église (non classée aux monuments historiques) d'une toiture photovoltaïque. « Ce sont surtout les gens extérieurs au village qui ont manifesté leur étonnement. Les habitants ont compris que c'était là le seul moyen de refaire la charpente et la couverture de l'édifice et donc de le sauver », explique Dominique Zalinski, maire de la commune, regrettant seulement que des complications techniques extérieures à l'enjeu patrimonial ne permettent plus à ce jour de produire les électrons promis. Pour Christian Cardonnel, président du bureau d'études éponyme et de la commission ENR et bâtiment du Syndicat des énergies renouvelables, on ne doit pas sous-estimer le rôle des énergies dites passives. « Même dans un bâtiment existant, il est important de s'interroger sur le recours aux baies vitrées et aux vérandas qui apportent une énergie gratuite pour se chauffer et s'éclairer », avance-t-il. Pour satisfaire les énergéticiens et les défenseurs du patrimoine, la valorisation des énergies fatales est tout aussi prometteuse, ne serait-ce que pour des raisons de coût. D'après l'ingénieur, la récupération des calories de l'eau chaude sanitaire peut s'avérer deux fois moins chère que l'isolation thermique par l'extérieur à résultat équivalent… Un calcul qu'il est toutefois difficile de généraliser. Sur chaque projet, « c'est au thermicien d'avoir la bonne approche et sentir les choses, explique-t-il. Je prône la règle des C : conception cohérente, construction de qualité, compétence des entreprises et commissionnement avec un bon réglage des installations ». l


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