Dans le paysage industriel de Mannheim (Allemagne), les deux cheminées de la centrale thermique de MVV Umvelt surplombent l'imposant site d'exploitation. Créée en 1965, c'est la plus importante usine d'incinération exploitée par la société, valorisant les déchets ménagers de plus d'un million d'habitants de la région Rhin-Neckar.
Une gestion des déchets à l'allemande
À l'image de l'impressionnante pince de la chaîne n° 6, récupérant une tonne de déchets à chaque prise, MVV valorise sur ce site 700 000 tonnes par an, contre 90 000 en moyenne en France (220 000 pour Semardel en Essonne). Outre les ordures ménagères (OM), environ 25 % sont des déchets industriels banals (DIB), issus d'artisans et d'entreprises locales. En Allemagne, depuis l'interdiction de mise en décharge en 2005, les déchets ménagers et assimilés sont incinérés. « Une de nos grandes forces avec MVV, c'est de savoir gérer des gise-ments mixtes (OM-DIB), alors que les leaders du secteur en France (Veolia et Suez Environnement) gèrent sur la base de gisements classiques (OM). Il va être difficile pour eux de s'adapter aux transitions du marché, avec la baisse structurelle des OM », souligne Éric Chevaillier, directeur commercial de Semardel.
Dans la cabine de pilotage avec vue sur la fosse de 34 000 m³, le technicien aux commandes de la grue brasse les déchets avant de les charger dans la chaudière. « Cela favorise le travail de combustion et garantit un pouvoir calorifique uniforme », précise Caroline Gatel, ingénieure française chez MVV depuis deux ans. En contrebas, les déchets déposés sur la grille d'incinération brûlent à 1 300 °C. Le four est allumé au gaz, mais la combustion se fait grâce à l'injection d'air lors du chargement. « L'incinérateur fonctionne sept jours sur sept et, en cas de panne, nous pouvons continuer à réceptionner les déchets de nos clients pendant 27 jours », ajoute la direction de MVV.
Ouverte en 2009, la chaudière n° 6 a augmenté la capacité de traitement thermique de 10 %. Outre la production d'électricité traditionnelle, la vapeur générée est utilisée pour alimenter le réseau de chaleur de Mannheim, cinquième d'Allemagne. Quant aux résidus non combustibles, ils sont récupérés et réutilisés, à l'instar des mâchefers dans la construction de route et l'aménagement urbain. Cette technologie de pointe a un prix : 600 millions d'euros d'investissement en dix ans pour l'ensemble des exploitations de l'entreprise… qui a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 200 millions d'euros en 2012.
Un partenariat alternatif gagnant-gagnant
MVV Umvelt, spécialiste de la valorisation énergétique des déchets, ne fait pas de collecte. Avec Semardel, MVV a trouvé un partenaire complémentaire, expert sur toute la chaîne de gestion des déchets, compétence unique en France. Réciproquement, Semardel va s'enrichir du savoir-faire technologique et innovant de l'entreprise allemande, « à la pointe de l'optimisation des outils industriels », ajoute Michael Class, directeur général de MVV. Par la création d'une nouvelle société publique commune, Seve Energie, lancée début mai et dirigée par un Français (Olivier Schwartz, ancien de chez Sita), l'alliance franco-allemande « souhaite offrir une alternative performante et économique aux collectivités », explique Éric Chevaillier, par ailleurs conseiller régional d'Île-de-France. « Ce partenariat est un projet passionnant, parfois un challenge culturel, mais nous avons trouvé notre dynamique ». Avant de conclure : « Nous ne sommes plus des gamins ! » Le message est clair : Seve Energie est lancée dans la course aux appels d'offres pour les 50 nouveaux incinérateurs sur le territoire. n Marion Chastain