Il se classe volontiers dans la catégorie des dinosaures de la profession. Mais a toujours l'œil pétillant quand il parle de son métier. Président de Federec-Région Île-de-France, depuis 2009, Pierre Marandon ne vit pas dans le passé. Il transmet volontiers sa vision du marché de la récupération, et continue d'œuvrer pour faire évoluer sa profession, avec le bon sens comme valeur cardinale. Et une certaine humilité : « Un métier comme celui de la récupération et du recyclage ne peut pas fonctionner sans un environnement industriel important, nous ne sommes que des entreprises de services, nous vivons grâce aux vrais fournisseurs de matières. »
C'est au milieu des années 1970 que Pierre Marandon reprend l'entreprise familiale créée par son arrière-grand-père en 1875 à Argenton-sur-Creuse (Indre), et un peu réorientée vers la ferraille et les métaux par son père vers la fin des années 1950. « J'avais planté Sciences-Po et j'étais parti aux États-Unis pour tenter ma chance en 1972. » Il suit brièvement des cours à Harvard Business School, puis s'installe dans le Connecticut, mais décide de rentrer pour succéder à son père. « Je savais que je pouvais développer et moderniser une entreprise, alors pourquoi aller chercher fortune à l'autre bout du monde. » Dans les années 1970, la région d'Argenton voit péricliter le secteur de la confection de chemises, donc le recyclage des déchets de coupe, une grosse activité pour l'entreprise. Et au début des années 1980, Pierre Marandon se lance dans ce que l'on n'appelle pas encore les DIB. Commence alors le recyclage des plastiques, des métaux, des papiers-cartons et de moins en moins de textiles. « L'erreur a été cependant de ne pas se rapprocher d'une grande ville, car on faisait beaucoup de kilomètres et il fallait s'équiper pour traiter chaque déchet. » En 1993, il monte le premier chantier de tri des DIB en région Centre après les déclarations de la ministre de l'Environnement de l'époque – et d'aujourd'hui – Ségolène Royal, « qui annonçait la fin des décharges pour 2002 ». « Le dirigeant d'une grande société m'avait confié au milieu des années 1990 qu'il n'en serait rien, il avait raison. »
Le bon sens comme valeur cardinale
À la fin des années 1990, Pierre Marandon est approché par les grands du secteur. « Je n'étais pas spécialement vendeur, j'avais 53 ans, mais j'ai fini par vendre mes par ts à Sita fin 1999, car j'ai senti que c'était une période charnière pour le métier. » Il reste dans l'entreprise jusqu'en 2007, « jusqu'au jour où je ne reconnaissais plus le métier que j'avais exercé, on me demandait du reporting, des tableaux Excel croisés dynamiques avec des indices “pas idiots”, on me montrait comment rendre les comptes attractifs, bref on s'éloignait du terrain ». On lui propose alors de devenir formateur, de présenter les métiers du recyclage. Transmettre son expérience l'intéresse, mais il est frustré par le manque d'enthousiasme des commerciaux. Il quitte alors l'entreprise et monte une société de conseil et de négoce en 2008, pour un bon client… Sita. Puis une petite boîte de négoce à Hong-Kong.
Une volonté : rester proche du terrain
Parallèlement à ses activités professionnelles, Pierre Marandon faisait partie de ce qu'il appelle « l'équipe de choc de Jean-Philippe Sep-chat », au sein de Federec-Région parisienne. Et quand, en 2009, le patron de SLG Recycling décide de quitter la présidence après 16 ans de mandat, il accepte de prendre la suite. « Il y a beaucoup de travail autour des vols de métaux et des conventions signées avec toutes les préfectures, des sujets comme le suivi des REP et les évo-lutions réglementaires, mais aussi les actions de commu-nication et de lobbying, que nous devons développer au sein de Federec. » S'il avance quelques progrès en la ma-tière sous l'impulsion de Jean-Philippe Carpentier, pré-sident de Federec, il reste lucide : « Nous avons encore beaucoup de chemin à faire et des réflexes à changer. Il faut que nos membres soient plus visibles, plus présents dans les chambres de com-merce, communiquent mieux sur leur métier. » Ce qui ne l'empêche pas de regretter la place trop grande prise aujourd'hui par la commu-nication au détriment de la réalité de terrain. n Guillaume Arvault