D'après Revipap, groupement français des papetiers utilisateurs de papiers recyclables, 88 % des emballages en papier-carton sont actuellement recyclés en France. Un très beau résultat au regard des autres matériaux, les plastiques en particulier. En effet, d'après une étude de Valorplast basée sur des statistiques 2011, seuls 29 % des volumes consommés sur le territoire sont recyclés. D'où l'idée d'utiliser davantage de fibres cellulosiques dans les emballages. Mais celles-ci n'offrent pas aujourd'hui de qualités barrières suffisantes pour concurrencer efficacement le plastique. Le papier et le carton se dégradent rapidement au contact de l'eau et des graisses. Ils laissent également passer les gaz comme l'oxygène. Ce qui limite leur utilisation dans l'emballage, en particulier dans le conditionnement de produits frais. Mais pas pour longtemps, à en croire les innovations en cours qui leur confèrent de nouvelles qualités mécaniques et barrières, tout en maintenant leur propriété de biodégradabilité et de recyclabilité.
Les papetiers sont toujours à la recherche de solutions complémentaires pour ajouter des fibres recyclées dans la fabrication de leur pâte. Ces innovations les intéressent même si elles ne touchent que des marchés de niche. Car comme le souligne Noël Mangin, délégué général de Revipap, « le papier et le carton s'inscrivent dans une boucle matière quasi fermée. Les possibilités d'aller encore plus loin dans le recyclage sont limitées. Mais ce n'est pas pour autant que les industriels n'y travaillent pas ». Certains papetiers, comme le suédois Billerud sortent de nouvelles solutions d'emballage. Lancé en 2010, son FibreForm est un papier étirable et thermo-formable qui se dégrade et se recycle en fibres cellulo-siques. Gascogne Laminates lui a conféré des qualités barrières, sans nuire à ses possibilités de recyclage, qui ont été validées par le Cerec (Comité d'évaluation de la recyclabilité des embal-lages). L'industriel y a appliqué sa technique d'enduction à base aqueuse de polymères en émulsion. « Ils entrent fai-blement dans le papier et restent en surface. Comme ils sont en phase aqueuse, ils n'ont pas de résistance mécanique propre et se fragmentent aisément dans les installations de recyclage du papier. La récupération de ces fragments de polymère ne pose ensuite pas de problème », explique Florian Chapalain, responsable innovation au sein de l'entreprise. L'industriel utilise depuis plus de vingt ans cette technique pour la fabrication de papiers résistants aux produits gras et agressifs comme le ketchup. Sans sa collaboration avec Billerud pour l'amélioration du FibreForm, il n'aurait peut-être pas encore identifié ses vertus de recyclabilité. Grâce à cette enduction, le FibreForm ne laisse plus passer l'oxygène, ni la vapeur d'eau, ni les ultraviolets. Et comme il respecte la réglementation appliquée aux matériaux en contact avec les aliments, il est censé trouver des applications dans l'emballage de produits alimentaires. D'autant qu'il ne se déforme qu'au-delà d'une mise en profondeur de 50 mm et peut tenir au micro-onde à des températures allant jusqu'à 150 °C, voire 300 °C bientôt. Pour autant, l'aspect des impressions obtenues par héliogravure et flexographie n'a pas encore donné pleine satisfaction. Aussi, ses débouchés dans l'emballage alimentaire tardent-ils à se développer. Et jusqu'à présent, aucune utilisation sur de gros volumes n'a fait parler d'elle. L'arrivée de Malengé Packaging dans l'aventure pourrait changer la donne. Spécialisée dans l'impression offset de supports d'emballage, cette PME du Nord de la France a retenu l'attention de Billerud. Elle a montré sa capacité à imprimer sur le FibreForm des photos et des textes de très bonnes qualités. Elle utilise des encres pour l'impression qui ne nuisent pas au recyclage. Et sa bonne connaissance des industriels de l'alimentaire en recherche de solutions de conditionnements innovants donne à l'entreprise Billerud de réelles opportunités de développement pour son nouveau produit.
