En priorité, les collectivités ont un rôle fondamental à jouer dans l'animation des démarches territoriales d'économie circulaire, afin qu'elles s'inscrivent dans le temps sans s'essouffler. Il leur faut pour cela prévoir les outils et moyens pour faire vivre la démarche. Cela peut nécessiter par exemple de trouver des relais, des animateurs territoriaux, des acteurs-tiers locaux, des agents facilitateurs. À l'interface entre les parties prenantes sur le terrain, ils auront à diffuser les objectifs, devenir un centre de ressources, faire circuler l'information, prolonger la coopération…
Les collectivités participent aussi directement, en étant elles-mêmes à l'initiative de projets. C'est le cas du chantier du futur parc d'activité Les portes du Tarn. Ce projet, qui doit voir le jour au printemps 2016 à une vingtaine de kilomètres de l'agglomération toulousaine, a été imaginé par la communauté de communes Tarn-Agout et le conseil départemental du Tarn. Le parc de près de 200 ha, planifié sur vingt à trente ans, est développé par une société publique locale d'aménagement, constituée par le Département et un syndicat mixte, la Spla 81. Le projet s'articule autour d'une approche systémique et de synergies entre acteurs. L'un des enjeux est de minimiser l'utilisation de ressources non renouvelables et importées (combustibles fossiles, matières premières), en tablant sur l'échange, ou le partage de flux disponibles localement. Une autre priorité est la mutualisation des besoins et la mise en place de solutions optimisées (livraisons, achats, approvisionnement en matières premières, équipements…).
À défaut d'être directement à la manœuvre, les collectivités peuvent apporter un soutien à des porteurs de projets locaux. « Le passage à l'acte est une étape décisive. Après la sensibilisation et l'incitation, puis l'expérimentation et la démonstration, vient une nécessaire “industrialisation” ou un changement d'échelle des innovations mises en place, rappelle Alain Geldron. Or dans cette phase, le soutien des collectivités peut s'avérer décisif. L'aide, qu'elle soit matérielle, financière, foncière ou méthodologique, est souvent un déclencheur ou un catalyseur. » La Région Rhône Alpes a ainsi, en 2013, avec l'Ademe, lancé l'appel à projets Écologie industrielle et territoriale, avec, à la clé, un accompagnement pendant deux ans pour deux territoires déjà inscrits dans des démarches environnementales. Le premier lauréat est l'Association des industriels de la région de Meyzieu (Airm), qui réunit 240 entreprises de l'est lyonnais. En permettant le financement d'un animateur et l'accès à des bureaux d'études, l'aide a apporté un prolongement aux travaux d'animation et de mutualisation déjà réalisés. L'Airm planche sur la construction d'une vision qualitative et quantitative de nouvelles synergies industrielles sur le territoire, avec des scénarios à court, moyen et long terme, et des projets concrets (réseaux d'eau chaude, fermes solaires, etc.).
Le second lauréat, l'association Biovallée, couvre les commu nau tés de communes du val de Drôme, du Diois, du Pays de Saillans et du Crestois. Il présente la particularité de coupler l'enjeu d'un Tepos (territoire à énergie positive) et celui de l'économie circulaire. Parmi les nombreux projets témoignant de l'émergence d'une économie collaborative sur cet espace, deux opérations en cours sont à citer : un smart grid de l'épuration qui va lisser les capacités d'épuration sur et sous-utilisées sur le territoire par un fonctionnement en réseau, et la mutualisation de véhicules. « Être lauréat de l'appel à projets régional est une reconnaissance du potentiel de réalisation de notre territoire et de ses acteurs. Cela nous donne de la visibilité, des moyens pour mener à bien notre action et nous stimule pour obtenir des résultats », estime Robert Arnaud, président de l'association. En accompagnant et en finançant ainsi des actions à l'échelle locale, les collectivités contribuent à créer un maillage du territoire par des opérations vitrines, qui influenceront progressivement les modes opératoires.
Un autre levier d'action réside dans la réorientation des politiques publiques. Ainsi, la feuille de route du plan d'économie circulaire de la Région Aquitaine contient 20 leviers d'action, structurés par pilier de l'économie circulaire. Il est question par exemple de développer une offre de formation adaptée, de soutenir des travaux de recherche ciblés en lien avec l'industrie, d'encourager la recherche sur de nouveaux business models de la fonctionnalité, de lever les freins à la consommation de matériaux recyclés, d'aider les PME à une transition vers l'économie circulaire… Pour assurer une déclinaison opérationnelle de la stratégie territoriale d'économie circulaire, il ne faut pas négliger de lui faire une place, en reprenant ses priorités, objectifs et actions, au sein des documents stratégiques et de planification : schéma directeur de développement économique, schéma de cohérence territoriale, schéma d'aménagement et de développement durable du territoire, schéma régional climat air énergie, plan climat-énergie territorial, Agenda 21…
Les collectivités doivent par ailleurs montrer l'exemple, dans leur propre ge stion. Considérant que la commande publique est l'un des plus puissants leviers dont elles disposent, il y a tout un travail à effectuer avec les acheteurs publics pour la prise en compte de l'économie circulaire. Ce volet constitue une autre façon de faire évoluer les pratiques et les offres des acteurs économiques. Et puis, il faut également que les collectivités s'attachent à concevoir, construire et gérer leur patrimoine, bâti et roulant, de manière responsable, avec une attention particulière à la réduction de la consommation des ressources, à l'économie de la fonctionnalité et au recyclage et réemploi des déchets.
Enfin, elles peuvent apporter leur soutien à la recherche et à l'innovation, un aspect essentiel du développement de l'économie circulaire. Elles peuvent ainsi agir pour favoriser l'intégration des thématiques de l'économie circulaire au sein des dynamiques d'innovation existantes, dans la feuille de route des pôles de compétitivité et clusters, des structures de recherche, dans les programmes d'incubation et les technopoles. Les collectivités sont également en capacité d'encourager la collaboration entre acteurs de la recherche et acteurs industriels sur ces questions, de favoriser la mise en réseau, le bouillonnement des idées, l'incubation de nouvelles activités, les fabriques à initiatives, jusqu'aux plateformes de consommation collaborative et autres catalyseurs d'initiatives citoyennes et associatives sur le sujet de l'économie circulaire. Elles peuvent apporter un soutien à l'installation de démonstrateurs pour valider en conditions réelles de nouveaux dispositifs, tester leurs modèles économiques et leur acceptabilité sociale. l