En matière d'autorisation d'urbanisme, la responsabilité de la commune est généralement engagée pour faute, la commission d'une illégalité étant toujours constitutive d'une faute, que cette illégalité soit de fond ou de forme, étant précisé que l'annulation d'une décision en matière d'urbanisme pour vice de forme n'ouvre pas droit à indemnité (CE, 20 mars 1985, commune de Villeneuve Le Roi c/ époux Ruby, rec. CE, tables, p.815). Les fautes de la commune en la matière consistent soit en actes illégaux, soit en agissements illégaux.
Les actes illégaux peuvent survenir à différents moments de la délivrance des autorisations d'urbanisme :
- préalablement au dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme, lors de la délivrance du certificat d'urbanisme ;
- lors de l'instruction de la demande ;
- lors de la délivrance de l'autorisation d'urbanisme ;
- postérieurement à la délivrance de l'autorisation, en cas de retrait ou de refus de transfert.
Responsabilité liée
à la délivrance de certificat d'urbanisme
La délivrance d'un certificat d'urbanisme positif suivie de la délivrance d'un permis de construire, par la suite annulé, est susceptible d'engager la responsabilité de la commune (CAA Marseille, 17 octobre 2007, SCI Corin, n°05MA00047). En l'espèce, le certificat d'urbanisme faisait état de la constructibilité d'un terrain situé en zone NB du POS. Au vu de ce certificat, la SCI avait acquis le terrain, lequel était situé sur un promontoire rocheux dominant la mer. Ce certificat d'urbanisme positif a été délivré en violation de l'article L.146-4 du Code de l'urbanisme qui n'autorise, dans les espaces proches du rivage, que l'extension de l'urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants ou la création de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement.
Dans le même esprit constitue une faute de la commune :
- la délivrance d'un certificat d'urbanisme pour un terrain compris dans la partie naturelle d'un site inscrit ou d'un cap, lequel constitue un espace remarquable au sens de la loi « Littoral » (TA Nice, 6 novembre 1997, Anders, BJDU, 1/1998, p.28) ;
- la prorogation de certificat d'urbanisme mentionnant un coefficient d'occupation des sols de 0,9, sans faire aucune réserve tenant à la sensible réduction de constructibilité impliquée par les dispositions de la loi du 3 janvier 1986, dite « loi Littoral », lesquelles rendaient impossible la réalisation du projet dont les certificats d'urbanisme attestaient la faisabilité (C.E., 7 mai 2007, Ste. Immobilière de la Banque de Bilbao et de Viscaya d'Ilbarritz, n°282311) ;
- la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif déclarant à tort le terrain inconstructible ayant dissuadé un particulier de l'acquérir (CE, 28 avril 1971, Berger-Sabatel, Rec.CE, p.313).
Même si l'instruction des demandes a été confiée aux services de la DDE dans le cadre d'une mise à disposition, le principe est que, lorsque les services de l'Etat ou du Département agissent pour le compte d'une commune, c'est aux risques et périls de cette dernière (C.E., 21 juin 2000, Ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement c/ commune de Roquebrune Cap Martin, BJDU, 3/00, p.191). La responsabilité de l'Etat est cependant engagée en cas de négligence ou de refus de suivre les instructions du maire (CAA Bordeaux, 8 avril 1993, DA, 1993, n°364).
Le refus d'enregistrement ou d'instruction de la demande est également fautif (C.E., 23 octobre 1987, Bleibtreu, n°59072).
Responsabilité lors
de la délivrance des autorisations d'urbanisme
Dans le cadre de la délivrance des autorisations d'urbanisme constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune :
- la délivrance d'un permis de construire illégal (C.E., 13 novembre 2002, SCI Les Rosiers, JCP A, 2003, p.33, n°1019 ; CAA Marseille, 6 décembre 2007, n°05MA00766) ; CAA Bordeaux, 15 mai 2008, SARL « Re La Blanche », n°06BX01891 ; CAA Marseille, 11 juin 2008, n°06MA01533 ) ;
- la délivrance d'un permis de construire comportant des prescriptions irréalisables (CAA Nantes, 6 février 2007, Cne de Dordives, n°06NT00533). En l'espèce, le maire de Dordives avait délivré un permis de construire pour l'édification d'une maison d'habitation, prescrivant la mise en place d'un dispositif individuel d'assainissement d'un type précis, décrit dans le permis, que l'autorité municipale devait expressément agréer avant son installation. A la suite des difficultés rencontrées au cours des travaux pour l'installation de ces dispositifs d'assainissement, une étude conduite par un cabinet spécialisé, effectuée à la demande des pétitionnaires conclut à l'impossibilité de réaliser le dispositif ainsi exigé, en raison des caractéristiques de la parcelle concernée ne permettant pas une infiltration satisfaisante des eaux à l'arrière de l'habitation et ménageant un espace insuffisant à l'avant et sur les côtés de cette dernière. En prescrivant la réalisation d'un dispositif répondant à des caractéristiques précises faisant obstacle à ce que ce système puisse être mis en place sur le terrain d'assiette du projet, le maire commet une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
- sursis à statuer illégal (C.E., 7 mai 1983, SCI de Beconcelles, n°46172) ;
- refus illégal de permis de construire (CAA Douai, 24 janvier 2008, SCI Pré Vert, n°07DA00780), la responsabilité fautive de la commune n'étant pas écartée par la délivrance ultérieure du permis demandé (CAA Paris, 27 avril 1999, SC Le Cèdre, n°96PA00465).
