RR : Que pensez-vous du traitement réservé aux déchets par le projet de loi sur la transition énergétique ? Jean-Patrick Masson : Son passage au Sénat a permis cer taines avancées comme le retour au traitement mécanobiologique ou l'étude préalable sur les biodéchets, donnant la possibilité aux collectivités de s'adapter et de prendre leur temps. Alors que ce projet de loi retourne devant l'Assemblée nationale, nous en avons profité pour envoyer un courrier aux députés afin de souligner ces améliorations et d'aller encore un peu plus loin. Les collectivités ne sont pas contre l'instauration d'objectifs, mais qu'on nous laisse la liberté des modalités pour les atteindre. Nous demandons sim plement aux pouvoirs publics et aux politiques de nous faire confiance. Il s'avère que les déchets en France sont plutôt bien gérés. La législation ne peut pas ignorer les différences territoriales, géographiques, économiques et sociales auxquelles les collectivités sont soumises. Au-delà de ce projet de loi, on peut regretter que le sujet sur l'économie circulaire et les déchets ait été intégré dans une loi très large, alors qu'il aurait mérité une place plus importante au regard du travail réalisé par les parties prenantes comme les associations et le CND.
RR : Quelle est votre position sur l'évolution inévitable des centres de tri ?
J.-P. M. : Ce sujet se trouve au centre de nos débats avec notamment la valorisation des ressources et l'extension des consignes de tri à de nouveaux emballages. Il s'agit de mettre en œuvre un travail conjoint entre collectivités et industriels. La frontière est assez mouvante, et on peut s'interroger sur la vocation de la collectivité qui ne devrait réaliser que le tri et pas le surtri. Le surtri nous éloigne de nos compétences. Il incombe, il nous semble, aux industriels qui ont des intérêts économiques à affiner la matière. Nous sommes donc amenés à être plus vigilants au regard de l'évolution du tri des plastiques et du papier par exemple. La question se pose particulièrement pour les petits centres de tri qui, pour des raisons techniques et économiques, ne pourront pas se développer. Encore une fois, la diversité du territoire doit être prise en compte avant qu'on ne choisisse d'agrandir un centre de tri ou de le fermer sous prétexte qu'il est trop petit et pas performant. À moyen terme, les centres de tri sont voués à évoluer vers des tailles plus importantes. Nous risquons d'être confrontés au monde industriel alors que les responsables des déchets des collectivités n'ont pas à prendre de risques économiques dans ce domaine.
RR : À la suite du dossier ERP, quelle est votre réflexion sur le rôle des éco-organismes ?
J.-P. M. : La filière DEEE concernée par le non-renouvellement de l'agrément d'ERP est la seule REP française où il existe trois éco-organismes. Pour les collectivités, cet incident de parcours n'a, en apparence, pas d'impact direct sur leur gestion des DEEE. Cela ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur le déséquilibre entre les deux éco-organismes restants, dont l'un domine clairement le marché. Le dossier ERP est une situation inédite pour les collectivités qui étaient liées à ce dernier. Elles ne savent pas vraiment si elles doivent recourir à un autre éco-organisme ou attendre au cas où ERP reviendrait dans le circuit. Les règles étant les mêmes pour tous les éco-organismes, les collectivités concernées n'ont toutefois pas à s'inquiéter sur les soutiens perçus ; l'OCAD3E étant chargé de prendre le relais. En ce qui concerne les éco-organismes, nous demandons à l'avenir plus de clarté juridique et un respect des cahiers des charges. Cela va nous occuper, je pense, une bonne partie de cette année.
RR : Quelles sont les actions prioritaires du CNR ?
J.-P. M. : Si je ne suis président du CNR que depuis un an, ma présence au sein de cette structure est beaucoup plus ancienne, puisque je suis entré comme trésorier en 2001. Depuis quelques semaines, nous menons de front plusieurs actions contre les éco-organismes. Nous avons notamment fait appel à la suite de la décision du tribunal administratif de Paris* de rejeter notre requête déposée début 2011 contre l'agrément d'Éco-Emballages. Ce n'est pas une procédure classique. Si nous persistons dans notre démarche, c'est parce que nous voulons faire avancer les choses et clarifier la situation. Nous ne comprenons pas pourquoi le juge ne nous répond pas face à une illégalité que l'on dénonce, « la subordination entre l'objectif de 75 % de recyclage et le versement de 80 % des coûts nets de référence », alors que la loi Grenelle de 2009 mentionnait très distinc tement ces deux objectifs. Si l'on obtient gain de cause, on sait que la période d'agrément sera presque finie, mais au moins, cela servira à mieux encadrer le prochain agrément qui commencera en 2017. On a affaire à une société privée qui évolue dans du droit public, d'où cette ambiguïté qui persiste et crée un statut bâtard. Avec Amorce, le CNR a par ailleurs adressé une lettre à la ministre de l'Écologie lui demandant d'intervenir dans le différend qui les oppose à Éco-mobilier. Nos deux associations protestent contre l'application rétroactive, pour le second semestre 2014, de la baisse des soutiens aux meubles collectés en mélange. Une fois encore, cet exemple montre un déséquilibre au bénéfice des éco-organismes.