La transmission des actes communaux est une formalité d'autant plus importante que son accomplissement, qui obéit à des modalités bien précises, conditionne le caractère exécutoire ou l'applicabilité des actes soumis à une telle obligation. Malgré les restrictions successives dont il a été dernièrement l'objet sous l'effet de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 portant simplification du droit (JORF, 21 décembre 2007, p. 20639) et de l'ordonnance n° 2009-1401 du 17 novembre 2009 portant simplification de l'exercice du contrôle de légalité (JORF, 18 novembre 2009, p. 19913), le champ d'application de l'obligation de transmission s'étend à un nombre conséquent de décisions et d'actes adoptés par les autorités municipales.
Le champ des actes soumis à l'obligation de transmission
L'article L. 2131-2 du CGCT en dresse une liste limitative classée en huit rubriques qui portent respectivement sur :
- Les délibérations du conseil municipal ou les décisions prises par délégation du conseil municipal en application de l'article L. 2122-22 du même Code. Sont cependant exclues les délibérations relatives aux tarifs des droits de voirie et de stationnement, au classement, au déclassement, à l'établissement des plans d'alignement et de nivellement, à l'ouverture, au redressement et à l'élargissement des voies communales, ainsi que celles relatives aux taux de promotion pour l'avancement de grade des fonctionnaires, à l'affiliation ou à la désaffiliation aux centres de gestion ainsi qu'aux conventions portant sur les missions supplémentaires à caractère facultatif confiées aux centres de gestion.
- Les décisions réglementaires et individuelles prises par le maire dans l'exercice de son pouvoir de police, à l'exclusion de celles relatives à la circulation et au stationnement et de celles relatives à l'exploitation, par les associations, de débits de boissons pour la durée des manifestations publiques qu'elles organisent.
- Les actes à caractère réglementaire pris par les autorités communales dans tous les autres domaines qui relèvent de leur compétence en application de la loi.
- Les conventions relatives aux emprunts, aux marchés et aux accords-cadres, à l'exception des conventions relatives à des marchés et à des accords-cadres d'un montant inférieur à un seuil défini par décret, ainsi que les conventions de concession ou d'affermage de services publics locaux et les contrats de partenariat.
- Les décisions individuelles relatives à la nomination, au recrutement, y compris le contrat d'engagement, et au licenciement des agents non titulaires, à l'exception de celles prises dans le cadre d'un besoin saisonnier ou occasionnel, en application du deuxième alinéa de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
- Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation des sols et le certificat d'urbanisme délivrés par le maire ou le président de l'EPCI lorsqu'il a reçu compétence dans les conditions prévues à l'article L. 421-2-1 du Code de l'urbanisme.
- Les ordres de réquisition du comptable pris par le maire.
- Les décisions relevant de l'exercice de prérogatives de puissance publique, prises par les sociétés d'économie mixte locales pour le compte d'une commune ou d'un EPCI.