Responsabilité postérieure à la délivrance de l'autorisation d'urbanisme
La responsabilité fautive de la commune peut découler :
- d'un retrait illégal du permis de construire (TA Nice, 11 mai 2001, EURL Les Maisons Cannoises et autres c/ Cne de Villeneuve Loubet, n°97-1518).
Le retrait peut intervenir notamment à la suite d'un recours par des riverains : ainsi pour un retrait au motif que la voie desservant le projet était insuffisante pour permettre la circulation de convois funéraires, l'activité funéraire envisagée posant des nuisances sonores nocturnes. L'illégalité du permis de construire ainsi délivré, puis retiré, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune (CAA Bordeaux, 12 juin 2007, Ste. Maison Tarin et Fils, n°05BX00217) ;
- refus de transfert (C.E., 8 novembre 1989, Degouy, les Petites Affiches, 31 octobre 181, p.12).
Les agissements illégaux
Les agissements illégaux constituent une cause de la responsabilité de la commune et leur panorama est extrêmement varié. L'incitation, la promesse non tenue : une commune ne saurait s'engager par un protocole transactionnel à modifier son document d'urbanisme en vue de favoriser un projet, un tel protocole étant entaché de nullité d'ordre public (CAA Lyon, 26 mai 1998, commune de Divonne les Bains, BJDU, 4/1998, p.310). Il en va de même de l'incitation à passer un contrat avec un architecte et entreprendre sans délai une construction, avant qu'une décision d'autorisation a été prise (CE, 13 nov. 1974, Coulibeuf, rec. CE, p.567) ; Les renseignements erronés peuvent également engager la responsabilité de la commune : il en va ainsi de l'absence d'NOTErmation de l'administration quant à l'existence de projets d'aménagement susceptibles de nuire à l'intéressé (CE, 1er décembre 1978, Ministre de l'équipement c/ Douxuan, RDP, 1979, p.1177). Le préjudice peut résulter également de la succession de décision illégales ayant pour but d'empêcher la réalisation d'un projet de construction (CE, 28 octobre 1987, SCI Résidence Neptune, rec. CE, p.332).
Atténuation de la responsabilité de la commune
La responsabilité de la commune peut à la fois être partagée avec la victime ou avec l'Etat. La faute de la commune peut être atténuée par celle de la victime (voire même l'exonérer), le Juge opérant alors un partage de responsabilité entre la victime et la commune. Cela recouvre l'hypothèse où la victime a elle-même contribué à la réalisation de son propre préjudice par un comportement fautif qui résulte soit de la connaissance qu'elle aurait pu avoir de l'illégalité commise, soit de son imprudence dans l'engagement de dépenses pour l'exécution de travaux autorisés.
- L'illégalité peut d'abord avoir pour source des renseignements erronés fournis par la victime. S'agissant d'un plan de masse comportant des indications erronées, la Cour administrative d'appel de Nancy retient que, s'il appartenait au maire de vérifier l'exactitude des mentions portées sur le plan, les carences des pétitionnaires dans la vérification des caractéristiques des réseaux existants et les renseignements inexacts qu'ils ont fournis, sont de nature à atténuer la responsabilité de l'administration dans une proportion de moitié (CAA Nancy, 12 décembre 1991, Delobette, n°89NC01363).
- La responsabilité de la commune est totalement exonérée pour avoir délivré un permis de construire contraire aux dispositions de l'article NB 5 d'un POS relatif aux caractéristiques des terrains, dès lors que l'erreur sur la superficie du terrain indiquée dans la demande de permis de construire n'a pas été portée à la connaissance du service instructeur et qu'il n'est pas allégué que celui-ci pouvait la déceler, notamment au vu du cadastre (TA Versailles, 6 novembre 1997, Ameri, n°91-3211, BJDU 2/1998, p.156).