Une technologie de rupture
Une entreprise spécialisée dans la préparation de produits frais cuisinés prépare le lancement dans le circuit papetier de l'un de ses produits conditionné dans une écobarquette entièrement recyclable. L'annonce aura lieu cet automne. Malengé est maître d'œuvre commercial. « Billerud et Gascogne Laminates comptent sur nous pour faire évoluer leur nouveau produit en fonction des besoins des industriels de l'agroalimentaire. Nous nous sommes assurés d'un partenariat à long terme avec les deux groupes », indique Stefan Kirstetter, président de Malengé. La PME a également travaillé dans le cadre du projet de recherche Umbar, labellisé par le pôle de compétitivité Maud (Matériaux et applications pour une utilisation durable), sur la conception de sachets à base de film en papier. « Il nous faut encore l'adapter aux exigences techniques des machines de transformation d'emballage », souligne Stefan Kirstetter. De son côté, BT3 Technologies, en partenariat avec le Centre technique du papier (CTP), a créé un papier hydrophobe qui ne laisse passer ni les gaz ni les ultraviolets, tout en conservant la recyclabilité et la dégradabilité des substrats. Inventé accidentellement par le Dr Daniel Samain, alors qu'il était chimiste au CNRS, l'innovation repose sur un procédé de greffage moléculaire nanométrique de chlorures d'acides gras. Baptisé chromatogénie par son inventeur, ce traitement de surface s'applique à très haute vitesse et à haute température, entre 150 et 180 °C. La chauffe fait passer ce revêtement à l'état de vapeur avec pour conséquence un effet de diffusion instantanée et uniforme sur toute la surface du papier. « Nous n'avons pas besoin de créer de filière de recyclage spécifique pour notre produit qui ne dégrade pas du tout le process de recyclage des fibres cellulosiques employées par les papetiers », précise Olivier Muquet, directeur marketing et commercial de BT3 Technologies. Créée en 2010, la jeune entreprise a déjà déposé sept brevets. Son traitement s'applique au rouleau sur des bobines de papiers. Une déclinaison, encore à l'étude, facilitera les applications directes en 3D sur des emballages déjà constitués, comme des boîtes à œufs par exemple. « Nous négocions actuellement avec un grand groupe pour une diffusion de notre technologie à l'échelle mondiale », confie Olivier Muquet. Les applications sont multiples et pas seulement dans les emballages primaires de produits alimentaires. Elles pourraient éviter que le carton perde des parts de marché au profit du plastique grâce à une meilleure tenue à l'eau et à l'humidité. Il est aujourd'hui recouvert de paraffine pour améliorer sa résistance à l'eau mais un simple choc suffit à dégrader cette même paraffine qui, en plus, pose des problèmes aux papetiers lors du recyclage. Le CTP a réalisé dans ses locaux, à Grenoble (38), une ligne pilote industrielle. « Il s'agit d'une technologie de rupture sur laquelle nous sommes en phase préindustrielle. Elle devrait donner naissance, d'ici trois à cinq ans, à la création d'un outil de production capable de traiter des milliers de tonnes de papiers par an », avance David Guérin, manageur d'unité scientifique et technologique en nanotechnologie et surface fonctionnelle au CTP. Son équipe travaille également sur les procédés d'enduction en testant des solutions alternatives aux paraffines et aux cires utilisées dans l'industrie. « Nous en sommes à identifier quels sont les matériaux retenus les plus prometteurs. Fin 2013, nous lancerons des essais pilotes de production et en 2014, nous commencerons les tests de recyclage. À court terme, ces solutions seront adaptables sur le marché par les papetiers qui sont très demandeurs » ajoute David Guérin. Elles ne nécessitent pas de gros investissements et devraient aussi participer, comme celle de BT3 Technologies, à une plus grande diffusion des emballages en papier-carton dans l'industrie agroalimentaire. Mais tout ne repose pas sur les évolutions technologiques. Encore faut-il que les mentalités changent pour que la fibre cellulosique s'impose sur un marché majoritairement occupé par les emballages en plastique.