À l'opposé, échappent à l'obligation de transmission les actes édictés par les autorités communales au nom de l'État (art. L. 2131-4 CGCT), tels que ceux pris par le maire et ses adjoints en leur qualité d'officiers de police judiciaire (art. L. 2122-31 CGCT) et d'officiers d'état civil (art. L. 2122-32 CGCT) ou encore ceux adoptés en application de l'article L. 2122-27 du CGCT (publication et exécution des lois et règlements, exécution des mesures de sûreté générale, exercice de fonctions spéciales attribuées par la loi avec, par exemple, la délivrance de « certificats de vie » ou de « bonne vie et moeurs », les actes de certification de copies, les autorisations à tout électeur, candidat ou parti politique, d'accéder aux listes électorales et d'en prendre copie, la constatation des infractions à la législation sur l'urbanisme, les actes d'application de la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 sur la publicité, les enseignes et pré-enseignes, les actes de transmission des demandes de cartes nationales d'identité ou de passeports au préfet ou au sous-préfet, l'exécution d'ordres émanant du gouvernement comme, par exemple, celui de pavoiser les édifices de la commune ou de mettre en berne le drapeau de la mairie). Sont également soustraits à cette prescription légale les actes de droit privé (art. L. 2131-4 CGCT), dont notamment ceux visant à assurer la protection du domaine privé de la commune (CE, 27 mai 1991, Époux Campagne, Rec., p. 212), ainsi que les contrats de droit commun passés par la commune, comme les contrats de courtage conclus en vue de définir, pour le compte de la collectivité, les conditions d'emprunt les plus avantageuses (CE, 22 juin 1998, Commune de Baie-Mahault et Société Rhoddlams, Rec., p. 243 ; TC, 14 février 2000, Commune de Baie-Mahault, Rec., p. 747). En revanche, doivent être transmis au préfet les délibérations ou les arrêtés du maire portant approbation de tels contrats (TC, 4 novembre 1991, Ginter, Rec., p. 476 : à propos d'une délibération mettant fin à un bail de droit de chasse ; TC, 14 février 2000, Commune de Baie-Mahault, préc.).
Les modalités de la transmission
C'est en principe au maire ou, à défaut, au comptable de la commune, que revient le soin d'assurer la transmission, que les décisions ou les actes transmissibles adoptés relèvent du conseil municipal ou de l'autorité exécutive locale (CE, 6 décembre 1995, Préfet des Deux-Sèvres c/ Commune de Neuvy-Bouin, Rec., p. 425 ; CE, 6 décembre 1995, Préfet des Deux-Sèvres c/ Commune de Vernoux-en-Gatines, Rec., p. 425 ; CE, 6 décembre 1995, Préfet du Morbihan, Rec., p. 425). En outre, la transmission doit être effectuée auprès du préfet ou de son représentant dans l'arrondissement (art. L. 2131-1 CGCT), à défaut de quoi le délai de deux mois imparti au préfet pour déférer au tribunal administratif l'acte transmis ne sera pas déclenché (CE, 6 juillet 2007, Commune de Saint-Paul-Trois-Châteaux, req. n° 298744 : à propos d'un permis de construire transmis auprès d'une subdivision de la direction départementale de l'équipement).
Enfin, obéissant à la règle d'exhaustivité, elle doit être complète, c'est-à-dire comporter le texte intégral de l'acte concerné et être accompagnée des documents annexes nécessaires pour permettre au préfet d'apprécier la portée et la légalité de l'acte (CE, 13 janvier 1988, Mutuelle générale des personnels des collectivités locales et de leurs établissements, Rec., p. 6). Ainsi, par exemple, lorsque le maire transmet une délibération municipale approuvant un contrat ou autorisant sa conclusion, il doit également transmettre les documents contractuels (ibid.), cette exigence s'imposant pour tous les documents transmissibles (CE, 31 mars 1989, Préfet de la région Languedoc-Roussillon c/ Mme Alary, Rec., p. 112). Si certaines pièces complémentaires ne lui sont pas adressées, le préfet a toujours la possibilité de les solliciter auprès du maire, le juge administratif appréciant toutefois la nécessité des documents demandés par l'autorité préfectorale. À ce titre, sont considérés comme nécessaires les pièces établissant le caractère infructueux d'un appel d'offres pour apprécier la portée et la légalité d'un marché négocié (CE, 31 mars 1989, Commune de Septèmes-les-Vallons, Rec., p. 102 ; CE, 29 avril 1994, Commune de Baillif, Rec., T., p. 801) ou les documents justifiant la légalité du recrutement d'agents contractuels sur des emplois permanents (CE, 27 février 1995, Préfet de l'Essonne c/ Conseil général de l'Essonne, req. n° 150631). La solution inverse est retenue à propos d'une fiche d'état civil mentionnant la nationalité, le bulletin n° 2 du casier judiciaire et des certificats médicaux, jointe à un arrêté de titularisation d'un agent communal (CE, 31 mars 1989, Préfet de la région Languedoc-Roussillon c/ M. Alary, préc.) ou, dans le cadre d'une subvention communale à un comité des oeuvres sociales de la ville, les informations sur l'affectation éventuelle de la somme allouée au financement de titres de restauration au bénéfice des agents (CE, 23 février 2000, Ministre de l'Intérieur c/ Commune de Mende, Rec., p. 80). Par ailleurs, il est loisible à l'autorité compétente d'effectuer la transmission par voie électronique. Dans ce cas, la commune doit recourir à un dispositif de télétransmission ayant fait l'objet d'une homologation dans des conditions fixées par arrêté du ministre de l'Intérieur (art. R. 2131-1 CGCT). L'homologation est ici subordonnée au respect des prescriptions contenues dans un cahier des charges annexé à un arrêté du 26 octobre 2005. Ce cahier des charges définit l'architecture globale de la chaîne de télétransmission des actes soumis au contrôle de légalité ainsi que les caractéristiques exigées en vue de l'homologation d'un dispositif de télétransmission (art. R. 2131-2 CGCT).
