Dans la plupart des collectivités, la collecte occupe le premier poste de dépense du budget des déchets, loin devant le traitement. Les évolutions qu'a connues cette dernière ont en effet entraîné des hausses des coûts, dues au développement de la valorisation et du recyclage, à la complexification des organisations de collecte, à la multiplication des collectes séparées, et à la montée en puissance des déchetteries. Pour aider les collectivités locales à mieux connaître et gérer les coûts de gestion des déchets, des outils d'aide à la décision sont disponibles, notamment la matrice des coûts et la méthode ComptaCoût développées par l'Ademe.
Pour les collectivités, cette tâche est souvent difficile, car la maîtrise des coûts s'inscrit dans une équation plus large, à multiples entrées. Il faut prendre en compte la recherche d'augmentation des taux de valorisation, d'efficacité du service public, les questions de tarification, sans oublier de replacer l'usager au cœur du service « La collecte est le premier niveau de service en contact direct avec l'usager », rappelle Christelle Rivière, chargée de mission collecte, déchetterie, coûts et prévention des déchets à l'association Amorce. « C'est principalement sur cette base que repose la perception de la qualité du service public par la population. Par ailleurs, la collecte des déchets reste une activité relativement accidentogène pour les travailleurs et les usagers. Avec tous ces éléments, plus des contraintes d'exploitation assez fortes et des enjeux de maîtrise des coûts, on aboutit à une équation qui, pour les collectivités, n'est pas simple à gérer et à optimiser », conclut-elle.
Moins de tournées
Des expériences pour optimiser l'organisation et baisser les coûts de collecte se sont multipliées ces dernières années, accompagnées d'un cortège d'innovations techniques et logistiques. Elles vont bien au-delà des démarches classiques de réorganisation des tournées ou de renégociation des marchés. Sur la collecte des OMR et des recyclables, on constate par exemple une progression de la collecte latérale robotisée (véhicule avec bras de chargement des bacs), qui réduit l'équipage à un seul chauffeur. Ce dispositif est en place au Sirdomdi (49). Ce syndicat a également lancé la redevance incitative après avoir obtenu la dérogation préfectorale nécessaire pour passer à une collecte des ordures ménagères résiduelles tous les quinze jours. « Au total, en quelques années, nous avons réalisé plusieurs belles opérations contribuant à la maîtrise des coûts » se félicite Jacky Bourget, le président du syndicat. Si, en règle générale, pour les collectivités urbaines, il est difficile de percevoir les effets rapides de ces mesures, des résultats sont déjà tangibles au sein du Sirdomdi. Avec la collecte latérale et la baisse de fréquence des tournées, les coûts de collecte sont passés de 12 euros par habitant à environ 8 euros par habitant. Quant à la redevance incitative, elle a permis de faire baisser les tonnages collectés de 170 kg à environ 105 kg par habitant. Au total, les coûts de collecte et de traitement (avec les déchetteries) sont de 47 euros par habitant. Le syndicat insiste sur le fait que ces nouvelles pratiques n'ont pas engen-dré un « service minimum » sur la valorisation et le traitement des déchets. En effet, un tiers des déchets est recyclé ; un tiers, composté (à l'instar des déchets verts collectés en déchetteries et des déchets organiques issus de 10 000 tonnes d'ordures ménagères séparées sur une installation de tri mécanobiologique) ; le tiers restant, enfoui. En zone urbaine, de grandes agglomérations comme Angers, Orléans ou Rennes ont réduit les fréquences de collecte et favorisé l'harmonisation grâce à des systèmes informatisés sophistiqués pour suivre les tournées, les performances, gérer les plannings, croiser les données, orienter les actions correctives. Pour Bertrand Bohain, du CNR, la réduction de fréquence serait le seul facteur permettant d'obtenir des résultats efficaces. Il rappelle toutefois qu'elle se heurte à une obligation réglementaire (collecte des OM une fois par semaine) qui, malgré les demandes répétées des associations de collectivités, est toujours en vigueur : « Aujourd'hui, il faut obtenir une dérogation de cette règle à la préfecture, et ce n'est pas franchement facile », souligne-t-il.
Systèmes ciblés
Autre grande tendance, la mise en place de conteneurs enterrés placés en pied d'immeuble ou dans l'espace public pour s'attaquer à la collecte en habitat collectif dense. Un autre volet important concerne enfin les encombrants, au sujet desquels les modalités de la collecte sont en pleine évolution : vers des systèmes plus ciblés, sur rendez-vous, et souvent plus restrictifs. Naturellement, chacun de ces choix techniques ou organisationnels a des effets positifs ou négatifs en matière de coûts et mérite d'être fait dans le cadre d'une étude globale. Selon le CNR, le passage à l'apport volontaire pourrait influer sur la baisse des coûts même s'il est mal perçu par l'usager, car considéré comme une baisse de qualité du service. Malgré les apparences, un apport volontaire « performant » a tout de même un coût largement supérieur à celui que l'on constatait il y a une dizaine d'années : maillage plus dense, dispositifs électroniques à l'intérieur des bornes d'apport volontaire pour alerter quand elles sont pleines, propreté renforcée à assurer autour des points d'apport volontaire, etc. L'association mentionne également comme facteur impactant l'existence d'une concurrence sur le territoire pour les prestations de collecte. Cette donnée n'a cependant rien à voir avec l'organisation intrinsèque du service, et les collectivités n'ont aucune prise sur elle.
Autre dimension fondamentale dans les dépenses de collecte actuelles : le poids croissant des déchetteries, outils de plus en plus structurants de la politique de gestion des déchets. Depuis dix ans, les flux collectés sur ces installations ont en effet augmenté de plus de 35 %. Les tonnages captés en déchetteries constituent à eux seuls 33 % des déchets ménagers et assimilés collectés. En milieu rural, ce chiffre dépasse même 50 % dans certains territoires.
Des déchetteries en pleine évolution
Or, sur ce volet, de fortes évolutions sont à l'œuvre. Elles sont liées à l'intégration de nouveaux flux (nouvelles filières REP sur les meubles, les DDS), qui s'avère difficile sur des sites souvent très exigus, et à la réforme de la réglementation s'appliquant aux déchetteries (obligations nouvelles portant entre autres sur la sécurité). Ces deux éléments conjugués ont de lourdes incidences financières. Ils imposent, dans de nombreux cas, de rénover les déchetteries, voire de les fermer pour en ouvrir de nouvelles. C'est l'occasion d'intégrer des nouveautés comme le contrôle d'accès, qui gagne du terrain. Parmi les autres tendances qui se généralisent, on peut souligner la multiplication des flux acceptés en déchetteries selon les solutions locales disponibles (plâtre, disques compacts, vitres, etc.), ainsi qu'un raisonnement de plus en plus abouti sur le parcours des déchets, pouvant se traduire par l'intégration d'une étape de réemploi en première ligne. La déchetterie couplée à une ressourcerie se développe également, avec l'avantage de mieux incarner la notion de service à l'usager. De nouveaux concepts naissent comme la déchetterie à plat avec dépose au sol, créée en 2014 à Gignac et Saint-André-de-Sangonis par le Syndicat Centre Hérault. « Cette conception novatrice avec des casiers de plain-pied facilite l'utilisation du site par les usagers, répond à des enjeux de massification des flux et de capacité d'accueil, et surtout, apporte de la sécurité en éliminant tout risque de chute », souligne Michel Saintpierre, le président du syndicat.