Une nouvelle ère va-t-elle s’ouvrir pour la transition énergétique citoyenne ? Ses promoteurs veulent, en tout cas, s’en donner les moyens. Consommateurs, collectivités locales, coopératives de production d’énergie renouvelable… Tous poursuivent la même intention : développer des projets portés par les acteurs des territoires. Du Royaume-Uni à l’Espagne, en passant par la Belgique et les Pays-Bas, le mouvement dépasse largement les frontières hexagonales. L’association Rescoop réunit par exemple 1?240 coopératives dans l’énergie en Europe. Ses membres pèsent 950 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ils ont investi deux milliards et exploitent un parc d’énergies renouvelables d’un gigawatt. Reste qu’une question se pose encore : comment continuer à déployer ce modèle citoyen sans perdre son ancrage local ? Et bien, en partageant les risques de financement. Plusieurs initiatives vont dans ce sens.Un outil européenCinq coopératives du réseau Rescoop, dont la française Enercoop, ont lancé le programme Rescoop Mecise. Elles veulent mettre en place un outil financier transnational d’ici à l’année prochaine. Leur idée ? Mutualiser des fonds pour soutenir des projets dans les énergies renouvelables, voire dans l’efficacité énergétique et les réseaux intelligents. Avec deux cibles privilégiées. D’une part, les projets plus grands que ceux développés actuellement par les membres de Rescoop. D’autre part, les petites coopératives pour lesquelles il est plus difficile de mobiliser des moyens. Concrètement, « il s’agit de créer une structure relativement légère, sous forme coopérative, avec un comité d’investissement qui approuverait ou non les demandes de financement déposées par les membres de notre fédération », présente Stanislas D’herbemont, chef de projet chez Rescoop. Elle verra le jour avec le statut de société coopérative européenne. « Le capital proviendra essentiellement de nos membres et permettra de lever de la dette auprès d’un consortium bancaire », envisage le chef de projet. La feuille de route prévoit de démarrer avec un capital de 2 millions d’euros pour une capacité de financement de 10 millions dès 2018, puis 250 millions en 2025.La phase de développementUn deuxième outil est en gestation en France. Il est porté par le fonds d’investissement Énergie partagée avec l’Ademe et la CDC. Ensemble, ils ont lancé une étude pour dessiner les contours du mécanisme, notamment sur le plan juridique. Ses conclusions sont en cours de finalisation pour un lancement en fin d’année. Cet outil interviendra de façon beaucoup plus ciblée, puisqu’il financera spécifiquement le développement des projets d’énergies renouvelables. « Nous partons du constat qu’il manque des moyens pour prendre des risques dans les territoires. Des outils existent déjà, comme les fonds d’investissement régionaux, mais ils interviennent après l’obtention par le porteur du projet du permis d’exploiter », observe Erwan Boumard, directeur d’Énergie partagée. En clair, les mécanismes existants investissent quand ils ont la certitude que la centrale va produire et vendre de l’énergie. « Il y a une demande des collectivités locales pour un appui plus précoce dans les projets, dès la phase de développement des centrales », note Erwan Boumard.Des retombées économiquesCette étape est plus risquée, car les projets n’aboutissent pas toujours. Elle est aussi plus rentable. Des acteurs privés se sont d’ailleurs spécialisés dans ce domaine, signale le directeur d’Énergie partagée. Ils les revendent avec une plus-value lorsqu’elles ont été construites. « Un parc éolien de quatre ou cinq machines coûte entre 300?000 et 400?000 euros à développer. Avec un équilibre économique garanti par un tarif d’achat, on en a vu revendus entre 4 et 5 millions ! »Les promoteurs d’une transition citoyenne aimeraient s’assurer que ces retombées économiques profitent aux territoires sur lesquels les centrales sont implantées.Des territoires testsC’est l’enjeu de la réflexion menée par Énergie partagée, l’Ademe et la CDC. Ils veulent créer un outil national pour investir, dès la phase de développement, dans des projets portés par les collectivités locales et les citoyens, puis revendre les centrales construites aux fonds régionaux. Il s’agit ainsi de mutualiser entre les territoires les risques d’investissement. Certains projets échoueront, d’autres réussiront, le dispositif devra être globalement bénéficiaire. Les gains serviront soit à réinvestir, soit à renforcer les moyens de sensibilisation, de formation et d’accompagnement des porteurs de projets. Les modalités d’intervention restent à préciser. Elles pourraient être testées dans quelques territoires avant généralisation.Thomas Blosseville