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Jacques Bouyssou : « Le droit a des réponses à apporter au réchauffement climatique »

PUBLIÉ LE 27 SEPTEMBRE 2023
PROPOS RECUEILLIS PAR ANTHONY LAURENT
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Jacques Bouyssou : « Le droit a des réponses à apporter au réchauffement climatique »
Crédits : DR.
Enjeu de société, l’urgence climatique donne de plus en plus lieu à des litiges, à l’instigation notamment des défenseurs de l’environnement. Cet été, un Observatoire des contentieux climatiques a été créé dans le but de les analyser. Rencontre avec l’avocat Jacques Bouyssou.

Environnement Magazine : Pourquoi avoir créé un Observatoire des contentieux climatiques ?
 
Jacques Bouyssou : Le réchauffement climatique est le défi majeur auquel l’humanité se trouve confrontée. Il a des répercussions dans tous les champs de l’activité humaine. Le droit n’est évidemment pas épargné, il est même sollicité ! En tant que régulateur des activités humaines, il est évident que le droit a des réponses à apporter au réchauffement climatique. Puisant ses racines dans le droit romain, le droit moderne a été lentement construit par une société en plein essor : développement économique, domination de l’homme sur la nature et confiance dans le progrès étaient alors des axiomes qui sont désormais profondément remis en question.
 
La mobilisation de la société civile trouve son moyen d’expression le plus légitime dans la saisine des tribunaux. C’est d’ailleurs avec cette idée en tête qu’il faut lire le dernier rapport du GIEC. Les tribunaux répondent à l’attente de la société et apportent des solutions qui n’hésitent pas à s’écarter des postulats traditionnels du droit de la responsabilité. Le juge comme le législateur ont déjà commencé à dessiner le cadre de leurs réponses. Des pans entiers de notre droit restés quasiment inchangés depuis deux siècles sont appelés à bouger de façon extrêmement rapide. La rapidité de ces changements est à la mesure des enjeux du monde dans lequel nous vivons.
 
Indépendamment de ce défi que les contentieux climatiques représentent pour le monde du droit, la dimension internationale qui les caractérise retient l’attention. Sur le plan global, le réchauffement climatique appelle un constat évident : ses effets peuvent se manifester très loin du pays de résidence du sujet émetteur des pollutions. Nous avons voulu étudier ce phénomène pour en dégager les caractéristiques majeures et informer nos clients.
 
Quels sont les principaux enseignements de la judiciarisation des questions climatiques, à l’échelle internationale comme en France ?
 
Le constat le plus visible est la croissance exponentielle du nombre d’affaires engagées. Cette tendance va se poursuivre, car la médiatisation de certaines affaires ne peut que générer une montée en puissance de ces contentieux. Le deuxième enseignement est celui de l’élargissement du spectre des cibles des plaignants qui s’est progressivement étendu des Etats et des majors pétroliers à tous les énergéticiens et désormais tous les secteurs économiques, ou presque. Plus récemment, on note une individualisation de la responsabilité à travers des actions visant spécifiquement les mandataires sociaux. Cette tendance devrait s’affirmer avec l’émergence d’un droit pénal environnemental.
 
Sur le plan juridique, il est intéressant de constater que les plaignants ont cherché à mobiliser des textes rédigés avant que la question du réchauffement climatique ne se soit posée. C’est le cas notamment en Europe avec l’utilisation des articles 2 et 8 de la Cour européenne des droits de l’homme. L’Accord de Paris fournit également un support aux actions des plaignants, qui veulent dénoncer l’inaction des gouvernements. La France fait figure de pionnier dans le domaine environnemental en se dotant de textes contraignants, notamment pour les entreprises.
 
Ces contentieux se révèlent-ils efficaces, en ce qui concerne notamment la gouvernance climatique mondiale et la stratégie des entreprises ?
 
Vous avez raison de poser la question en termes de gouvernance climatique mondiale et de stratégie des entreprises car c’est sans doute à travers ce prisme qu’il est possible de mesurer l’efficacité de ce type de contentieux. Sur le plan financier, il parait difficile de parler de succès, tant ces contentieux ont peu donné l’occasion d’indemnisations et tant l’indemnisation parait éloignée du préjudice généralement perçu par l’opinion comme un « tout ».
 
Sur le plan symbolique, en revanche, ces actions se montrent très efficaces : il n’y a pas de doute sur le fait que les entreprises doivent désormais prendre en compte le facteur climatique dans la définition de leur stratégie. Quelle que soit la sincérité des motivations dénoncées par les zélateurs du green washing, le simple fait que la question se pose montre que le combat symbolique est gagné pour les défendeurs de l’environnement.
 
Quelles sont les tendances pour les années à venir concernant l’évolution des cadres législatif et réglementaire nationaux et internationaux face à la multiplication des contentieux climatiques ?
 
Le développement des contentieux climatiques devrait s’accélérer au cours des prochaines années. Il est prévisible qu’il touchera un très grand nombre d’acteurs économiques. Le cadre législatif et réglementaire devrait se préciser et s’enrichir notamment sur le territoire de l’Union européenne. Parallèlement, le juge devrait répondre à l’urgence climatique en revoyant des concepts fondamentaux de la théorie de la responsabilité : la recevabilité, le lien de causalité, par exemple, devraient connaître des évolutions majeures.
En France, il est souhaitable que les organisations agissant en justice soient soumises à une plus grande transparence sur leur gouvernance comme sur leur financement. La dignité incontestable du combat contre le réchauffement climatique ne peut s’accommoder de suspicions de manipulations.
Pour les juristes, la révolution culturelle qui nous attend est celle de la personnalité juridique des écosystèmes, une idée qui paraissait farfelue il y a encore peu de temps et qui s’impose progressivement comme un moyen efficace pour permettre la protection de forêts ou de rivières.
 
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