Les effets de la transmission
Conformément à l'article L. 2131-1 du CGCT, les actes édictés par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès lors qu'il a été procédé, d'une part, à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés et, d'autre part, à leur transmission au préfet de département ou à son délégué dans l'arrondissement. Seuls les actes non expressément visés par la loi comme assujettis à l'obligation de transmission, sont exécutoires de plein droit dès lors qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux personnes intéressées (art. L. 2131-3 CGCT ; CE, 17 juin 1988, COREP du Val-d'Oise, Rec., T., p. 658). Ainsi, la transmission a donc pour effet de rendre les actes soumis à cette obligation, applicables (sans effet rétroactif : CE, 30 septembre 1998, Ville de Nemours c/ Mme Marquis, Rec., p. 320) et opposables aux tiers. Elle déclenche également le point de départ du délai de deux mois durant lequel le préfet peut saisir de tout acte transmissible, par la voie du déféré, le tribunal administratif territorialement compétent. Sur ce point, la preuve de la réception des actes par le représentant de l'État dans le département ou son délégué dans l'arrondissement peut être apportée par tout moyen. L'accusé de réception, qui est immédiatement délivré, peut être utilisé à cette fin mais il n'est pas une condition du caractère exécutoire des actes transmis.
En l'absence de transmission d'un acte transmissible ou en cas de transmission incomplète, celui-ci ne pourra entrer en vigueur et être applicable (CE, 10 janvier 1992, Association des usagers de l'eau de Peyreleau, Rec., p. 13). De la même manière, le délai de deux mois imparti au préfet pour déférer l'acte au tribunal administratif ne courra pas ou courra indéfiniment, de sorte que le représentant de l'État pourra déférer l'acte à tout moment (TA Nice, 24 octobre 1991, Époux Lequio, Rec., T., p. 848). À l'opposé, le défaut de transmission par le maire n'affecte pas en principe la légalité de l'acte concerné, qui ne peut donc être annulé par le juge administratif pour ce seul motif (CE, 27 avril 1987, COREP du département des Côtes-du-Nord, Rec., T., p. 721 ; CE, 10 janvier 1992, Association des usagers de l'eau de Peyreleau, Rec., p. 13). Toutefois, en matière contractuelle, l'absence de transmission de la délibération autorisant le maire à signer un contrat avant la date à laquelle le maire procède à sa conclusion entraîne l'illégalité dudit contrat (CE, Avis, 10 juin 1996, Préfet de la Côte-d'Or, Rec., p. 198). Dans tous les cas, le refus de la part du maire de transmettre un acte soumis à l'obligation de transmission peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et être ainsi éventuellement annulé par le juge administratif saisi (CE, 28 juillet 1989, Ville de Metz, Rec., p. 171).