Traiter des tonnages variables dans des installations conçues pour recevoir des flux réguliers relève de la quadrature du cercle. C'est pourtant ce que font les collectivités où la fréquentation touristique fait bondir le nombre de résidents quelques mois par an. Seul l'enfouissement s'accommode de gisements entrants en dents de scie. « Ce mode de traitement à de nombreux défauts, mais il a le mérite d'être souple », concède Pierre Vignaud, de l'Ademe Languedoc-Roussillon. Les centres de transfert peuvent absorber des fluctuations, mais dans une certaine limite. Et au prix d'un surdimensionnement pour recevoir les pics saisonniers. « La période de Noël et du jour de l'an est celle où arrive beaucoup de verre, alors même que les transporteurs sont moins disponibles », témoigne Tanya Sinceretti, directrice du Sitom des vallées du Mont-Blanc, qui vient de construire une nouvelle plate-forme pour ce flux. « Nous allons travailler avec notre prestataire pour qu'il intègre mieux nos demandes d'enlèvement dans son planning. » De même, sur son quai des recyclables, le Sitom a doublé le nombre de caissons qui lui servent de stockage tampon.
Surdimensionnement et stockage temporaire se retrouvent dans les centres de tri. Celui de Pizzorno, au Muy, reçoit 20 000 tonnes par an de collectes sélectives, provenant d'une partie du Var, dont l'agglomération tropézienne. L'été, les tonnages augmentent et les volumes gonflent, du fait d'une plus forte présence d'emballages de boissons. Les capacités de stockage sont fonction des arrivages du mois d'août, à hauteur de deux collectes par semaine. Comme dans les activités de collecte, l'installation passe en deux postes, de mi-juin à mi-septembre environ. « De plus, nous proposons aux agents volontaires d'effectuer une heure supplémentaire par jour, en vue de travailler en 2 x 8 », indique David Valour, directeur adjoint valorisation de Pizzorno. En parallèle, le centre baisse de régime, pour traiter 9 tonnes l'heure, au lieu de 11. « Ceci en raison de la moindre densité du flux et du plus grand nombre d'objets à trier », détaille David Valour. La saison haute est toute entière tournée vers la production. C'est donc en dehors de cette période que l'entreprise effectue le recrutement et la formation de ses saisonniers et qu'elle conduit ses maintenances préventives. Celles curatives se font la nuit, lorsque les chaînes de tri sont à l'arrêt.
En incinération, une unité dimensionnée pour les seuls mois à fort tonnage pâtirait d'un vide de four le reste du temps. À moins d'envoyer ses excédents vers un autre site, une solution consiste à lisser les crêtes. Qui dit lissage, dit stockage, ce qui entre dans le champ de la rubrique 2716 « transit, regroupement ou tri de déchets non dangereux non inertes » des installations classées pour la protection de l'environnement. Si ces déchets sont susceptibles de provoquer des dégagements gazeux, leur stockage ne doit pas dépasser trois jours. Dans les autres cas, cette durée est en moyenne de six mois maximum. D'où un conditionnement qui limite la fermentation, couplé à une surveillance du risque d'incendie. Les ordures ménagères sont mises en balles, et sous film, comme dans l'unité pyrénéenne du Sydetom 66 à Calce, après criblage des fines, à forte teneur en fermentescibles, et extraction des gros éléments de type palettes. L'usine landaise du Sivom des cantons du pays de Born, à Pontenx-les-Forges, a recours à un autre conditionnement : « Nous utilisons une presse à coffre et, grâce à sa force de compactage, l'oxygène ne pénètre pas, sauf sur les premiers centimètres », détaille Stéphane Bertrand, directeur régional d'exploitation chez Tiru, exploitant du site. Leur forme parallélépi-pédique permet un gain de place, aussi bien à Calce qu'à Pontenx, deux sites gérés par Tiru.
La méthanisation est peut-être le procédé le moins compatible avec des fluctuations : « Il supporte mal de fortes variations du gisement, en composition ou en quantité, souligne Nicolas Roussat, responsable déchets d'Amorce. Et la mise en balles serait notamment susceptible d'engendrer une perte en pouvoir méthanogène. » En incinération, un tel lissage contribue à optimiser la valorisation énergétique. Car ce n'est pas l'été que les tarifs de rachat de l'électricité, ni les besoins en chaleur ne sont les plus élevés (bien que des réseaux de froid existent). Sauf à ce qu'un industriel à proximité ait des besoins toute l'année. C'est le cas à Pontenx, qui a atteint de 80 % d'efficacité énergétique depuis qu'il livre sa chaleur à 10 ha de serres agricoles. « Ainsi, nous transformons une unité de traitement des déchets en une centrale thermique, avec une production régulière sur l'année, grâce au stockage du combustible, complète Stéphane Bertrand. La variation touristique nous pousse plus vite à aller vers ce type de démarche. » l