En France, les déchets plastiques ménagers représentent les deux tiers des 2 millions de tonnes de plastiques usagés collectés en 2011. Si un quart sont recyclés, le reste fait l'objet, à relative égalité, d'une valorisation énergétique ou d'un enfouissement technique. Face à cette ressource gâchée, plusieurs sociétés ont relevé le défi de redonner aux plastiques non recyclés leur nature initiale de produit pétrolier.
Ainsi, la société américaine A g i l y x, i mp l a nté e dans l'Oregon, a rappelé au salon Pollutec, fin 2012, qu'elle a ouvert le bal en 2005 avec sa technique de conversion en quatre étapes : « pyrolyse par chauffage des déchets plastiques à plus de 400 °C, extraction des gaz, refroidissement, puis condensation des gaz en pétrole ». Depuis 2009, sa première unité de production convertit effectivement chaque jour 10 tonnes de déchets. Autre acteur historique majeur, le britannique Cynar PLC fait fonctionner depuis 2010 une unité pilote à Portlaoise (Irlande) dans le cadre d'un partenariat avec la société Sita UK, filiale de Suez environnement. Après amélioration de la phase de préparation et du prétri des déchets pour éviter la formation de gommes, la première unité de production devait être mise en service ce mois-ci à Avonmouth, près de Bristol, et convertir jusqu'à 20 tonnes de déchets par jour. Tandis qu'au Canada, la société américaine JBI s'est invitée dans la danse en 2009 et fait désormais fonctionner deux unités de production qui traitent chacune 43 tonnes de déchets par jour.
À l'aube d'une mise en œuvre industrielle des différentes technologies brevetées aux quatre coins du monde, le taux de conversion revendiqué est de l'ordre de 75 %, soit une production de 850 à 950 litres de gazole par tonne de plastiques traitée. Un résultat séduisant, qui « oublie » cependant de détailler trois points importants : la nature du plastique en entrée d'unité, les produits obtenus en sortie et leur prix de revient. « Soyons clairs, aucun procédé thermique ne produit un carburant directement utilisable dans un moteur : outre les composés gazeux et/ou solides produits, le liquide obtenu est en fait un ensemble d'huiles pyrolytiques qu'il faut ensuite distiller et stabiliser par des traitements complémentaires », précise Jean-François Gruson, à la direction économie et veille de l'IFP Énergies nouvelles. Et, selon certains experts, un mix de plastiques peu favorables en entrée pourrait même faire chuter le taux de conversion à 40 %.
Voilà qui ne facilite pas l'estimation du prix de revient réel de ces gazoles de conversion ! Comment l'évaluer alors qu'il dépendra, pour chaque unité et débouché de carburant produit différent, de facteurs inconnus à ce jour, comme l'investissement réalisé dans l'unité de conversion, son coût de fonctionnement (en tenant compte que tout ou partie de l'énergie consommée puisse provenir des sous-produits de la conversion), le prix réel d'une matière première « de qualité », le coût des traitements secondaires ? Et quels seront les taxes et éventuels financements de soutien à cette production de carburant particulière ? Malgré ce flou, les acteurs sont unanimes : d'une part, le prix de revient pourrait être comparable à celui du gazole issu du raffinage de pétrole, subventions et normes étant de mise dans les deux filières et, d'autre part, l'enjeu ne se trouve pas dans le volet économique de la conversion. « En supposant que le coût de revient de ce gazole lui soit favorable, les quantités que l'on pourrait produire en convertissant par exemple 50 % de la matière plastique résiduelle mondiale (environ 30 millions de tonnes) plafonneraient au mieux entre 15 et 20 millions de tonnes de gazole, quand on en consomme aujourd'hui 800 dans les transports. L'impact serait donc limité, indique Jean-François Gruson. En outre, ce carburant garde son caractère fossile et ne participerait quasiment pas à la réduction des gaz à effet de serre dans les transports. De ce point de vue, il est préférable de valoriser ces déchets en matériau plutôt qu'en énergie. »
Une unité de ce type sera-t-elle bientôt installée en France ? « Nous attendons le retour d'expérience de l'unité de production Cynar pour décider, en 2014, d'implanter ou non une première usine en France, indique Cyril Fraissinet, alors directeur industriel de Sita. Cela permettra d'améliorer le taux de valorisation global des déchets plastiques ménagers : une telle usine installée à proximité d'un centre de tri lui fournirait la quantité de gazole nécessaire à ses propres véhicules de collecte. » La (re) conversion des déchets plastiques ne promet donc pas de s'affranchir des enjeux environnementaux liés à la combus tion des hydrocarbures, mais plutôt d'optimiser l'utilisation de la ressource pétrolière et réduire les volumes de déchets plastiques éliminés par enfouissement.