Les biocarburants de première génération doivent-ils être plafonnés à 6 ou 7 % au sein de l'objectif européen de 10 % d'énergies renouvelables dans la consommation des transports en 2020 ? C'est sur cette question que se sont affrontés la commission environnement du Parlement européen et le Conseil, représentant les États membres. La première proposait 6 %, le second 7 % et après des années de débat, un accord a été trouvé le 14 avril sur les bases de cette deuxième solution. « La Commission européenne s'est penchée sur la question d'un plafonnement dès 2012, quand on a commencé à se rendre compte des problèmes posés par les biocarburants de première génération, produits à partir de cultures alimentaires. Elle a alors proposé une limite de 5 %. Le Parlement, lui, s'est prononcé en faveur de 6 % et les États membres pour 7 % », retrace Cyrielle Denhartigh, responsable agriculture et alimentation à l'association Réseau action climat (RAC) France.
En cause, l'impact sur les prix des matières alimentaires, d'une part, l'effet du changement d'affectation des sols indirect (Casi), d'autre part. « Le bilan direct de l'analyse de cycle de vie des biocar burants de première génération est bien meilleur que celui des car burants fossiles, avec 50 à 60 % d'émissions de gaz à effet de serre (GES) en moins, réplique Kristell Guizouarn, directrice du développement durable du groupe Avril. Et il n'y a que pour les bio carburants que l'on s'intéresse à l'effet indirect, alors que ce n'est pas sur celui-ci qu'il serait le plus efficace d'agir. » Un point de vue que ne partagent pas les ONG, pour qui la solution idéale serait au contraire d'arrêter la production, « au moins le temps d'affiner les études sur les impacts », souligne Cyrielle Denhartigh.
Entre ces deux positions extrêmes, les États membres et la Commission ont réussi à se mettre d'accord. Le plafond est donc fixé à 7 % et inclut les biocarburants de première génération issus de cultures alimentaires, mais également énergétiques, ce que le Conseil avait refusé en premier lieu. Et les industriels seront désormais obligés de rendre compte des facteurs Casi de leur production. « Mais il ne s'agira que d'une déclara tion auprès de la Commission européenne, sans conséquence, ni pour eux ni pour les États, déplore Cyrielle Denhartigh. De plus, ils n'auront pas à rapporter la valeur réelle des facteurs Casi, mais juste à indiquer la fourchette dans laquelle ils se trouvent. Ces écarts étant malheureusement très larges, cela n'aide pas à avoir un ordre de grandeur précis du phénomène. »
Le texte que la Commission environnement a voté prévoit enfin un objectif non contraignant de 0,5 % pour les biocarburants dits avancés, ce qui ne satisfait pas non plus le RAC. « Il n'existe pas de définition des biocarburants avancés selon des critères de durabilité. Donc l'Europe risque de reproduire les erreurs qu'elle a faites avec la première génération : fixer des objectifs avant de disposer de toutes les données nécessaires. » Cependant, pour faire passer la deuxième génération de biocarburants du stade R & D à l'industrie, les professionnels, eux, attendent un engagement de l'Europe, à l'image de ce premier objectif. « Ce dont nous avons besoin, c'est de visibilité et de sta bilité réglementaire, à l'échéance de 2020 et même 2030 », insiste Kristell Guizouarn.