Dix-sept ans après l'installation de la première éolienne en France, à Port-la-Nouvelle (Aude) par la Compagnie du Vent, son P-DG Jean-Michel Germa est partagé. Certes, il existe un tarif de rachat (lire p. 61), un cadre légal et des objectifs élevés pour l'énergie renouvelable. Mais l'environnement politique n'a guère changé. « On n'a pas réellement d'horizon industriel et le temps d'avancer en profondeur », confie-t-il, perturbé par le projet de classement ICPE (lire encadré ci-dessous). « Nous comprenons le souci de l'administration de ne pas couvrir à tort et à travers le territoire français d'éoliennes. Ce n'est pas notre objectif. Mais il va bien falloir compter sur l'éolien pour atteindre 23 % de renouvelables en 2020 », explique l'ancien président du syndicat France Énergie éolienne. Selon lui, il va manquer 25 000 MW si on freine l'éolien. Car à ce jour, le photovoltaïque et la biomasse, pourtant en croissance, n'ont pas le potentiel de masse et la compétitivité de l'éolien. Sur le plan économique, le Syndicat des énergies renouvelables et sa branche éolienne ont contrecarré les attaques, montrant in fine son caractère bénéficiaire pour le mix énergétique.
Aujourd'hui, la profession a simplement besoin de sérénité et qu'on ne calque pas la stratégie française sur celle de nos voisins espagnols ou allemands. « Quand on aura développé un potentiel éolien aussi important que le leur, on pourra envisager de réduire la voilure », estime Jean-Michel Germa.
En dépit de ce contexte, l'éolien a su progresser. La preuve en est les 2 200 machines installées, dont la capacité cumulait 3 000 MW à la mi-octobre et la puissance unitaire, qui n'a plus rien à voir avec la machine de Port-la-Nouvelle et ses 200 kW. Cette puissance n'a cessé de croître, améliorant la rentabilité des investissements et réduisant l'espace occupé. Aujourd'hui, un mât développant 2 à 3 MW est monnaie courante. « Le facteur limitant est maintenant le gabarit routier », rappelle Jean-Michel Germa.
D'où l'idée d'Enercon de proposer une éolienne dont les pâles en morceaux s'assemblent sur place. La puissance pourrait alors atteindre 6 à 10 MW ! Les travaux sur les matériaux utilisés, la géométrie des pales, la maintenance, les roulements ont aussi contribué à augmenter la puissance à coût et taille égaux. Et la disponibilité est restée élevée, supérieure à 95 %. Les plages de vent n'ont pas évolué non plus : « Cela ne vaut pas la peine de surdimensionner certaines pièces pour supporter des vents élevés et ne gagner que quelques heures supplémentaires de fonctionnement », explique le pionnier français de l'éolien. Quant au bruit, la polémique semble bouclée, depuis l'avis de l'Afsset en mars dernier. Il n'est plus question d'accélérer la rotation des éoliennes pour augmenter les rendements comme dans les années 1970-1980. Ce problème est depuis longtemps maîtrisé et s'améliore encore avec les nouveaux matériaux. D'ailleurs, les élus des communes où sont implantées des éoliennes ne s'en plaignent pas et ont décidé de le faire savoir en créant Cléo, le « Club des collectivités locales éoliennes ».