- Une autre variante de partage de responsabilité peut naître de la connaissance par le bénéficiaire du permis de construire de l'illégalité l'affectant. En effet, avant le dépôt d'un permis de construire, le pétitionnaire est supposé s'être assuré de la légalité de son projet au regard des règles d'urbanisme. Il en va ainsi lorsque le pétitionnaire, dont le permis de construire a été annulé au motif qu'il concernait des travaux d'agrandissement à effectuer sur une construction irrégulièrement implantée, et dont les droits à construire sur la parcelle d'assiette étaient épuisés au regard des règles de densité applicables, ne pouvait ignorer que son projet n'était pas conforme aux règles d'urbanisme. Il a ainsi commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune, qui doit être, dans les circonstances de l'espèce, limitée à la moitié des conséquences dommageables de l'illégalité du permis de construire (CAA Marseille, 11 juin 2008, n°06MA001533).
Un promoteur dont le permis de construire a été annulé n'avait pu obtenir ce permis avec dérogation qu'après plusieurs interventions auprès du maire et ne pouvait ignorer l'illégalité de sa construction (CE, 1er juillet 1987, SCI La Résidence, n°58395).
La victime peut être considérée comme ayant participé à l'illégalité commise dans le cadre de la signature d'une convention aux termes de laquelle la commune s'engage à modifier son POS pour rendre constructible une parcelle de son co-contractant, et en contrepartie reçoit pour le franc symbolique une autre parcelle (CAA Paris, 31 décembre 1993, Eymain-Mallet, rec. CE, tables, p.1082).
Il importe par ailleurs que le pétitionnaire s'assure lui-même de la sécurité des lieux sur lesquels il entend construire.
Dans cet esprit, l'imprudence de la victime qui n'a pas vérifié, eu égard à la situation de la parcelle, si celle-ci était exposée aux crues éventuelles du cours d'eau situé à proximité, est de nature à atténuer la responsabilité de la commune qui a classé le terrain de la victime en zone constructible, sans tenir compte des risques importants d'inondation et de remontée des eaux (CAA Lyon, 11 juin 2002, Commune de Buis les Baronnies, n°97LY01255).
L'imprudence caractérisée d'une SCI, achetant un terrain par acte notarié postérieurement à l'intervention d'un sursis à statuer, est de nature à limiter la responsabilité de la commune à 50% (CAA Paris, 27 février 1999, SCI Le Cèdre, n°96PA00435). La négligence ou l'inertie du pétitionnaire qui, après l'annulation d'un refus illégal de permis de construire, ne renouvelle pas sa demande de permis, est également blâmable, puisqu'il est dès lors considéré comme ayant volontairement renoncé à réaliser son projet et ne peut, par conséquent, obtenir une indemnisation du fait du refus illégal de permis de construire (CE, 5 juin 1983, Gerles, n°33670).
Le juge administratif
tient compte de la qualité
du pétitionnaire
Un professionnel de l'immobilier sera jugé plus sévèrement qu'un simple particulier ignorant des réalités d'urbanisme. Un professionnel de l'immobilier, qui s'engage, à la demande de la commune, dans des études, alors qu'il ne peut ignorer le caractère aléatoire de ce projet, commet une faute qui exonère l'autorité administrative de sa responsabilité (CE, 16 novembre 1998, Sille, BJDU, 1/1999, p.69).
Le Conseil d'Etat relève que les caractéristiques objectives de parcelles et leur implantation en zone NA c du Plan d'Occupation des Sols de la commune de Bidart, mentionnées par les certificats d'urbanisme litigieux, auraient dû attirer l'attention de la société requérante qui, en sa qualité de professionnel de l'immobilier, ne pouvait ignorer les particularités du site. En se portant cependant acquéreur desdites parcelles au prix du terrain à bâtir, elle a commis des imprudences fautives qui, dans les circonstances de l'espèce, exonèrent la commune de sa responsabilité par un tiers (C.E., 7 mai 2007, Ste. Immobilière de la Banque de Bilbao et de Viscaya d'Ilbarritz, n°282311).
Inversement, le juge administratif tient compte de l'importance du service juridique de la collectivité publique.
Partage de la responsabilité avec l'Etat
La responsabilité de la commune est partagée avec celle de l'Etat à la suite d'un désordre survenu dans une maison implantée sur un terrain soumis à des risques d'inondation. Il y a carence fautive du préfet négligeant de prendre un arrêté délimitant une zone soumise à un risque naturel, et, également, faute du maire, qui aurait dû refuser le permis puisqu'il connaissait le caractère inondable du secteur (CAA Bordeaux, 8 avril 1993, Desfougères, Les Petites Affiches, 23 juin 1993, p.21).