Au fil du temps, la collecte des déchets ménagers en conteneurs enterrés ou semi-enterrés est devenue une solution soit d'habitat vertical, soit de site naturel, et plus tellement de centre-ville historique comme à ses débuts au milieu des années 1990. L'habitat collectif, en particulier, effectue un retour en force. Eco-Emballages, qui a signé sur ce point sa quatrième convention avec l'Union sociale pour l'habitat, présente l'apport volontaire enterré ou semi-enterré comme un moyen d'optimiser, sinon d'introduire, la collecte sélective dans un bâti qui s'y prête mal ou pas du tout : locaux poubelles exigus empêchant l'ajout de bacs supplémentaires, dégradations fréquentes, réticence des gardiens, désengagement de l'usager. « Les conteneurs extérieurs sont à la vue de tous, donc suscitent moins de vandalisme », témoigne Marc Julienne, architecte. « Nous avions de gros soucis de place, d'hygiène, de manipulation et de vandalisme avec des feux de poubelle dans les halls d'immeuble. Le manque de place ne permettait pas la mise en place de la collecte sélective, racontait Véronique Teche, de la communauté d'agglomération du Grand Nancy, lors d'un colloque d'Amorce fin mars 2007. C'était une demande des bailleurs que de sortir des immeubles la gestion des déchets. La solution des abris à conteneurs s'est avérée un échec. Du coup, on a choisi des conteneurs semi-enterrés de 5 m3. Détail apprécié : le ramassage est devenu indépendant des plages horaires des concierges. »
Moins 30 à 40 %
à la collecte
À en croire les retours d'expérience, c'est effectivement tout bénéfice pour la collecte sélective. Dans le quartier de La Meinau, où la communauté urbaine de Strasbourg a aménagé des locaux de tri extérieurs avec trappes jaunes et trappes bleues, le flux recyclable, qui n'existait pas avant, atteint 22 kg/hab/an avec un taux de refus de 28 %. « Il n'y a pas si longtemps, c'est la culture du jet par la fenêtre qui dominait ! » rappelle Gilbert Strohl, directeur général adjoint de l'Opac de Meaux (77), qui s'est pourtant limité à un local de tri en pignon d'immeuble, non enterré, « avec 24 conteneurs accessibles par huit orifices, y compris par les enfants » (investissement : 40 000 euros pour 169 logements). Au Sictom du Mâconnais, qui a installé 203 conteneurs semi-enterrés (investissement : 1 Me avec le camion), le taux de refus est passé de 21 à 18 %. Au syndicat Emeraude (Val-d'Oise), la performance de tri atteint 40 kg/hab/an (presque le ratio moyen national) et le taux de refus est passé de 50 à 20 %. « La moyenne du syndicat », selon son directeur, Dominique Freyhuber, qui a installé des conteneurs enterrés parallèlement à la suppression des anciens vide-ordures individuels. « Pour le personnel, ce sont de meilleures conditions de travail : fini les bacs à manipuler », ajoute Jean-Luc Madinier, directeur de la maintenance chez Osica, le bailleur, qui conseille comme seuil minimum de pertinence « trente logements ». Évidemment, l'économie de main-d'oeuvre sur les concierges se perd en investissement dans une benne à ordures spéciale, puisqu'il faut charger par le dessus. « Mais il n'y a pas de raison de s'affoler. Une benne s'amortit sur une centaine de bornes », rassure Jean-Luc Madinier, chiffrant son retour sur investissement entre « six et sept ans grâce à un coût de collecte inférieur de 30 à 40 % ». Au Grand Nancy, Véronique Teche a fait ses comptes : le coût de la collecte, en quatre flux, est passé de 86 à 53 e/t avec les Molok semi-enterrés, ce qui confirme le chiffre précédent. « Le flux OM est passé d'une collecte en C7 (sept fois par semaine) à une collecte en C2 », précise-t-elle, reprochant juste au système « des conteneurs trop voyants dans les quartiers moins denses ». Doit-on accuser la collectivité d'économiser des kilomètres de camions en les reportant sur les ménages, qui doivent se déplacer jusqu'à la borne ? « Non, à condition que la communication soit bien faite. Sur le Sictom du Mâconnais, le taux de satisfaction des habitants atteint 78 % », argumente Marie-Yvonne Delfosse, sa directrice. « L'apport volontaire est plus valorisant que le porte-à-porte en termes de geste écocitoyen », poursuit l'architecte Marc Julienne.
On partage la note
À l'Union sociale pour l'habitat, Christine Roudnitzky a mené l'enquête : sur 203 bailleurs, 49 % témoignent de « difficultés importantes » à la mise en place de la collecte en conteneurs enterrés ou semi-enterrés, mais 55 % se montraient au départ intéressés ou directement concernés. « Ils sont plus nombreux à solliciter et interpeller la collectivité locale que dans l'autre sens », a-t-elle constaté. « Certains bailleurs ne sont pas d'accord, donc Marseille ne va pas s'engager sur les conteneurs enterrés. Le syndic est roi », déclarait Robert Assante, adjoint à la propreté à la communauté urbaine de Marseille, lors du premier forum national USH-Eco-Emballages fin 2005. Dans le Val-d'Oise, en revanche, c'est l'inverse : c'est le syndicat Emeraude qui a pris son bailleur par la main devant le constat d'échec de la collecte sélective en habitat vertical. Et partagé les frais à 50/50 : au syndicat le coût du génie civil et de maintenance, au bailleur le coût des bornes et des plates-formes en béton. Un modèle de financement qu'on retrouve assez couramment. « Dans notre échantillon, un tiers des opérations sont prises en charge à l'investissement par le bailleur, un tiers par la collectivité et un tiers sont partagées », a calculé Christine Roudnitzky. Au Grand Nancy, c'est également la règle du partage qui s'est imposée, matérialisée par une convention patrimoniale. « La collectivité a pris en charge l'achat des conteneurs (deux tiers de la facture) et le bailleur les travaux d'installation (un tiers), sans oublier une subvention de l'Anru », détaille Véronique Teche. Seul, un bailleur ou un syndicat intercommunal peut effectivement vite être dissuadé par l'investissement, même enrobé d'économies de fonctionnement, de mètres carrés et de paix sociale. « Nous n'avons pas retenu la solution enterrée et semi-enterrée pour son coût, outre le fait qu'elle n'était pas adaptée au circuit de collecte », avoue Gilbert Strohl, à l'Opac de Meaux. Au Sictom du Mâconnais, le semi-enterré s'est imposé au détriment de l'enterré car « moins cher, bien que moins esthétique », selon sa directrice, qui a fait ses calculs (lire petit encadré ci-dessous). Au syndicat Emeraude, on a quand même choisi l'enterré car il fallait un conteneur en métal, et non en plastique comme on en trouve souvent en semi-enterré, « afin d'éviter les risques d'incendie dans les quartiers sensibles ». Le surcoût apparent peut se gommer par de petites astuces. « Profitez de travaux d'infrastructures et de voirie pour enterrer le matériel, conseille par exemple l'architecte Marc Julienne. Les trous sont déjà faits ! »