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otre objectif est de recycler 50 % des plastiques en 2025, autant dire demain. Il faut commencer tout de suite pour y arriver. » En quelques mots, Carlos de Los Llanos, le directeur du département recyclage d'Eco-Emballages rappelle que l'organisme agréé s'apprête à chambouler les règles de collecte des déchets d'emballages plastiques, entraînant une véritable révolution dans le paysage industriel et du recyclage.
En effet, après vingt ans de déploiement du geste de tri, à peine 23 % des emballages plastiques ménagers sont recyclés. D'où l'idée de simplifier les consignes et de demander au citoyen de mettre dans son bac tous les emballages en plastique : aux habituels bouteilles et flacons, s'ajouteront les pots, les barquettes et les films. L'essai a été mené auprès de 3,8 millions de personnes en 2012 et 2013, impliquant en aval 32 centres de tri et recycleurs. Il est en train d'être transformé avec le plan de relance du recyclage présenté fin 2014 avec le soutien de la Commission consultative d'agrément et celui du ministère de l'Écologie.
Aujourd'hui, les appels à projets pour sélectionner les collectivités participant à l'extension des consignes de tri et à la refonte des centres de tri sont ouverts jusqu'au 31 mai 2015. Une première liste de lauréats sera publiée fin juillet, pour un démarrage début 2016. Un calendrier très serré. « Ce plan de relance est une première étape pour le déploiement national. Nos prérequis sont donc exigeants. Ce n'est plus une expérimentation », insiste Carlos de Los Llanos. « Nous avons beaucoup appris avec l'expérimentation. Mais elle a été menée sur des bassins de population partiels, ce qui ne reflète pas la réalité. Nous allons encore apprendre beaucoup avec la nouvelle phase, qui portera sur au moins 75 % du bassin de population », tempère Catherine Klein, directrice générale de Valorplast.
Eco-Emballages espère recruter entre 8 et 10 millions de « nouveaux trieurs », qui rapporteront 450 000 t/an supplémentaires. Mais il ne s'agit pas seulement de tonnages. « Ce gisement est très différent : les déchets sont plus petits, plus souillés. Il n'y a plus de lien entre la forme du déchet, à la base des technologies de tri actuelles, et la matière qui le compose. De plus, il s'agit de trier un volume deux fois plus important, mais qui ne représente que 25 % de tonnage en plus », cadre Sylvain Pasquier, du service produits et efficacité matière de l'Ademe. D'où l'inadaptation du parc actuel des centres de tri qu'une étude prospective de l'Agence a détaillée en 2014. « Pour faire face aux volumes en jeu, il faut augmenter la capacité des centres de tri pour diminuer le coût d'exploitation. À ce jour, le parc est composé de centres de tri d'une capacité de 2 000 à 45 000 t/an. À l'avenir, il faut tabler sur 10 000 à 80 000 t/an », poursuit Sylvain Pasquier. Avec en corollaire, la réduction du nombre de sites à une centaine pour 240 aujourd'hui. « Cette évolution a déjà commencé : 61 % des plastiques étaient triés automatiquement en 2013, au lieu de 47 % en 2011 », rappelle l'expert de l'Ademe.
Eco-Emballages propose trois types de centres de tri, aux missions variables selon leur capacité. À 10 000 t/ an, des centres de tri simplifié qui prépareraient des flux de matières en mélange (les films, tous les autres plastiques, tous les papiers-cartons, tous les métaux), dirigés ensuite vers des centres de surtri. Exit, donc, les petits centres de tri manuel, pourtant générateurs d'emplois locaux faiblement qualifiés. À l'opposé, des grands centres, de plus de 60 000 t/an (correspondant à un bassin de population de 1,2 million d'habitants), qui affineraient les flux par résines pour les livrer directement aux recycleurs. Et entre les deux, des centres de 40 000 à 50 000 t/an.
Actuellement, les plus grandes unités, en France, ont une capacité de 45 000 t/an. Un volume que Paprec, par exemple, ne souhaite pas dépasser. « Je ne suis pas sûr qu'un site de 60 000 t/an soit performant. Vu l'étendue de la zone de chalandise, on perd en coût de transport ce que l'on gagne en productivité », évalue Sébastien Petithuguenin, directeur général adjoint de Paprec en charge du plastique. Sans compter que la configuration du centre influe sur la qualité des matières en sortie. Un petit centre manuel qui fait du tri positif peut produire des balles de très bonne qualité, alors que dans un autre très automatisé, le surtri est indispensable pour une bonne qualité. « Les centres de tri respectent les standards de qualité, mais on est à la limite de ce qu'on peut faire avec l'outil actuel », observe Carlos de Los Llanos.
Sans oublier qu'un des objectifs du plan est de maîtriser les coûts, avec un soutien fixé à 800 euros la tonne. « Dans l'expérimentation, trier les nouveaux plastiques a coûté en moyenne 1 700 euros la tonne car les centres de tri ne sont pas adaptés. Construire un centre de tri avec ce coût de revient est impensable », rappelle Carlos de Los Llanos. Mais ce chiffre est contesté. « Il a été calculé en rapportant les tonnes triées à l'investissement consenti, et à la durée de l'expérimentation. Mais en extrapolant à tout le territoire et avec une durée d'amortissement plausible, nous arrivons à un coût de 800 à 900 euros la tonne », détaille Vincent Casper, directeur général du Sigidurs, dans le Val-d'Oise, qui candidate avec un projet de 30 000 t/ an. « Ces 800 euros la tonne devraient être un coût cible, pas un coût de référence. Nous souhaitons plus de souplesse au démarrage. Le soutien pourrait être évolutif pendant deux à quatre ans, durant la période de réglage industriel », demande Jean-Philippe Carpentier, président de Federec. l