Avec un effectif de 660 personnes et un chiffre d'affaires de 490 millions d'euros, cette usine a produit 257 000 tonnes d'aluminium en 2012, soit 65 % de la production française. D'une capacité de 265 000 tonnes, c'est la plus grande de l'Union européenne. Devenu obsolète après vingt ans de fonc-tionnement, son four à cuire les anodes en carbone nécessaires à la fabrication de l'aluminium vient d'être entièrement remis à neuf, ainsi que la sous-station électrique d'alimentation et la scie automatique destinée à découper les plaques d'aluminium avant expédition. L'usine aurait pu continuer à fonctionner sans ces investissements. Il lui suffisait de s'approvisionner en anodes à l'extérieur, comme elle l'a fait durant les trois mois qu'ont duré les travaux du four, à raison de 400 anodes par jour. Rio Tinto Alcan en a décidé autrement. Il semble que le groupe anglo-australien croit encore en la production d'aluminium en France, alors qu'il s'apprête à céder ses usines de Saint-Jean-de-Maurienne et de Castelsarrasin. Mais tout n'est pas encore gagné. Comme l'a souligné le 11 juin Colin McGibbon, directeur général du site Aluminium Dunkerque, à l'occasion de l'inauguration de ce nouvel outil de production, l'usine doit réussir à transformer l'essai en trouvant de nouveaux marchés à plus forte valeur ajoutée. C'est tout l'enjeu du projet LeADer +, dont ces 82 millions d'investissement ne représentent que la première phase.
Aujourd'hui, l'usine nordiste réalise 84 % de ses ventes en France, 10 % en Allemagne, 5 % aux Pays-Bas et 1 % en Hongrie. Elle produit 89 % de plaques destinées à être profilées en tôles minces, en majorité pour la fabrication de canettes. Les 11 % restant sortent sous forme de lingots qui partent dans des fonderies essentiellement pour la réalisation de pièces automobiles, comme les jantes et les entrées de culasse. Une répartition qui va évoluer, Aluminium Dunkerque ayant décidé de produire des alliages d'aluminium à plus haute technicité pour de nouveaux débouchés en Europe. C'est sur cela que pourrait reposer l'avenir du site à long terme. Et également sur sa capacité à réduire ses coûts de production, alors que le contrat de fourniture d'électricité négocié dans les années 1980 arrivera à son terme fin 2016. Un nouveau contrat prendra alors le relais, celui obtenu par le consortium Exeltium, qui réunit plusieurs entreprises grandes consommatrices d'électricité en France. « Mais il ne couvre, pour l'instant, que la moitié des besoins de notre usine », a indiqué Colin McGibbon. Or, ces besoins sont énormes. Avec une puissance installée de 450 MW, l'usine absorbe l'équivalent d'un demi-réacteur de centrale nucléaire. Elle utilise 2,3 térawatt-heure d'électricité par an, soit 0,6 % de la consommation française. D'où la nécessité pour le site d'améliorer son efficacité énergétique. Ça commence.
En fonctionnement dans sa totalité depuis le 10 juin, le four à cuire actuel consomme déjà 15 % de gaz en moins et rejette 23 % de CO2 de moins. Il a été dimensionné pour accueillir des anodes de plus grande dimension afin d'accroître de plus de 20 000 tonnes la production annuelle d'aluminium. Mais encore faudra-t-il que la deuxième phase du projet LeADer+ se concrétise. Elle nécessite plus de 80 millions d'euros d'investissement supplémentaires. « Les fondations sont en place. J'ai confiance dans nos capacités à atteindre nos objectifs », a lancé Colin McGibbon aux centaines de personnes présentes à l'inauguration, avant de donner la parole à son directeur technique Bassirou Mohamadou qui a ajouté : « On est allé arracher ces premiers 80 millions d'euros. On réussira à obtenir les suivants. »